Au cinéma. Le petit frère, de Harold Lloyd.
Harold ne renonce jamais à ses lunettes (comme le reconnaîtrait-on ?) mais pour semer ses persécuteurs il prête son chapeau à un cochon, ses chaussures à un singe. Inventés en pleine action, ses déguisements sont économes en accessoires : deux anneaux de rideau, bracelets, le travestissent en une jeune fille pudique au saut du lit ; une robe et une chèvre instaurent une scène d'idylle dans une prairie en fleurs. L'illusion ne dure jamais ; un bref suspens, un équilibre instable, avant que la course reprenne.
Dans la poursuite, Harold a souvent recours au contre-pied ; un obstacle, une cachette comme une bascule, lui permettent de changer la direction de la course : ses poursuivants se ruent vers l'avant, lui est déjà reparti vers l'arrière.
Cette façon d'ouvrir une direction imprévue dans l'espace, il la met en œuvre dans un tout autre contexte ; c'est une touchante scène d'au-revoir : la fille s'en va par-delà la colline. Mais Harold a oublié de lui demander son nom, son adresse : au lieu de lui courir après, il grimpe à un arbre, montant au fur et à mesure que la jeune fille s'éloigne, pour lui crier ses questions et continuer à la voir (mais à la fin bien sûr perd l'équilibre et dégringole de branche en branche).