Au Musée d'Orsay.
A quelques mètres, dans une petite salle, sans la concurrence de l'orchestre, les voix sont plus fortes, plus incarnées dans les corps plus proches. Par moment la déclamation vient tarir le chant (comme un roc à fleur d'eau). Le parti pris de mise en scène "réaliste", le rôle central donné à Golaud renforcent à leur tour l'atmosphère de brutalité et de violence réelles : une famille renfermée sur elle-même (on ne part pas : à cause des convenances peut-on choisir entre le père et l'ami ? ou par manque d'argent - cette famine qui règne alentours ?) ; quatre générations vivent sous un même toit ; on déplore mais on ne fait rien pour arrêter la folie jalouse du fils aîné, même après le meurtre ; on reste entre soi ; à la fin, cela pourrait recommencer : c'est au tour de la pauvre petite ; une naissance fournit une nouvelle victime : elle ne rit pas... elle est petite... elle va pleurer aussi... j'ai pitié d'elle... (avec quel détachement glaçant Mélisande, voyant son enfant, prononçait ces paroles, les dernières avant de mourir ! - dans ce même spectacle en 2004 - mais la distribution a changé...)
Cependant la musique ne disparaît pas dans le drame. Même au piano, il y a des moments d'une beauté extraordinaire. Par exemple la scène de la grotte : on y entend bien au-delà des quelques mots échangés, la caverne nocturne, la mer vaste et sombre comme la nuit, la lumière subite de la lune, le bonheur... puis la pitoyable misère des paysans morts de faim, la frayeur et l'amertume.