Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Musique et théâtre - Page 2

  • Tamerlano

    Tamerlan de Haendel à l'opéra du Château de Versailles.

    (Bajazet, empereur ottoman, a été vaincu et fait prisonnier par Tamerlan. Sa fille Astérie répond à l'amour d'Andronicus, un prince grec allié du guerrier mongol. Mais Tamerlan, ignorant de ces liens, décide de faire d'Astérie son épouse.  Astérie pleure un peu ; son père et son amant l'interrogent, elle ne répond pas. Elle semble se résoudre à devenir la femme du tyran. C'est toujours une demi-suprise d'entendre dans la forme a priori la moins dramatique qui soit, l'opera seria et sa suite d'aria da capo, se nouer une intrigue, évoluer des personnages et se préparer un coup de théâtre (ici il faut néanmoins noter que l'action culmine dans une vaste scène atypique avec longs dialogues et ensembles). Le personnage hésitant d'Astérie (l'interprète elle-même paraît mal assurée), se révèle alors une nouvelle Judith : cachant dans son sein un poignard, elle s'apprêtait à tuer Tamerlan.)

  • La Représentation de l'âme et du corps

    D'Emilio de' Cavalieri, à la Cité de la musique.

    (L’orchestre, les chœurs et les acteurs sont disposés autour du chef  en arcs concentriques qui s’étagent dans la profondeur ; les  instruments d’époque donnent à cet arrangement un peu de l’apparence des chœurs célestes comme ils se laissent voir, sur leurs nuages, dans les tableaux des maîtres anciens. Mais la beauté de la représentation cache la relative misère de la musique et du livret. La subtilité sonore des timbres et des voix contraste avec la pauvreté du fond ; et tient lieu d’une mise en scène opulente par ses décors, ses costumes et ses machines que le canevas trivial aurait rendue nécessaire. A un certain moment, l’âme interroge le ciel à propos du salut ; lorsque l’écho, certes joliment chanté par les anges, fait les réponses en répétant la fin de ses questions, je suppose que le trait d’humour est involontaire et qu’il ne s’agit pas de dénoncer la  supercherie du catéchisme représenté).

  • Nielsen, Chostakovitch, Grieg

    Musique de scène pour Peer Gynt, à la salle Pleyel.

    (Ah ! le chœur mélancolique chanté par les plus humbles choses à Peer Gynt, alors qu'il revient, vieux et seul, au pays natal :)

    LES PELOTES
    Nous sommes les pensées que tu devrais avoir eues… Des petites menottes que tu devais nous offrir !
    Nous devions nous élever, voix émouvantes… et il faut que nous roulions, pelotes de fil gris.

    UN BRUISSEMENT DANS L’AIR
    Nous sommes les chansons que tu aurais dû chanter !... Mille fois, tu nous a réprimées et contraintes. Dans le creux de ton cœur, nous sommes restées, attendant… Jamais on n’est venu nous chercher. Qu’il y ait du poison dans ta gorge !

    DES BRINS DE PAILLE BRISEES
    Nous sommes des œuvres que tu devais accomplir. Le doute qui étrangle nous a estropiés et fendus. Au jour suprême, nous arriverons en bandes et annoncerons la chose… et cela suffira pour toi !

    (Ibsen, Peer Gynt – trad. R Boyer)

     

  • Cavalleria Rusticana, Pagliacci

    A l'opéra de Bastille.

    (Les deux oeuvres forment un étrange attelage : pourquoi a-t-on décidé depuis des lustres qu'elles allaient ensemble ? La première fait penser au folklore inventé des chansons populaires ; la seconde bénéficie de toutes les innovations de la modernité fin-de-siècle, tant à l'orchestre que dans le livret. Et comment ne pas être ému par les efforts condamnés de Nedda pour continuer la farce, ses pirouettes et ses arlequinades alors que son mari a déjà sorti le couteau qui va frapper, perçant le costume de scène, la femme réelle -- ou, plus exactement, située à un degré inférieur dans l'ordre de la représentation gigogne ?)

  • La Walkyrie

    La Walkyrie, au Théâtre des Champs-Elysées.

    (Le premier acte est assurément une des plus grandes réussites dramatiques de Wagner : on assiste, dans cette scène unique et continue, à une formidable déflagration du passé dans le présent ; la vérité se révèle par l'anamnèse, les deux jumeaux se reconnaissant se connaissent eux-mêmes, Siegmund trouve un nom. La révélation dégage les forces endormies, enfouies dans le passé, comme l'épée plantée jusqu'à la garde dans le tronc du frêne dont nul n'avait pu se servir. Après l'entracte, l'opéra peine à conserver le même élan. En l'occurence, ce soir, le second couple, Wotan et Brünnhilde, dont les démêlés prennent le relais (des adieux au lieu d'une rencontre) intéressent moins. Ne pourrait-on imaginer de jouer l'opéra dans le désordre et d'insérer le premier acte entre les deux autres ? On objectera que la chronologie s'en trouverait bouleversée ; la musique du compositeur étant par nature insécable, après le prologue au ciel, Siegmund recevrait l'annonce de sa mort et serait tué -- avant d'apparaître. Mais, après tout, il ne s'agit que d'ajouter, aux abondantes récapitulations chères à Wagner, un flash-back.)

  • La Didone

    La Didone, de Cavalli, au Théâtre des Champs-Elysées.

    (Admirable séquence du troisième acte : elle commence par la chasse qui réunit Didon et Enée avant que l'orage les surprenne et les oblige à s'abriter dans une grotte ; la musique redouble l'image de la poursuite amoureuse et de l'amoureuse tempête. Puis, alors que la reine de Carthage repose, Mercure intervient et rappelle au héros quel destin l'attend au-delà de la mer. Enée monologue et se résout à partir ; la lâcheté de son demi-chuchotement ne nuit pas la bouleversante intensité de sa douleur. Cependant Didon se réveille au moment où son amant contrit va enfin achever sa sortie ; la reine se livre à tous les excès de ses sentiments outragés, devant Enée et puis sans lui : tour à tour, impérieuse, suppliante, tendre, enragée, utilisant toutes les ressources de la déclamation et du chant. Mais

    Grido e bruscia il mio core senza pace
    Da quando più non sono
    Se cosa in rovina e abbandonata.

    - - - 

    Nella tenebra,  muta
    Cammini in campi vuoti d'ogni grano:
    Altero al lato tuo più niuno aspetti.

    Cependant, au contraire du finale attendu, à l'instant où Didon se jette sur l'épée d'Enée, la fin heureuse vient se greffer sur l'histoire antique et éteindre le bûcher funéraire. Iarba, soupirant sans espoir de Didon, retrouve la raison, qu'il avait perdue devant les succès de son rival, et sauve la reine : elle-même se relève et acquiesce à cet amour jusqu'alors dédaigné. Le revirement est un peu fort pour notre goût moderne ; et la mise en scène, peut-être à contresens, fait chanter à Didon sa liesse nouvelle d'une voix blanche en jetant de longs regards en coulisse, à cour, du côté où Enée a disparu. Pourtant ce retournement est approprié aux contrastes du livret, à son dédain des transitions, à la brutalité des renversements d'atmosphère, aux collisions de la farce et de la tragédie : la roue endentée de Fortune ne tourne pas sans saccades. Toute proportion gardée, la péripétie rappelle, dans le Couronnement de Poppée du même Busenello, la volte-face d'Othon, oubliant sa passion pour Poppée pour s'attacher à Drusilla. )

  • La Flûte enchantée

    A l'opéra de Francfort.


    (Particulièrement aimé l’interprète de Pamina : elle chante son Ach, ich fühl’s avec grand calme, lentement, soignant l’articulation, laissant se déployer les phrases sans les presser… on dirait qu’elle prend alors le temps de reconnaître son insupportable douleur et de constater avec une gravité qui engage tout son être que le bonheur est à jamais enfui, que sa vie est perdue.)