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Musique et théâtre - Page 5

  • The Turn of the screw

    Opéra de Britten, à l'Athénée.

    (Quand on est habitué à l’œuvre de Henry James, l’opéra de Britten demande un petite effort d’adaptation : il faut bien se faire une raison de ces fantômes qui ne se contentent pas d’apparaître (ou de ne pas apparaître) à la gouvernante comme dans la nouvelle. Ici ils sont incontestables, à égalité avec les autres personnages, en chair et en voix, que la gouvernante soit présente ou absente (qui, dans le livre, gouverne également leurs manifestations). On a donc l’impression de faire connaissance avec eux pour la première fois, figures à part entière, quoique défuntes : Miss Jessel, femme perdue ou bien Didon abandonnée, et Peter Quint, nouveau joueur de flûte de Hamelin).

  • Faust

    Faust, de Gounod, à l'opéra Bastille.

    (Ce que j’ai préféré dans la représentation d’hier, c’est la phrase de Marguerite à l’acte 2 et puis, se citant elle-même, à l’acte 5 : « Et je n'ai pas besoin qu'on me donne la main! ». Je rêvais au « Laissez-moi, je préfère marcher seule » de Mélisande –  mais, on le sait déjà, l’opéra comme genre existe pour aboutir à l’œuvre de Debussy.)

  • Tristan und Isolde

    Festival de Bayreuth.

    Un grand merci à Philippe[s] pour cette expérience nonpareille…

    (Quelques souvenirs de la mise en scène : Le rideau se lève sur un décor encombré de fauteuils sans couleur, qui fait davantage penser à la salle commune d’une maison de retraite qu’au salon d’un transatlantique. Sommes-nous d’ailleurs sur un navire ? Les plafonniers vont et viennent au-dessus du plateau et manifestent  peut-être les flots invisibles qui font rouler et tanguer le vaisseau. Mais plus sûrement il y a l’orchestre invisible qui vient battre les parois de la salle où nous sommes enfermés : – Magie de du théâtre et de sa conception ! De la salle, la scène apparaît sans solution de continuité par-dessus la fosse couverte ; l’orchestre n’étouffe jamais les voix. Le drame y gagne une concentration extraordinaire : bien accordée à cet opéra en particulier et la proportion formidable qu’il met en jeu, entre la simplicité de l’action et l’ampleur de la musique.

    Peu à peu la fureur d’Isolde se résout en une froide et calme détermination, proclamée avec une autorité implacable : mourir avec Tristan (un Tristan à peu près absent, convenablement calfeutré dans son imperméable). Dans le premier mouvement de la colère, Isolde a renversé les meubles, que Brangäne affolée court remettre d’aplomb ; puis, alors que Tristan approche, elle retourne à nouveau chaque fauteuil, un à un, lentement. Mais Brangäne a substitué le philtre et jeté le  poison par un hublot. Isolde attend en vain la mort : elle se prend le poignet, cherche son pouls. Puis le breuvage fait son effet ; un étrange désordre saisit les deux héros, qui se débraillent malgré les efforts faits pour les rhabiller en vue du débarquement. – Tout cela peut paraître fâcheusement sarcastique mais je ne trouve  pas que ça contredise le sens du drame : au contraire, c’est la goutte d’eau froide qui condense les  vapeurs soulevées par l’exaltation musicale, en une éternité de chaudes larmes.

    A chaque acte le décor semble descendre d’un niveau (les boiseries et hublots du premier acte surmontent la tapisserie jaune du deuxième ; au troisième acte nous serons opportunément « au troisième dessous ».)
    Au début du deuxième acte, Brangäne et Isolde se disputent les interrupteurs reliés au réseau de néons qui surplombe le plateau (c’est l’accessoire le plus spectaculaire de toute la mise en scène). Enfin Isolde l’emporte, la pénombre se fait, Tristan est là. Il n’y a pas d’étreinte mais de lentes évolutions jusqu’au climax : Isolde est assise sur une banquette, Tristan est à ses pieds, la tête sur ses genoux, et tous deux jouent avec un gant : signe plaisamment désuet d’un érotisme incontentable.
    Mais les lampes se rallument (non sans avoir au préalable dessiné un M majuscule). Marke livre son extraordinaire monologue. Isolde cependant, comme une adolescente égarée, montre timidement du doigt quelques-unes des lampes qui clignotent encore, espérant peut-être qu’elles s’éteignent à nouveau. Kurwenal rase les murs et finit par s’effondrer terrassé par la honte.

    Au dernier acte, les tubes de néon ont été remisés contre le mur ; deux ou trois continuent de brasiller par intermittence, seuls vestiges des prouesses électroluminescentes de l’acte précédent. Tristan est couché dans un lit d’hôpital qu’un boîtier de commande permet de lever ou d’abaisser. Mais plus que ces accessoires (ou le héros lui-même) c’est Kurwenal qui semble porter toute la déréliction de ce dernier acte : vieilli avant l’heure, marchant à petits pas autour de Tristan sans presque lâcher jamais la barre d’appui qui entoure sa couche. Quand Tristan finit par s’effondrer sur le devant de la scène (Isolde approche), Kurwenal égalise le matelas, lisse les draps, refait le lit (Isolde ira s’y coucher à son tour). Il tombe lui-même face à des assaillants invisibles, poings serrés, comme pour les écarter balayant le vide. )

  • Bellérophon

    Bellérophon, de Lully, à la Cité de la musique.

    (La méchante Sténobée, reine d'Argos, poursuit le héros Bellérophon de son amour néfaste. Le personnage n'est pas sans rappeler la Phèdre de Racine : dans ce passage surtout où elle découvre que Bellérophon qu'elle croyait indifférent à toutes en aime une autre qu'elle : Hippolyte est sensible, et ne sent rien pour moi ! 
    Plus intéressante peut-être la lumière en retour qu'elle projette sur Phèdre : comme Sténobée fait naître la monstrueuse Chimère pour détruire le héros, Phèdre, presque magicienne, suscite le monstre marin qui provoque la mort d'Hippolyte.)

    (Je me souviens d'avoir vu l'interprète de Sténobée chanter Mélisande il y a quelques années au musée d'Orsay. J'ai encore dans l'oreille sa façon de prononcer les dernières paroles de la pauvre mère, devant son enfant : je ne les ai jamais entendu si bien dites, Elle ne rit pas... Elle est petite... Elle va pleurer aussi... J'ai pitié d'elle... avec une froideur plus bouleversante que tous les attendrissements.)

    (Bellérophon s'apprête à combattre la Chimère non pour vaincre mais pour mourir, car l'oracle a prédit que seul un fils de Neptune tuerait le monstre et que le vainqueur épouserait la fille du roi, que Bellérophon aime (il ne sait pas encore que son père est le dieu marin). Le héros chante un bel air qui s'achève par
    Quand on a perdu ce qu'on aime
    Il ne reste plus qu'à mourir 
    Je reconnais alors celui qui chantait David dans le David et Jonathas de Charpentier, il y a un lustre, dans la même salle. C'est la dernière scène : David vient de perdre son ami ; il reste immobile alors que derrière lui éclate un choeur triomphal qui célèbre sa victoire. Ses dernières paroles, qu'on a cessé d'entendre, retentissent encore :)
    J’ai perdu ce que j’aime
    Pour moi Tout est perdu 

  • L'Amant jaloux

    L'Amant jaloux de Grétry, à l'opéra de Versailles.

    (La salle est bleue et or, comme Saint-Charles dans Rome, Naples et Florence. La pièce, sans entracte, ne dure pas trois demi-heures ; la musique dure encore moins longtemps, avec de nombreux dialogues parlés. L'intrigue est très simple et s'agence fort bien ; tout repose sur un seul quiproquo et qui tient en deux répliques. Six personnages : deux couples d'amants, le père et une servante. Les péripéties s'achèvent le soir au jardin, autour d'un pavillon, comme dans les Noces de Figaro. La musique paraît plus d'une fois très facile : mélodies qui vont avec le texte et font refrains. Le jeune Français a une belle sérénade ; les deux jeunes femmes des airs plus dramatiques.)

  • Salomé

    A l'opéra Bastille.

    Le meilleur livret ? il souffre d'une incohérence qui me gêne. Il y a d'un côté un drame familial à la psychologie "réaliste" (dans les passages qui  réunissent Salomé, Hérode et Hérodias) ; c'est le caprice d'une petite fille gâtée : Salomé, d'abord rivale de sa mère, séductrice de son beau-père ; puis, prenant le contrepied, alliée de sa mère et persécutrice d'Hérode, s'entêtant : "Je veux la tête de Jochanaan !".

    De l'autre, il y a le tableau vivant symboliste : Salomé mythe et amoureuse tragique, dans les scènes qui la confrontent au saint ou à sa tête tranchée ; jaggernaut sous lequel se jette Narraboth ; grande Babylone que vomit Jochanaan et qui se confond avec Hérodias (prenant pour elle les anathèmes que le prophète destine à sa mère). C'est elle qui finit par pontifier (se faisant la voix grosse et sifflant) : "Le Mystère de l'Amour excède le Mystère de la Mort".

     

  • Tristan et Isolde

    Acte 2 de Tristan et Isolde, au Théâtre des Champs-Elysées.

    (Comme il s'agit d'un version de concert, permettons-nous quelques remarques sur la mise en scène :

    Ratés : la robe toute jaune d'Isolde ; l'entrée en scène de Tristan, comme celle-ci coïncide avec l'arrivée du ténor qui joue Tristan, le ventre en avant et la partition à la main ; la solitude surpeuplée des deux amants, à quelques mètres l'un de l'autre, poussés aux reins par un orchestre tonitruant placé immédiatement derrière eux ; les regards qu'ils échangent alors que leurs voix ne s'accordent pas ; la pose bancale, bras ballants, de Marke une fois qu'il a magnifiquement chanté sa plainte qui est comme le post-coitum-animal-triste du fameux duo d'amour.

    Réussis : le port de tête souverain d'Isolde ; ses quelques gestes mesurés et grandioses ; la chasse lointaine qui se tait et le silence soudain audible, c'est à dire le bruit des sources ; l'extinction du flambeau signal qui fait brasiller l'orchestre ; Tristan assis sur sa chaise constatant, accablé : ce que tu demandes, ô mon roi, tu ne pourras jamais l'apprendre.)