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Projections

  • Undercurrent

    Undercurrent, de Vincente Minelli.

    (How could I fall in love with someone I have never seen ? se demande l'héroïne ; mais sa question alors fait connaître la vérité et la double négation s'annule : oui, elle est amoureuse de Michael, elle l'a donc déjà vu sans le savoir. Une scène antérieure s'explique : Ann est à la recherche de renseignements sur le frère dont son mari refuse de parler ; elle part seule visiter la maison que le jeune homme avait aménagée dans les solitudes ; un inconnu la reçoit, se présentant comme le gardien des lieux ; il pousse une porte qu'elle ne parvenait pas à ouvrir ; son visage se dégage peu à peu au cours d'une longue promenade, qui monte jusqu'à la mer.

    L'intrigue est dénouée et le retournement s'achève : le mauvais mari est tué ; Ann retrouve son père ; Michael prend la place de celui-ci au piano ; Ann a, quant à elle, pris le fauteuil d'infirme de la mère des deux garçons. Elle a échangé le secret matériel de l'homme qu'elle avait épousé contre celui, infiniment plus problématique, sans doute, de Michael.)

  • Vincere

    Vincere, de Bellochio.

    (Ce qui m'a gêné : que ce film, dont l'enjeu est une lutte pour maintenir la vérité, prenne la forme d'une fantasmagorie.)

  • Le Ruban blanc

    Le Ruban blanc, de Haneke.

    Un vieil homme se souvient d’événements qui remontent à sa jeunesse, juste avant la première guerre mondiale, alors qu’il était l’instituteur d’un village. Plusieurs agressions sont commises et les coupables ne sont pas trouvés ; alerté par certains faits étranges, l’instituteur finit par mettre en cause les enfants : cependant les circonstances interrompent les recherches.

    Comme dans le Tour d’écrou, le narrateur soupçonne les enfants d’ignominies mais la réalité demeure incertaine. Chez Henry James, la gouvernante est saisie d’effroi quand elle voit que les enfants savent, que les enfants voient (les fantômes) : ici les soupçons s'affermissent quand l’instituteur surprend le regard des enfants cherchant la victime.

     

  • Croisées

    Le temps d'aimer et le temps de mourir, de Douglas Sirk.

    Dans un bureau de l'administration, Ernst et Elizabeth regardent le fonctionnaire dans l'annexe examiner leur demande en mariage. Le père d'Elizabeth est interné dans un camp, les services pourraient en vouloir aussi à la fille. Ernst demande à la jeune femme d'aller l'attendre dans le couloir. Si l'interrogatoire prend un mauvais tour, il posera son calot sur le comptoir donnant ainsi à Elizabeth le signal de la fuite. Elle se tient derrière la porte vitrée et regarde. Tout à la joie de l'issue favorable, Ernst oublie la convention et pose son calot à côté de lui mais il se reprend, part en courant et parvient à rattraper Elizabeth en bas de l'escalier.

    La ville a été bombardée. L'usine où travaille Elizabeth est détruite, mais Ernst ne sait pas si sa femme s'y trouvait au moment de la catastrophe. Un incendie ravage l'immeuble où les jeunes mariés ont leur chambre. Ernst parvient à sauver quelques objets ; il attend anxieusement dans la rue au milieu des meubles que les locataires ont déménagés. Une silhouette se faufile gaiement parmi le désordre. Elle esquive la vitre ouverte d'un buffet. Elizabeth arrive.

    Les trois semaines de la permission ont passé. Ernst n'a pas voulu qu'Elizabeth le voit partir. Elle se tient cependant dans la gare derrière le battant d'une porte vitrée. Le train démarre. Elle voit le quai à travers le verre brisé de la croisée. La croisée et le timon levé d'un charriot font devant elle comme les croix d'un cimetière. Cette fois le fragile obstacle n'est pas franchi, la séparation est définitive.

     

  • Mascarade

    Folies de femmes, de Stroheim.

    Karamzin, assis, baisse la tête ; il porte les deux mains à son front et cache ses yeux derrière. Subrepticement il a mouillé le bout de ses doigts et il les secoue maintenant pour faire tomber des gouttes sur la nappe devant lui. Trompée par le spectacle, la bonne s'apitoie et, devant ces fausses larmes, ravale ses reproches (Pourtant Karamzin ne modère pas ses effets et il agite les mains comme on chasse les mouches).

    Karamzin et ses deux comparses se font passer pour des aristocrates russes. Ils vivent sur un grand pied à Monaco trafiquant de fausse monnaie et tentent d'escroquer la femme du consul des États-Unis. Les scènes de rue évoquent un vaste carnaval et la fraude des trois voyous déborde d'allégresse (on songe à Don Giovanni, d'autant plus que Karamzin croise sur son chemin quelques statues du Commandeur : raides et sombres à proportion qu'il est vif et hilare).

    L'affaire tourne mal pour les escrocs : les deux femmes sont démasquées (la police fait tomber leur perruque) mais elles éclatent de rire.  Karamzin ne s'en tire pas si bien. Il est tué par un père dont il voulait séduire la fille : mais, avant que son cadavre ne soit précipité ignominieusement à l'égout, un dernier plan nous laisse voir son visage sous le sac, avec les lèvres largement retroussées et les dents éclatantes du rictus.

     

  • Sentiment du temps

    The Mortal Storm, de Frank Borzage.

    La journée est finie, la nuit est tombée. Le Professeur Roth est seul dans l’amphithéâtre. Un peu plus tôt, Roth et une partie de ses étudiants se sont violemment affrontés pendant la classe à propos du contenu des cours. Les opposants se sont levés, ont prononcé le boycott et le groupe ainsi déclaré a quitté les lieux. A présent tout est tranquille : Roth range son bureau comme on le fait chaque soir avant de rentrer chez soi ; tout aussi ordinairement, au moment de partir, il fait jouer l’interrupteur qui commande l’extinction des lampes. On voit alors, dans l’obscurité, vaciller, sur les hauts murs de la salle, des lueurs et des ombres. Elles reflètent à travers les grandes croisées les bûchers dressés dehors, où sont jetés, où brûlent les livres.

    (Moments perdus, instants qui précèdent ou qui suivent, sans paroles et sans actes marqués, dont la banalité est contredite par le pressentiment ou l'intelligence de la catastrophe. C'est dans ces moments-là que vit l'humanité, qu'elle se révèle, et ceux qui ne peuvent en partager le sens sont des brutes.)

  • Holiday

    Holiday, de Cukor.

    Une enfance trop prolongée se termine et, en se retirant, laisse deviner la désolation à venir. Les deux soeurs, Julia et Linda, et leur frère, Ned, découvrent combien leur caractère et leurs espérances les séparent. Ils s'accordent sur un seul point, le temps du film : leur amour pour le bel étranger qui fait irruption dans la grande maison. (Pour Ned, cet amour est si distant qu'il n'existe peut-être pas, quoiqu'il se révèle justement dans la mesure où on n'en voit rien : le soupçon vient de l'extrême réserve qui marque ses relations avec Johnny).