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Revu

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    Revu les scènes consacrées à saint Jérôme par Carpaccio à la Scuola di San Giorgio degli Schiavoni.

    (Au centre, la Mort de saint Jérôme ordonne le cycle des trois peintures.  Les autres panneaux formant avec elle, l’un et l’autre, une paire : le premier par unité de  lieu (le monastère), le troisième par unité de temps (l’instant de la mort de Jérôme, avec laquelle coïncide la vision de saint Augustin).

    Le corps est étendu au premier plan. Il repose de profil sur une terrasse dallée que des parois ferment aux deux bouts, confondues avec les limites de la représentation. Les moines qui célèbrent le service funèbre se tiennent également dans cet espace en forme de seuil. Derrière eux s’étend la cour du monastère, ouverte sur le désert. Des éléments se font écho d’un espace à l’autre et assurent une transition entre les deux ensembles discontinus : le mât et le palmier là répondent à la croix processionnelle ici ; les couleurs du vêtement des moines s’harmonisent avec celles des collines à l’horizon. Il y a encore ce livre ouvert selon lequel l’abbé ordonne la liturgie. Tout l’espace ultérieur semble sa transposition peinte : le pli de la reliure rejoint les fortes verticales plantées dans la cour ; la page est comme le battant ouvert de la porte de l’enceinte. A la mort du saint succède, pour l’œil, un mouvement d’expansion paisible qui conduit de la dépouille mortelle à l’univers tranquille (L’exhalaison qu’il suggère contraste avec l’agitation et la fuite terrifiées des moines dans la scène précédente – saint Jérôme et le lion – alors que l’apaisement a trouvé là sa première manifestation dans le geste réconfortant du saint.)

    Le confinement de la Vision de saint Augustin s’oppose à cette dilatation de l’espace. Ici, le monde extérieur n’est pas représenté. Un jour surnaturel pénètre une chambre close.  L’illumination est peut-être la répercussion et le retour de ce regard qui, dans le panneau précédent, se propageait librement jusqu’à l’horizon. L’univers n’apparaît que par cette lumière éblouissante qui passe la paroi et, niant l’épaisseur, la rend semblable à un rideau imparfaitement tiré. Les ouvertures sont réduites à des fentes étroites par le raccourci de la perspective. Ici à nouveau c’est l’image transposée d’un livre : non plus ouvert, mal fermé ; l’intérieur n’apparaît obscurément que dans l’entrebâillement des feuilles.)

  • Mars

    Le Mois de mars, de Francesco del Cossa au palais Schifanoia.

    (Chaque visite du palais Schifanoia est l’occasion d’un nouvel engouement pour l’art de Francesco del Cossa. Mais l’œuvre est si rare et dispersé qu’on sait déjà que cet enthousiasme manquera ailleurs d’aliment ; à l’exception de la Vierge du musée de Bologne, il ne restera pour le soutenir, en attendant d’y retourner, que le souvenir des fresques de Ferrare. Les murs peints sont divisés en trois bandes horizontales et de largeurs différentes. Les scènes historiques occupent la plus grande, en bas. Dans cette partie, la représentation coagule en un seul espace, impossible, des éléments disparates. Chaque vue forme un ensemble proportionné bâti selon les règles, mais on passe de l’une à l’autre par des parcours ou des trouées fantastiques. Au premier plan la cour de Borso d’Este s’assemble pour une audience ; et, au fond,  les mêmes vont à cheval, représentés en bloc et de profil comme sur une médaille ; ils courent un lièvre et leur chevauchée les amène tout droit dans le vide, alors qu’ils s’avancent sur un promontoire au dessus du palais d’où ils sont sortis. A gauche une scène de travaux aux champs, autonome comme ces petits théâtres réalistes taillés dans le paysage à l’arrière-plan des tableaux de Mantegna. Mais l’atmosphère ici est plus sensible. Des paysans travaillent dans une treille à élaguer la vigne ; l’étendue est fermée par une rangée de maisons ;  la terre est sombre mais l’air froid de mars donne aux blancs un éclat qui accorde les vêtements des paysans, la nuée des colombes autour du pertuis du colombier et le croissant de lune mangé par le ciel bleu ; leur luminosité particulière fait penser à la neige (là-bas, au dehors) qui s’attarde en ce début du printemps sur les sommets des Apennins. )

  • Yang Kwei-Fei

    Revu l'Impératrice Yang Kwei-Fei de Mizoguchi.

    (Par le jeu des ellipses, le règne de l’impératrice est réduit à peu de chose ; l’ascension et la chute de la favorite se succèdent ; et le film se compose autour de deux séquences en miroir : la rencontre et la séparation ou, si l’on préfère, un peu en deçà et au delà de celles-ci, une apparition et une disparition. Dans la première, la jeune femme (qui est le véhicule innocent de l’ambition de son clan) doit attirer l’attention de l’empereur et le séduire ; plusieurs tentatives sont nécessaires (il ne la regarde pas ; puis il ne perçoit en elle qu’un simulacre ; enfin il l’entend et, la connaissant enfin, la choisit). Mais les adieux, à rebours, sont furtifs, rapides et peut-être inconscients car on ne sait, dans le court moment  où l’impératrice reculant s’éloigne de l’empereur,  si tout deux comprennent qu’ils échangent leur dernier regard (elle oui, lui non, sans doute). Par un entrebâillement, elle continue un temps de le voir sans qu’il le sache, comme à leurs débuts. La scène est dans un lieu étrange et nocturne, mal défini : un campement militaire, un village de toile et de planches, qui sont autant d’obstacles qui cèdent ou s’interposent ; ils arrangent un espace mi-ouvert mi-fermé, sans issue, où les déplacements sont à la fois libres et contraints. Dans ce labyrinthe passe la clameur des soldats rebelles. Ils vont bientôt se présenter devant l’impératrice et l’accompagner au lieu de son exécution (c’est un arbre mort, quelques pas plus loin, où une corde est nouée ; que le bourreau remplace, à la demande de la victime,  par l’écharpe qu’elle appporte). L’impératrice marchant au supplice disparaît de l’image, laissant derrière elle dans le sable ses atours et ses pantoufles.)