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Musique et théâtre - Page 14

  • Pelléas et Mélisande (2)

    Au Musée d'Orsay.

    A quelques mètres, dans une petite salle, sans la concurrence de l'orchestre, les voix sont plus fortes, plus incarnées dans les corps plus proches. Par moment la déclamation vient tarir le chant (comme un roc à fleur d'eau). Le parti pris de mise en scène "réaliste", le rôle central donné à Golaud renforcent à leur tour l'atmosphère de brutalité et de violence réelles : une famille renfermée sur elle-même (on ne part pas : à cause des convenances peut-on choisir entre le père et l'ami ? ou par manque d'argent - cette famine qui règne alentours ?) ; quatre générations vivent sous un même toit ; on déplore mais on ne fait rien pour arrêter la folie jalouse du fils aîné, même après le meurtre ; on reste entre soi ; à la fin, cela pourrait recommencer : c'est au tour de la pauvre petite ; une naissance fournit une nouvelle victime : elle ne rit pas... elle est petite... elle va pleurer aussi... j'ai pitié d'elle... (avec quel détachement glaçant Mélisande, voyant son enfant, prononçait ces paroles, les dernières avant de mourir ! - dans ce même spectacle en 2004 - mais la distribution a changé...)

    Cependant la musique ne disparaît pas dans le drame. Même au piano, il y a des moments d'une beauté extraordinaire. Par exemple la scène de la grotte : on y entend bien au-delà des quelques mots échangés, la caverne nocturne, la mer vaste et sombre comme la nuit, la lumière subite de la lune, le bonheur... puis la pitoyable misère des paysans morts de faim, la frayeur et l'amertume.

  • Cosi fan tutte (2)

    A l'opéra Garnier.

    Une oeuvre si riche, si pleine qu'il est difficile de rester concentré pendant tout le temps qu'elle dure. Après le feu d'artifice de la première partie, où les ensembles s'enchaînent, c'est dans la seconde que les personnages s'individualisent, que finit de se dessiner la figure de Fiordiligi, que se joue son petit drame... Très belle scène où Fiordiligi cède : elle se déguise en homme pour échapper au séducteur et rejoindre son fiancé. Travestie, elle ne se reconnaît plus, elle se perd. Elle chante son amour pour l'absent au loin ; mais comme l'autre se présente, il faut bien qu'elle avoue que ce chant est pour lui.

  • Lucia di Lammermoor

    A l'Opéra Bastille.

    Celui qui n'est pas ému par elle a une pierre à la place du coeur.

    ... disent à un certain moment les surtitres. Il faudra bien que je me résigne à rentrer chez moi avec cette pierre dans la poitrine (est-elle lourde !?) puisque je suis sourd à l'émotion que cette musique exprime...

  • La Clémence de Titus

    A l'Opéra Garnier.

    Le décor est un grand cube blanc (on se croirait toujours à Pleyel). Le palais a été inauguré trop tôt, n'est pas encore meublé ; la peinture sèche. De longs récitatifs précèdent les airs. On a l'impression d'une « œuvre de prestige », de haute culture (opera seria, Rome antique, Métastase), luxueuse mais quelque peu inhabitée. Un programme racinien lie les personnages : Sextus aime Vitellia qui convoite Titus qui se propose d'épouser Servilia qu'aime Annius. L'histoire romaine fournit des accessoires sans relief (le Sénat, le Capitole, Bérénice...)

    La distribution accentue l'effacement de l'Empereur, « meilleur des princes », mais qui à force de vouloir plaire à tout le monde, risque d'être totalement dépourvu d'existence. (Si peu vivant qu'il ne peut mourir : dans le magnifique finale du premier acte, seule son ombre est poignardée). La réalisation de l'opéra tord les rapports entre les rôles. Un chanteur l'emporte sur les autres (en l'occurrence Sextus) ; il draine à lui l'émotion et la vie ; les autres se font marionnettes et le drame devient son rêve ou son cauchemar, la chambre d'écho des hantises et des désirs de son personnage.

  • Fidelio

    Au Châtelet.

    Zvezdoliki y était aussi (et bien davantage que moi...)

    ... citons néanmoins de cette soirée :
    - dans le premier acte, la phrase pleine de pitié du geôlier à propos du prisonnier que Pizarro veut faire mourir (était-ce : der kaum mehr lebt / und wie ?)
    - l'espèce de chant de travail (il s'agit de creuser une tombe) où pendant que Rocco se donne du cœur à l'ouvrage, grandit en Fidelio / Leonore un autre courage, celui de sauver le captif inconnu
    - Leonore qui se dévoile et se dresse face à Pizarro sans craindre la démesure de l'entreprise, forçant sa voix (et sauvée seulement par la grâce des trompettes qui sonnent en coulisse faisant entendre le deus ex machina)
    - le ravissement de Leonore O Gott ! Welch ein Augenblick ! dans un répit du chant de gloire général
    (Je me souviens d'un autre Fidelio au Châtelet - mise en scène celui-là - où une partie du chœur était alors dispersée dans la salle. Le public était enrôlé par procuration dans la célébration universelle : car ce n'est plus un spectacle, c'est presque une cérémonie, les officiants et l'assistance ensemble - un hymne plus qu'un finale d'opéra.)

  • Don Giovanni

    Au Théâtre des Champs-Elysées.

    Dans l'avant-dernière scène, comme on sait, la figure de Don Giovanni prend soudain une grandeur inédite ; il est un héros qui ne connaît pas la peur, face à la mort refuse de se repentir, crie Non ! au Commandeur et finit dans les flammes. Je ne sais trop comment cela se concilie avec son personnage jusque-là de séducteur médiocre, qui ment sans vergogne, se déguise, souvent en fuite, toujours en déroute. Plutôt que les grandes orgues de la fin, son emblème c'est la musique du finale de l'acte un, l'air de danse en forme de collage, de citation ou d'élément de décor (les musiciens montent sur scène) : tous y dansent faussement, le mensonge est étriqué et respecte à peine les formes, il couvre mal les apartés des uns et des autres (chacun est à sa conspiration), et disparaît balayé par le cri de Zerline (le but de la mascarade).

  • Iphigénie en Tauride

    A l'opéra Garnier.

    Iphigénie ne reconnaît pas Oreste ; Oreste n'a pas reconnu Iphigénie (ça fait pourtant près de trois mille ans qu'ils rejouent leur histoire). La grande prêtresse se prépare donc malgré elle à sacrifier le naufragé. Récitatifs, airs, chœurs et ballets s'imbriquent sans coutures achevant la cohérence des unités de lieu, de temps, d'action (seul le metteur en scène rêvasse et parle d'autre chose ; je n'ai pas compris quoi).  La musique est pleine de contraste, de terreur et d'héroïsme, de pleurs et d'allant ; elle est jouée avec le feu ou l'ombre nécessaires. Les chanteurs tragédiens sont compréhensibles, émouvants, naturels...

    Mais tout ça ne réussit pas à me faire aimer la musique de Gluck...