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Mes bouquins refermés - Page 115

  • Retour à Gand

    Hubert et Jan van Eyck- Polyptyque de l'Agneau mystique.

    (Plus que la science du rendu des matières translucides, des étoffes ou des cheveux et la précision infaillible des visages réels ou idéaux, me fascinent chez Van Eyck les lointains : dans le retable de l'Agneau mystique, la lumière méridionale au fond du panneau des pèlerins, avec les silhouettes sombres du cyprès et du palmier et les oiseaux en vol, contre l'or du jour ; et, dans le panneau central, derrière l'agneau, ce chemin d'herbe au bord de l'eau puis le vallon où se laisse voir le bleuissement successif des collines, comme si la Jérusalem céleste était encore cette vision d'un espace ouvert par la couleur dans la surface du tableau).

  • Kiss me deadly

    Au cinéma. Revu en quatrième vitesse d'Aldrich.

    Au deux-tiers du film, comme dans la fameuse scène d'ouverture, un personnage de femme traquée vient traverser la route de Mike Hammer. C'est à nouveau la nuit, dans un endroit désert, une blonde qui n'a de vêtements qu'un peignoir. Mais au lieu de citer Christina Rossetti, la seconde ne sait que demander, presque ânonner, qu'on la sauve.

    Qui est-elle ? d'abord un personnage secondaire ; mais dans la scène finale toute la mythologie convoquée, ou la Bible : la femme de Loth, Pandore, Cerbère, n'empêcheront pas qu'elle déclenche la catastrophe atomique.

  • Dénombrement

    Bruegel - Le dénombrement de Bethléem.

    (Espaces cachés, intérieurs obscurs et pleins, leur renflement sous la couleur blanche. Les toits, les grandes tonnes, les ballots couverts de neige renvoient-ils au ventre gravide de la femme ? elle chemine, juchée sur un âne flanqué d'un bœuf et que son mari conduit vers l'auberge encombrée d'hommes. Mais pourquoi, au contraire, toutes ces roues de charroi ?  c'est le même bois nu que les branches de l'arbre ; plat comme le soleil éteint à travers.)

  • Poulenc

    Concert au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles.

    J'assiste pour la première fois à une représentation de la Voix humaine ; j'ai dû en entendre des bribes au disque il y a bien longtemps mais l'impression, d'emblée, n'a pas changé : que le livret est pénible ! et je ne comprends ce qui dans la musique ou l'interprétation pourrait justifier ce morceau de bravoure pour diva vieillissante, cette exhibition ponctuée d'imitations de sonnerie de téléphone.

  • Lumières portées

    Ouverture de la Femme sans ombre (trad. JY Masson), d'Hofmannsthal.

    La nourrice ne dort pas ; avant l'aube, sur la plus haute terrasse du palais, elle voit voler à elle un esprit lumineux :

    la chose qui luisait s'approchait rapidement, et les cimes des arbres reçurent de son passage une lueur.

    (Ainsi dans ce début, ce n'est pas l'ombre mais la lumière qui est projetée : par le messager, par le soleil et par le corps de l'impératrice, la femme sans ombre).

  • Mildred Pierce

    Vu au cinéma le Roman de Mildred Pierce.

    Une maison sur la plage, la nuit. Des coups de feu. L'homme confronté tombe, blessé à mort. Ses lèvres murmurent : Mildred.

    La main de l'assassin est restée dans l'ombre mais les scènes obscures qui suivent désignent encore, tacitement, la même femme, Mildred Pierce. Après son arrestation, le film est construit en flash back, selon l'histoire racontée par Mildred à l'inspecteur de police.
    Le récit commence quelques années plus tôt et rejoint la nuit du meurtre et de l'interrogatoire, et le film s'achève à l'aube ; le mystère est dissipé, le véritable meurtrier a été démasqué.
    Les scènes qui retracent la vie de Mildred donnent une bizarre impression de simultanéité. Comme si au lieu d'embrasser l'espace de plusieurs années, elles se déroulaient toutes à nouveau cette même nuit, dans le commissariat de police où tous les protagonistes ou presque ont été réunis. Le passage du temps n'affecte ni les figures ni les caractères. Les relations et les rôles ont été distribuées une fois pour toutes quasiment au départ : l'ami entreprenant, le séducteur, l'amie dévouée, le bon mari, la fille gâtée, et au centre, immobile à travers les déguisements et le jeu, la star, Joan Crawford.

  • On dangerous ground

    Revu, au cinéma, la Maison dans l'ombre, de Nicholas Ray.

    Le plus beau de son auteur (de ceux que j'ai vus en tout cas), c'est un film coupé en deux par le passage d'un lieu à un autre, par le changement de la lumière : une allégorie réelle, quand les champs couverts de neige remplacent la nuit de la ville.

    Le héros est un homme infecté par le mal qu'il veut combattre. C'est un policier qu'on suit dans son intimité solitaire, dans ses rondes nocturnes avec la patrouille, pendant une arrestation brutale, face à un suspect qu'il fait parler par violence... Après il est tancé par son chef et envoyé à la campagne, où il va enquêter sur le meurtre d'un enfant. Il rejoint le père de la victime qui court les champs, la carabine à la main, et il s'attache à ses pas. Le coupable est repéré. La poursuite commence. Les traces s'interrompent face à une maison isolée. Une femme aveugle y vit. Elle est seule, son jeune frère est absent... (Tout ce cheminement, c'est l'évidence de la chose vue octroyée au rêve).