Reprise de l'Anneau du Nibelung à l'opéra Bastille.
(Je suis presque convaincu, après cette représentation, que la figure principale de l'Or du Rhin est Loge ; j'ai également envie de croire que la constatation ne s'applique pas seulement au prologue mais est valable pour l'ensemble de la tétralogie, quand bien même le personnage n'apparaît plus sur la scène sous forme "humaine" après ce premier épisode et ne se présente dans la suite du drame que sous l'apparence purement orchestrale d'un motif (et d'un accessoire théâtral, certes majeur, le feu). L'événement primordial est le vol de l'or par Alberich (via la "Renonciation à l'amour") mais c'est à Loge qu'il revient, à la scène suivante, de transformer l'événement en récit et d'en faire la matière qui servira à tisser l'intrigue (tel l'auteur et le compositeur) : il commence l'enchevêtrement des causes et des effets dont les lointaines conséquences se trouveront à la fin du Crépuscule des Dieux (Loge paraît aux commencements et retentit dans les dénouements).
La mise en scène a fait des filles du Rhin trois entraîneuses en habits provocants, couleur chair. Quand Alberich, parce qu'il les a dédaignées, parvient à s'emparer de l'or, les trois nixes se dépouillent de leur seconde peau et l'abandonnent sur la scène. Loge, lorsqu'il fait le récit de cet épisode à la scène suivante, se drape dans un de ces costumes délaissés : belle idée de mise en scène qui d'une part souligne le lien crucial entre l'événement et le récit ; d'autre part, exprime par le travestissement le caractère artificieux de Loge ; enfin, me semble-t-il, renvoie, de façon très cohérente pour la compréhension du personnage, au modèle mythique de Loge : le dieu Loki, et à la faculté que celui-ci possède de changer de sexe.)