Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Images peintes - Page 12

  • Crépuscule

    Au Musée de l'Orangerie.

    Dans l'exposition "les peintres de la réalité", une Fuite en Egypte de Claude Lorrain. Est-ce le matin ou le soir ? Les personnages (presque des figurines) sont au premier plan sur le chemin : Joseph a arrêté un berger, peut-être pour se faire confirmer la route ; tous les deux désignent du doigt, à gauche, la direction que les voyageurs ont prise. Marie attend quelques pas en avant, juchée sur l'âne. Elle tient l'enfant dans les bras. Le troupeau obscur de vaches et de chèvres va dans l'autre sens, traverse, hésitant, un fossé sur des planches, disparaît dans un bois. On peut imaginer que leur chemin suit une courbe, continue de longer la rivière et va rejoindre le pont, là-bas, au-delà des arbres, puis, derrière, sur l'autre rive, un bâtisse illuminée par les rayons horizontaux du soleil. Le ciel est clair, bleu et rose ; une brume flotte à terre, lumineuse ou, sur les eaux, pleine d'ombre. Quittant les habitations, les voyageurs partent-ils à l'aube ? ou bien croisent-ils, le soir, le retour des troupeaux ? 

  • oeil d'eau

    Au Musée de l'Orangerie.

    Tout compte fait, ce que j'aime dans les Nymphéas, c'est que, malgré le grouillement des couleurs, malgré le flamboiement des ombres, en deçà des vibrions et des éclosions à l’œuvre dans la toile, il reste la suggestion d'un plan oblique et non tracé, la surface de l'eau où flottent les nénuphars et où se reflète le ciel, derrière les guirlandes verticales des saules.

  • Holbein

    Exposition Holbein à la Tate Gallery.

    Les objets, les étoffes, les mains, les visages sont rendus avec la même méticulosité. Les traits du visage, les rides, les commissures, sont tracés avec une précision extraordinaire ; des variations imperceptibles de la couleur et de l'ombre font voir la saillie des pommettes, le creux des joues, le relief des tempes (certains dessins utilisent un papier couleur chair ; en les scrutant de près, on finit par ne plus savoir ce qu'il faut attribuer aux altérations du papier ou au visage du modèle). Des distorsions néanmoins (un œil forci, une tête ou des mains hors de proportion) peuvent fausser le réalisme.

    Les figures marquent peu d'animation. Quelquefois la pose s'affadit par élégance ; quelquefois elle se fige pompeusement ; la vie manque. Certains (comme le femmes de la famille de Thomas More) semblent en proie à une tristesse réprimée, à un désarroi muet. Concentration, ennui, contentement de soi, colère rentrée. Seule Christine de Danemark ose un sourire ; c'est un des portraits de femme commandés par Henri VIII alors qu'il se cherche une épouse. Dans la retenue générale, le manteau fourré et la robe noire de la jeune veuve forment un ensemble somptueux avec sa juxtaposition et sa superposition de noirs brillants ou mats, lisses ou grumeleux. Faussement modestes également : ses yeux, sa bouche, ses mains à demi croisées ; le ballet compliqué des doigts va-t-il s'arranger en une posture obscène ?

  • Reflets

    Au musée du Petit-Palais, un paysage de Ruysdael.

    Le soleil illumine la pierre jaune d'un château derrière la sombre poivrière d'un moulin à vent. Leur reflet conjoint, clair et sombre, se retrouve dans la nappe d'eau qui dort à leur pied. Mais l'eau, arrêtée ici comme les ailes du moulin, se remet à courir plus bas brouillant son miroir. Elle se brise sur les rochers avec violence (transformant le paisible bosquet à droite en ce tronc à gauche arraché et brisé). Le gris de l'eau torrentueuse est celui des nuages là-haut dans le vaste ciel ; son mouvement l'image du vent invisible qui entraînera les nuées, fera tourner les ailes du moulin et changera l'ombre et l'éclaircie.

  • Impression du moment

    L'autre jour à Madrid, Guernica me faisait penser aux grands tableaux du dix-neuvième siècle accrochés au Louvre (passés au noir et blanc contemporain, celui des actualités et du papier journal). Aujourd'hui au Louvre, je cherche à confirmer l'impression : le profil du guerrier étendu, au glaive brisé (?), sous les sabots du cheval vient-il des Sabines ?  la diagonale, l'intérieur abstrait, la figure affolée qui surgit à droite, le cheval massacré sont-ils empruntés à la Mort de Sardanapale ?

    Tant d'autres images pourraient aussi bien faire l'affaire.

  • Clytemnestre blanchisseuse

    Au Prado.

    La Famille royale des Bourbons d'Espagne (...) Soies, gazes, broderies, diamants, toute l'assemblée est saupoudrée de feu et de sel, tout pétille, tout bourdonne comme une guitare heurtée de l'ongle et du pouce sous le pinceau du magicien que l'on devine là-bas dans l'ombre, reculé derrière son châssis. Mais le personnage principal au centre de la composition qui s'ordonne tout autour d'elle, celle que le souverain, tourné vers elle de trois quarts, présente au public et, débonnaire et cocu, illumine comme un phare du rayonnement de sa bedaine royale (aussi convaincu et à l'aise dans sa livrée fulgurante que s'il était son propre domestique), c'est la reine Marie-Louise. Elle tient à la fois de Clytemnestre et de je ne sais quelle blanchisseuse au visage ravagé par l'âge, les passions et les intempéries. Au fond on voit qu'elle a peur, mais qu'elle essaie de toute l'énergie de ses pauvres moyens de faire face à une situation qui la dépasse. Que ces deux enfants, une fille et un fils, qu'elle tient, sans doute pour se donner contenance, par la main, ne nous donnent point le change ! Ils ne suffisent pas à obstruer la brèche qui s'est faite dans le principe héréditaire.

    (Claudel - La peinture espagnole, in l'oeil écoute)

  • Visite

    La route traverse la banlieue. Au-delà les bourgs mangent la campagne. Une rue monte dans un village.

    On se gare en face de l'église. A notre approche une vieille, assise devant la porte, disparaît dans l'entrebâillement. En entrant, on la voit claudiquer jusqu'au deuxième autel de droite. Elle illumine le tableau, s'approche d'un confessionnal et fouille derrière le rideau violet. Elle s'éloigne vers le fond de l'église avec un paquet de feuilles. Revient vers nous, propose sans succès sa brochure. Va s'asseoir un peu plus loin. Pendant tout ce temps elle joue avec sa canne, la heurte lourdement contre les dalles, la range à côté d'elle, frappant et raclant la caisse du banc. Elle soupire.

    C'est une Visitation qui est peinte là. La Vierge est jeune et élégante ; elle a un foulard rose dans les cheveux. Elisabeth est une vieille dame pleine de dignité ; elle porte un voile blanc. Les deux femmes se tiennent embrassées et s'entre-regardent avec une douce sympathie. Derrière elles (qui apparaissent de profil) deux figures debout font face au spectateur, côte à côte, de part et d'autre de la Vierge. L'une jeune, l'autre âgée, elles forment comme un double des deux premières (mais elles n'ont pas d'auréole et les couleurs des vêtements ne sont pas les mêmes). Leur regard absent fixe le vide et semble témoigner, par défaut, de la grâce qui unit les deux saintes femmes.