Au cinéma Lady Windermere's fan de Lubitsch.
Le film est muet et il y a quelque chose de réjouissant (comme devant un tour réussi, une prouesse menée à bien) à voir se développer l'intrigue en silence ; qu'il n'y ait pas besoin d'entendre pour comprendre (à peine de lire, de brefs intertitres) et qu'il soit possible de représenter un quiproquo par le seul arrangement de jeux de scène, de mimiques et de regards.
Ainsi dans la séquence du Champ de courses, Lord A prend pour une invite à lui adressée les regards pleins d'amour (maternel) que Mrs E destine à Lady W ; ou Lord D perçoit dans les coups d'oeils impérieux que Lord W jette à Mrs E la confirmation d'une liaison imaginaire (au lieu d'une invitation à déguerpir). Ici les péripéties elles-mêmes sont sans paroles. Le personnage (comme le spectateur) est censé interpréter les figures et les gestes mais, lui, se trompe parfois... et la méprise alors se lit sur son visage...
(Les regards muets et quelquefois sidérés m'ont fait penser à Proust (voir dans Sodome et Gomorrhe la pétrification de Charlus à la vue des fils de Mme de Surgis) ; mais c'est peut-être l'effet des habits noirs et des robes de soirée ou de l'étrange conquête de Lady W par Mrs E.)