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Mes bouquins refermés - Page 16

  • Nuit d'été

    L'été, les fenêtres ouvertes ; le soir. A proportion du crépuscule, aux deux termes de l'étendue, l'arbre dans la cour et le ciel au-delà tendent vers leur figure essentielle. Comme les attributs conjoints et opposés du grand espace libre né de la saison et de l'heure : le feuillage de plus en plus noir, embrouillement de petites choses intranquilles, agitées par l'air et, derrière, le ciel toujours plus immobile, uni et lumineux.

  • Arabella

    A l'opéra Bastille.

    (Non le livret d'Arabella n'est pas si mal fichu. Certes, après le premier acte, le texte n'a pas la même plénitude (et il faut supporter l'épisode pénible de la Fiakermilli). La cohérence écrite de l'intrigue se relâche mais, après la forte densité des scènes d'exposition, c'est ainsi le moment de donner leur chance à l'imagination et à la rêverie de l'auditeur ; il connaît désormais bien les personnages ; il peut attendre aussi que la mise en scène prenne toute sa mesure et tire parti des ambivalences et des impostures de la fable. Si l'on veut faire la comparaison avec le Chevalier à la rose,  Arabella présente l'avantage certain de ne pas laisser le personnage principal en coulisse pendant une bonne partie de l'oeuvre ; le rôle titre combinant les traits de la Maréchale (le grand monologue du 1, les adieux à la jeunesse) et de Sophie (la grande scène au début du 2). De l'un à l'autre, le rôle travesti change de sexe (fille déguisée en garçon en place d'un garçon déguisée en fille) sans changer de tessiture. Si le finale se noit dans le happy end, il ne fait pas oublier le caractère sordide de la situation initiale (une fille à vendre), ni la violence de Mandryka, ni la coquetterie d'Arabella (présageant sans doute une suite mauvaise à ces instants sereins). Alors retentit également le silence de Matteo qui, sauf erreur, n'a plus dit un mot depuis qu'il a découvert que la femme qu'il a étreint dans l'obscurité n'était pas celle qu'il croyait ; au lieu de cela, il a couché avec l'entremetteur, devenu une femme à qui on le marie). 

  • Révélation nocturne

    En m'endormant, je vois au mur une lithographie de Corinth Ulysse et Nausicaa : Ulysse est accroupi tout nu dans les broussailles et se tourne vers la fille d'Alcinoos ; la jeune fille le considère en s'appuyant contre l'épaule d'une femme qui s'est entremise entre sa maîtresse et le naufragé (ce doit être Athéna, elle a pris la forme d'une suivante et ourdit la rencontre). Le groupe des deux femmes rappelle les figures d'un Moïse sauvé des eaux de Poussin, au Louvre. Je  songe alors aux ressemblances entre les deux scènes ; je ne sais pas si je les découvre ou si je m'en souviens et je me demande où j'ai bien pu lire, autrefois, un parallèle entre le héros grec et le prophète juif. 

  • Tamerlano

    Tamerlan de Haendel à l'opéra du Château de Versailles.

    (Bajazet, empereur ottoman, a été vaincu et fait prisonnier par Tamerlan. Sa fille Astérie répond à l'amour d'Andronicus, un prince grec allié du guerrier mongol. Mais Tamerlan, ignorant de ces liens, décide de faire d'Astérie son épouse.  Astérie pleure un peu ; son père et son amant l'interrogent, elle ne répond pas. Elle semble se résoudre à devenir la femme du tyran. C'est toujours une demi-suprise d'entendre dans la forme a priori la moins dramatique qui soit, l'opera seria et sa suite d'aria da capo, se nouer une intrigue, évoluer des personnages et se préparer un coup de théâtre (ici il faut néanmoins noter que l'action culmine dans une vaste scène atypique avec longs dialogues et ensembles). Le personnage hésitant d'Astérie (l'interprète elle-même paraît mal assurée), se révèle alors une nouvelle Judith : cachant dans son sein un poignard, elle s'apprêtait à tuer Tamerlan.)

  • Les couloirs de la nuit

    Il disparut sans bruit. Il y avait ici un silence plus grand qu'ailleurs. Un rossignol se mit brusquement à chanter.

    – Il m'a fait peur, dit Michelotti.

    Les roulades du rossignol semblaient frappés sur un tambour de métal et retentissaient dans d'interminables couloirs de la nuit.

           

    (Giono, le Bonheur fou)

  • Les eaux de Courances

    On entre dans le domaine par la petite porte mais, tout de suite après la maison du gardien, on rejoint l’allée d’honneur à son départ, juste derrière la grille fermée. De part et d’autre mais à bonne distance (de façon à ne pas déborder la vue sur le château) des arbres d’alignement ont été plantés (en 1782, nous dit-on), sur une file à droite et deux à gauche. Ces platanes sont montés très haut, à proportion maintenant avec l’élévation de la façade.  L’ensemble ouvre un vaste réservoir, perméable à l’air et à la lumière, devant le corps de logis brique et pierre, coiffé d'ardoise (le vent bruit dans les feuilles et un jour traversant éclaire de l’intérieur les petits carreaux des croisées). En approchant on découvre encore dans l'intervalle les douves et le canal perpendiculaire ; avec eux, un troisième élément mêle ses reflets aux jeux aériens. L'eau provient des nombreuses sources qui percent dans le parc. Leur onde filtre ou tombe dans les bassins également transparents (les plantes montent comme des arbres dans le bain limpide).  C’est ici le secret de Courances : la palpitation de cette eau courante qui passe et fait battre l’espace. Elle naît, là-bas tout au fond du parc, dans le sous-bois, derrière le rond d’eau qui termine la perspective : on la voit sourdre dans son trou faisant danser le sable.

  • Gounod, Saint-Saens, Chostakovitch

    Concert à la salle Pleyel.

    (Joli moment à la toute fin du mouvement central du concerto de Saint-Saens. Le violon, au plus aigu, cercle d’un fil de cuivre les délicates pièces rondes que souffle la clarinette ; c’est merveille de voir les deux instruments s’ajuster si bien malgré la distance. Tout le mouvement est repris en bis ; on peut donc admirer deux fois la prouesse mais il faut aussi supporter alors l’ennui de tout ce qui la précède.)