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Projections - Page 5

  • Murder, my sweet

    Au cinéma, revu Murder, my sweet de Dmytryk.

    You know, I think you're nuts. You go barging around without a very clear idea of what you're doing. Everybody bats you down, smacks you over the head, fills you full of stuff... and you keep right on hitting between tackle and end. I don't think you even know which side you're on.

    Dupé, rossé, assommé, drogué, Marlowe à chaque fois se relève et rentre dans la mêlée, se jetant dans la gueule du loup, faisant le malin face à malin et demi, heurtant à l'aveuglette. Des faisceaux de lumière courent dans l'obscurité ; ils illuminent un court moment une figure tirée des ténèbres ; une hypothétique vérité brille un temps puis, retournant à la confusion, s'anéantit.

  • Bifurcations

    Au cinéma. Girl shy, de Harold Lloyd.

    Après (trop) de laborieuses scènes de bégaiements, la course terminale s'enclenche enfin : Harold doit rejoindre la grande ville pour empêcher le mariage de la jeune fille qu'il (qui l') aime avec l'infâme De Vore.

    Dans le plus grand désordre, à pied, à moto, en voiture, à vélo, en tram, en carriole, à cheval Harold pilote tant bien que mal et épuise l'un après l'autre les moyens de transport les plus divers ; car la course est sans cesse menacée de tourner court, ponctuée d'arrêts et de relances. La vitesse passe tout contre la paralysie ; l'accélération bifurque et sombre ; le défilement s'interrompt pour des plans fixes des passants, du bord de la route, du mariage encalminé. Harold, momentanément aveuglé par un châle tombé du train qu'il poursuit, manque l'aiguillage où le convoi s'est engagé et ne retrouve la vue que pour s'immobiliser devant les voies désertes.

  • Speedy

    Au cinéma. En vitesse, de Harold Lloyd.

    Moins drôle que le petit Frère mais imbattable pour les images du New-York des années 1920 et de ses moyens de transport (la légèreté et la déglingue du taxi et du tram pilotés par Harold font penser à ces modèles réduits de voitures qu'on fabrique avec la tôle de boîtes de conserve).

  • The kid brother

    Au cinéma. Le petit frère, de Harold Lloyd.

    Harold ne renonce jamais à ses lunettes (comme le reconnaîtrait-on ?) mais pour semer ses persécuteurs il prête son chapeau à un cochon, ses chaussures à un singe. Inventés en pleine action, ses déguisements sont économes en accessoires : deux anneaux de rideau, bracelets, le travestissent en une jeune fille pudique au saut du lit ; une robe et une chèvre instaurent une scène d'idylle dans une prairie en fleurs. L'illusion ne dure jamais ; un bref suspens, un équilibre instable, avant que la course reprenne.

    Dans la poursuite, Harold a souvent recours au contre-pied ; un obstacle, une cachette comme une bascule, lui permettent de changer la direction de la course : ses poursuivants se ruent vers l'avant, lui est déjà reparti vers l'arrière.

    Cette façon d'ouvrir une direction imprévue dans l'espace, il la met en œuvre dans un tout autre contexte ; c'est une touchante scène d'au-revoir : la fille s'en va par-delà la colline. Mais Harold a oublié de lui demander son nom, son adresse : au lieu de lui courir après, il grimpe à un arbre, montant au fur et à mesure que la jeune fille s'éloigne, pour lui crier ses questions et continuer à la voir (mais à la fin bien sûr perd l'équilibre et dégringole de branche en branche).

  • Lifeboat

    Au cinéma. Lifeboat de Hitchcock.

    Une image terrifiante : La gangrène s'est mise dans la blessure de Gus ; il faut lui couper la jambe. Les naufragés font cercle autour du marin allemand qui va opérer ; ils joignent les mains pour abriter du vent le feu d'un briquet. A travers l'écran vivant que forment les doigts, brille la lame du couteau que l'ennemi passe dans la flamme afin de la rendre convenable à l'amputation.

    (La guerre, une embarcation perdue en mer : ça fait penser à La Honte de Bergman. L'avantage du second, c'est que sa barque, non encombrée de personnages, est presque silencieuse.)

  • Dieu Cerf

    Au cinéma. Princesse Mononoké, de Miyazaki.

    Dans la feuillée, écrin vert taché d'or
    Dans la feuillée incertaine et fleurie

    (...) on voit épeuré (...)
    Le Baiser d'or du Bois, qui se recueille.

    (Il y a quelque chose de ce recueillement dans l'apparition du Dieu-Cerf au cœur de la forêt prodigieuse. Dans le poème de Rimbaud, c'est un faune qui survient ; mais les divinités de Miyazaki ne sont pas celles de notre mythologie. Le merveilleux y est autre (double merveille) ; et ses métamorphoses, et son ambivalence, ne sont pas celles auxquelles nous sommes habitués.)

  • Poussières dans le vent

    Au cinéma, Poussières dans le vent, de Hou Hsiao Hsien.

    Deux adolescents, un garçon, une fille, quittent leur village et vont à la grande ville pour continuer leurs études, peut-être, et travailler. Les expériences qu'ils partagent les rapprochent au point de donner l'image qu'ils sont promis l'un à l'autre (mais ce n'est pas vraiment dit). Puis le garçon part au service militaire. Il apprend après des mois de lettres sans réponse que la jeune fille en a épousé un autre (« de plus grande envergure »).

    Cette histoire d'une jeunesse est racontée de façon discontinue, sans discours, comme une suite de remémorations. Ce sont des scènes courtes du quotidien ou des anecdotes montrées sans être explicitées (sauf quand le récit en est fait dans une lettre, comme pour l'épisode des pêcheurs naufragés venus du Continent).

    S'inscrivent les images répétées ou fugitives : des repas partagés, la famille, des objets chers (une montre, un briquet), les silhouettes éphémères des amis ou des patrons, des lieux bien définis (l'escalier-perron devant la maison familiale, la place du village sous l'arbre où se retrouvent les hommes, l'arrière-salle d'un cinéma en ville, l'atelier de confection où travaille la fille avec l'espèce de soupirail où vient s'asseoir le garçon, une plage au bout du monde) et surtout les parcours qu'on imagine cent fois répétés : le train de la ville au village à travers les collines (magnifique séquence d'ouverture dans un tunnel), le chemin de terre qui monte dans le village étagé (dans une scène on voit le garçon descendre avec son grand-père au moment de partir au service ; de loin en loin le vieil homme lance des pétards qui célèbrent, sans joie, l'événement).