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Images peintes - Page 16

  • Italian Hours

    I write these lines with the full consciousness of having no information whatever to offer. I do not pretend to enlighten the reader ; I pretend only to give a fillip to his memory ; and I hold any writer sufficiently justified who is himself in love with his theme.

    Dans les pages d'où sont extraites ces lignes, Henry James ne fait pas beaucoup plus que donner une liste de tableaux (rappelant que Venise ce n'est pas la littérature ou la musique - quoi qu'en dise Nietzsche - mais la peinture, et que ce n'est que là qu'on peut avoir une idée du génie de Bellini, Carpaccio ou Tintoret).

    Notamment : l'Assomption, de Titien (à l'époque à l'Accademia, maintenant aux Frari) ; la Présentation de Marie au Temple, de Tintoret (à Santa Maria dell'Orto) ; le Baptême du Christ, de Cima da Conegliano (à San Giovanni in Bragora) ; la Crucifixion, de Tintoret (à la Scuola di San Rocco) ; la Vierge aux anges musiciens, de Bellini (aux Frari) ; la Pala de San Giobbe, de Bellini (à l'Accademia) ; la Pala de San Zaccaria, de Bellini (à San Zaccaria) ; Saint Jérôme, de Bellini (à San Giovanni Crisostomo) ; San Giovanni Crisostomo, de Sebastiano del Piombo (dans la même église) ; les Deux dames vénitiennes, de Carpaccio (au Musée Correr).

    Et puis encore deux œuvres jumelles de Carpaccio. Chambre, solitude, visitation divine : la lumière surnaturelle ou l'ange entrent par les ouvertures du mur de droite, réduites à des fentes par la perspective. Sainte Ursule endormie (à l'Accademia) et Saint Augustin (à la Scuola de San Giorgio degli Schiavoni).

    (Scuola di San Giorgio degli Schiavoni : un endroit magique, symbole de Venise, pour l'accord du lieu et de l'image).

  • XCIX

    Au Grand Palais, pour revoir les Lorrain rassemblés dans l'exposition de peinture française.

    Pourquoi ne pas dire que devant la Répudiation d'Agar, plus qu'au monde de la Bible, je pense à un poème de Baudelaire, tel qu'il a été lu par Walter Benjamin dans Paris, Capitale du XIXème Siècle (il ne s'agit pourtant pas d'un lever, mais d'un coucher de soleil) :

    Les poèmes XCIX et C des Fleurs du Mal sont, dans l'oeuvre de Baudelaire, étranges et solitaires comme les grandes statues de l'Ile de Pâques. On sait qu'ils appartiennent aux parties les plus anciennes du livre ; Baudelaire lui-même a abondamment indiqué à sa mère qu'ils se rapportaient à elle et qu'il ne leur avait pas donné de titre car il trouvait choquant de révéler cette connexion secrète. Les deux poèmes, surtout le premier, respirent une paix qu'il est rare de trouver chez Baudelaire. Ils donnent tous les deux l'image de la famille dont le père est mort ; mais le fils, loin de prendre la place de celui-ci, la laisse vide. Le soleil lointain qui se couche, dans le premier poème, symbolise le père dont le regard - "grand oeil ouvert dans le ciel curieux" - se pose sans aucune jalousie , et avec une sympathie distante, sur le repas que la mère et le fils partagent. (...)

  • Au Louvre

    Promenade au Louvre pour revoir :

    - Mademoiselle Rivière entre Madame sa mère et Monsieur son père dans leurs meubles

    - la main gauche de Bethsabée

    mais en route je m'arrête plus longtemps devant un tableau que j'ai l'impression de découvrir aujourd'hui, dans la salle des Lorrain où je suis peut-être passé cinquante fois.

    C'est un paysage au crépuscule. La terre est déjà plongée dans la nuit. Au premier plan, une petite fille pousse devant elle des chèvres et une vache le long du chemin Elles s'enfoncent à droite dans l'obcurité presque aquatique d'un bois (le bord de la toile paraît abîmé de ce côté-là). L'enfant n'est pas plus haute que la fleur qu'elle vient de dépasser (quel est le nom de cette fleur ?). Les reflets du couchant colorent son profil, ses vêtements et au loin une ruine avec à ses pieds un autre berger et son troupeau. Entre ici et là-bas les grandes herbes des marais mêlent l'ombre avec l'eau. Au ciel ce ne sont plus les reflets mais la chose elle-même, déposée par touches dans le bleu intense, la matière rose et brillante des nuages. Je m'arrête en haut à droite ; une branche morte déborde la masse des feuillages, où un oiseau est perché. Corps noirs sans épaisseur, ailes fermées ouvrant l'espace à la lumière.

  • Seule la lumière

    L’inachevable

    Quand il eut vingt ans il leva les yeux, regarda le ciel, regarda la terre à nouveau, – avec attention. C’était donc vrai ! Dieu n’avait fait qu’ébaucher le monde . Il n’y avait laissé que des ruines.
    Ruines ce chêne, si beau pourtant. Ruines cette eau, qui vient se briser si doucement sur la rive. Ruines le soleil même. Ruines tous ces signes de la beauté comme le prouvent bien les nuages, plus beaux encore.
    Seule la lumière (…)

    (La suite dans La Vie errante d’Yves Bonnefoy.)

    Pour continuer cet écho dans l’escalier, le buisson de Ruysdael qui est au Louvre.

    (La lumière règne dans les nuages ; pendant que l’ombre grouille dans l’enchevêtrement végétal. Il y a à droite le chemin ouvert ; la broussaille est impénétrable. Il y a à gauche dans l’éloignement la ville de Harlem avec l’ordre de ses églises et de ses tours ; au centre l’informe et la disproportion.)

  • La riboteuse

    La riboteuse de Metsu. Ou la buveuse de vin. Déjà partie. Hirsute malgré la coiffe. Bien qu’assise, elle tombe, et doit s’accouder sur la table à sa gauche. Tout penche avec elle. Le pot à vin. Le verre. La pipe. Son regard perdu regarde aussi par là, où on l’entraîne ; un peu de tristesse, une grande douceur.

  • La répudiation d'Agar, de Claude Lorrain

    - Passé le seuil de la maison massive, ton geste qui nous chasse, Père, montre le monde ouvert sous le soleil levant.

    Le peintre a peint le soleil de face avec l'éblouissement. Son oeil voile l'arche et l'eau. Il argente la brume et les feuillages. Il blanchit la montagne et la mer. Et voit la terre et la lumière égales.