Bellérophon, de Lully, à la Cité de la musique.
(La méchante Sténobée, reine d'Argos, poursuit le héros Bellérophon de son amour néfaste. Le personnage n'est pas sans rappeler la Phèdre de Racine : dans ce passage surtout où elle découvre que Bellérophon qu'elle croyait indifférent à toutes en aime une autre qu'elle : Hippolyte est sensible, et ne sent rien pour moi !
Plus intéressante peut-être la lumière en retour qu'elle projette sur Phèdre : comme Sténobée fait naître la monstrueuse Chimère pour détruire le héros, Phèdre, presque magicienne, suscite le monstre marin qui provoque la mort d'Hippolyte.)
(Je me souviens d'avoir vu l'interprète de Sténobée chanter Mélisande il y a quelques années au musée d'Orsay. J'ai encore dans l'oreille sa façon de prononcer les dernières paroles de la pauvre mère, devant son enfant : je ne les ai jamais entendu si bien dites, Elle ne rit pas... Elle est petite... Elle va pleurer aussi... J'ai pitié d'elle... avec une froideur plus bouleversante que tous les attendrissements.)
(Bellérophon s'apprête à combattre la Chimère non pour vaincre mais pour mourir, car l'oracle a prédit que seul un fils de Neptune tuerait le monstre et que le vainqueur épouserait la fille du roi, que Bellérophon aime (il ne sait pas encore que son père est le dieu marin). Le héros chante un bel air qui s'achève par
Quand on a perdu ce qu'on aime
Il ne reste plus qu'à mourir
Je reconnais alors celui qui chantait David dans le David et Jonathas de Charpentier, il y a un lustre, dans la même salle. C'est la dernière scène : David vient de perdre son ami ; il reste immobile alors que derrière lui éclate un choeur triomphal qui célèbre sa victoire. Ses dernières paroles, qu'on a cessé d'entendre, retentissent encore :)
J’ai perdu ce que j’aime
Pour moi Tout est perdu