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Projections - Page 6

  • Fuir, disparaître

    Au cinéma, Profession : reporter d'Antonioni.

    Deux scènes :

    1/ La voiture, un cabriolet blanc, roule sur une route d'Espagne bordée d'arbres La fille se réveille sur la banquette arrière. Elle demande à Locke, au volant : what are you running from ? Il répond : qu'elle se retourne. Elle regarde la route vide fuir derrière eux ; nous la voyons ainsi seule, debout sur le fond des feuillages qui défilent, illuminée brièvement quand un arbre manque (et c'est la première, voire la seule, image de bonheur, peut-être, dans la fastidieuse aventure de cet homme en fuite sous une identité d'emprunt).

    2/ La scène finale, dans un hôtel de rien, quelque part en Andalousie. A peu près le même hôtel que l'établissement africain où commence l'histoire (où Robertson meurt, où Locke intervertit les passeports). Nous sommes dans la chambre de Locke, où nous sommes entrés avec lui. Il s'est allongé ; nous regardons par la fenêtre fixement, à travers une grille : un terrain sous le soleil devant un grand mur blanc fait d'arcs outrepassés aveugles. Nous assistons à de nombreuses allées et venues, qui soulèvent la poussière. Un portière ou un coup de feu claque. Entre-temps, très lentement, continûment, la caméra s'est avancée jusqu'à passer dehors, prenant congés. Quand elle se retourne, on devine de loin l'homme mort sur le lit.

  • Fontaines

    Au cinéma, un Américain à Paris.

    Dans le fabuleux ballet final, Paris est colorié et simplifié en quelques scènes et monuments d'un gigantesque décor de théâtre. J'aime surtout la métamorphose des fontaines de la Concorde ; l'eau jetée par-dessus l'épaule des néréides changée en une matière solide, transparente et grenue sous laquelle passent les danseurs.

  • Kiss me deadly

    Au cinéma. Revu en quatrième vitesse d'Aldrich.

    Au deux-tiers du film, comme dans la fameuse scène d'ouverture, un personnage de femme traquée vient traverser la route de Mike Hammer. C'est à nouveau la nuit, dans un endroit désert, une blonde qui n'a de vêtements qu'un peignoir. Mais au lieu de citer Christina Rossetti, la seconde ne sait que demander, presque ânonner, qu'on la sauve.

    Qui est-elle ? d'abord un personnage secondaire ; mais dans la scène finale toute la mythologie convoquée, ou la Bible : la femme de Loth, Pandore, Cerbère, n'empêcheront pas qu'elle déclenche la catastrophe atomique.

  • Mildred Pierce

    Vu au cinéma le Roman de Mildred Pierce.

    Une maison sur la plage, la nuit. Des coups de feu. L'homme confronté tombe, blessé à mort. Ses lèvres murmurent : Mildred.

    La main de l'assassin est restée dans l'ombre mais les scènes obscures qui suivent désignent encore, tacitement, la même femme, Mildred Pierce. Après son arrestation, le film est construit en flash back, selon l'histoire racontée par Mildred à l'inspecteur de police.
    Le récit commence quelques années plus tôt et rejoint la nuit du meurtre et de l'interrogatoire, et le film s'achève à l'aube ; le mystère est dissipé, le véritable meurtrier a été démasqué.
    Les scènes qui retracent la vie de Mildred donnent une bizarre impression de simultanéité. Comme si au lieu d'embrasser l'espace de plusieurs années, elles se déroulaient toutes à nouveau cette même nuit, dans le commissariat de police où tous les protagonistes ou presque ont été réunis. Le passage du temps n'affecte ni les figures ni les caractères. Les relations et les rôles ont été distribuées une fois pour toutes quasiment au départ : l'ami entreprenant, le séducteur, l'amie dévouée, le bon mari, la fille gâtée, et au centre, immobile à travers les déguisements et le jeu, la star, Joan Crawford.

  • On dangerous ground

    Revu, au cinéma, la Maison dans l'ombre, de Nicholas Ray.

    Le plus beau de son auteur (de ceux que j'ai vus en tout cas), c'est un film coupé en deux par le passage d'un lieu à un autre, par le changement de la lumière : une allégorie réelle, quand les champs couverts de neige remplacent la nuit de la ville.

    Le héros est un homme infecté par le mal qu'il veut combattre. C'est un policier qu'on suit dans son intimité solitaire, dans ses rondes nocturnes avec la patrouille, pendant une arrestation brutale, face à un suspect qu'il fait parler par violence... Après il est tancé par son chef et envoyé à la campagne, où il va enquêter sur le meurtre d'un enfant. Il rejoint le père de la victime qui court les champs, la carabine à la main, et il s'attache à ses pas. Le coupable est repéré. La poursuite commence. Les traces s'interrompent face à une maison isolée. Une femme aveugle y vit. Elle est seule, son jeune frère est absent... (Tout ce cheminement, c'est l'évidence de la chose vue octroyée au rêve).

  • Rouge

    Au cinéma. Revu Party Girl.

    Vicky Gaye partage son appartement avec une autre danseuse du Golden Rooster. Un soir elle rentre tard ; la lumière est allumée à côté ; elle appelle : son amie ne répond pas. Vicky pousse la porte entrebâillée, se fige, tombe. Nous voyons, par-delà son évanouissement, ce qu'elle vient de voir, peut-être comme elle l'a vu, basculant, très vite, une image fixe, comme une vision : devant elle, l'eau sanglante du bain, les bras étendus et la tête morte de l'autre (qui dans mon souvenir va se confondre avec la femme tombée aux pieds de Sardanapale.)

  • Ninotchka

    Au cinéma. Revu Ninotchka.

    A l'arrière-plan de la comédie, la pire des Terreurs ; celle où les victimes se rangent d'elles-mêmes contre le poteau d'exécution. Ninotchka s'effondre, mais se relève ; cette fois, la salve n'était qu'un bouchon de champagne.