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Projections - Page 7

  • They died with their boots on

    Au cinéma, they died with their boots on de Walsh. (Le titre français hésite en la Charge héroïque et la Chevauchée fantastique).

    L'histoire de Custer est racontée à une vitesse et avec une efficacité telles que le film donne souvent l'impression de n'être qu'un résumé, un exposition en vue d'un développement qui n 'aura pas le temps de venir : à la fin de l'avant-dernière scène le héros est mort ; dans la dernière sa veuve presque souriante accomplit sa victoire posthume. (Le rythme est celui de Custer qui brûle les étapes, sûr de son destin : habillé en Maréchal d'Empire dès West Point, quasi marié dès la première rencontre avec sa future femme, promu général avant l'heure, etc.)

    Les scènes de batailles sont représentés avec le même art de la synthèse : Gettysburg est une succession de charges de cavalerie (de droite à gauche, l'ennemi reste hors-champ) ; à Little Bighorn, la cavalerie a mis pied à terre : vue d'en haut, elle est chargée par les cavaliers ennemis qui l'encerclent, déferlent tour à tour de côtés opposés et finissent par l'anéantir.

    On peut préférer l'histoire d'amour, qui culmine dans les adieux inavoués entre Custer et sa femme. Elle l'a vu briser la chaîne de la montre qu'il veut laisser derrière lui, pour elle. Il sait qu'elle sait qu'il va mourir ; il lit à voix haute (off) le journal intime où elle confesse ses craintes. Elle n'a pas le droit de les répéter devant lui. Son visage en gros plan se remplit de larmes.

  • Eve au miroir

    Au cinéma, revu Eve de Mankiewicz.

    Contrairement à mon souvenir, ce n'est pas Eve qui dans le plan final salue face au triple miroir.

    Un nouveau personnage entre en scène à la toute fin du film. Une jeune femme s'est glissée en cachette dans la chambre d'hôtel d'Eve Harrington pour approcher son idole. Elle a revêtu un des vêtements étincelants de la star ; elle tient dans les mains le trophée que l'autre vient de recevoir ; elle s'incline, énigmatique, souriant à son reflet multiplié à l'infini dans la glace. La jubilation de l'inconnue, Eve naissante, fait sentir l'amertume de l'Eve réelle, effondrée dans la pièce d'à-côté, déjà indifférente et fatiguée, malgré sa réussite.
    (Les reflets comme figure de la gloire ? ou bien, doubles d'un double, semblables à la cohorte éternelle des Eve qui y aspirent ?)
    Des éclats de cette image parfaite ont été joués par Eve elle-même dans le cours du film : Eve remerciant l'assistance lors de la cérémonie ; Eve faisant la révérence sur la scène du théâtre vide (serrant contre elle le costume de Margo, surprise par une Margo indulgente) ; Eve ayant enfin revêtu les habits de Margo ; Eve monologuant à la fin de la soirée d'anniversaire. (L'image engendre ses précurseurs – de même que la transfiguration, l'extase, qu'elle montre illumine a posteriori la noire détermination du personnage.)

  • Feuilleton 1916

    Au cinéma, Judex de Feuillade (prologue et épisodes 1 à 3).

    Le banquier Favraux est devenu très riche par la ruine de modestes épargnants. Il a une fille qui est veuve et mère d'un petit garçon. Le banquier embauche une institutrice pour son petit-fils ; en réalité, il se cherche une bonne amie. A malin, malin et demi. L'institutrice n'en est pas une, c'est une apache (jouée par Musidora !).

    Un jour un pauvre homme (LE CHEMINEAU DU DESTIN) se présente à la grille du château de Favraux dans les environs de Paris. Il veut parler au banquier. Le vieillard sort de prison où il a passé vingt ans. Favraux a fait son malheur et celui de son fils, introuvable, qui paraît-il aurait mal tourné. Le banquier hausse les épaules. Le vieil homme le maudit et puis s'en va. Sur la route, il est dépassé par la voiture de Favraux qui rentre précipitamment à Paris. La voiture le renverse et ne s'arrête pas, il reste comme mort étendu sur la chaussée.

    Peu après Favraux reçoit une lettre mystérieuse signée Judex. Elle parle des petits épargnants, elle parle du vieillard : elle somme le banquier de donner la moitié de sa fortune à l'Assistance Publique avant le lendemain soir dix heures. Inquiet, Favraux engage un détective privé mais ce dernier manque manifestement d'expérience. Le lendemain tout le monde est réuni au château pour les fiançailles de la Fille Favraux. Entre-temps le banquier a reçu un second avertissement. A dix heures, il lève sa coupe de champagne et...

    (A suivre)

  • L'empire englouti

    Au cinéma, le Soleil de Sokourov.

    Tout baigne dans une lumière sourde. Le bunker semble un sous-marin échoué. Le rituel confiné pèse et rend les gestes difficiles comme s'ils étaient encombrés de scaphandres et de semelles de plomb. Par moments l'empereur tel un poisson ouvre et ferme la bouche sans qu'aucun son en sorte. Il considère avec délice un crabe sans couleur.

    Dans une séquence rêvée (qui fait penser au dernier Miyazaki), la ville de Tokyo en ruine est le fond gris d'une mer morte. Au dessus des explosions et leur boule de feu, des poissons métalliques rôdent comme les bombardiers

  • The big heat

    Au cinéma, Réglement de compte, de Fritz Lang.

    Cette fois je n'ai vu que Gloria Grahame (et non Ida Lupino), véritable personnage principal du film : la vengeance de Debby accomplit celle que l'ex-policier Bannion est incapable de mener à bien (retrouver et faire arrêter les assassins de sa femme, révéler la collusion entre la pègre et la police).

    Une femme entretenue par un tueur se métamorphose et meurt en héroïne de la lutte contre le crime. Trois étapes :
    1/ Debby, moqueuse et grise, s'ennuie dans le luxueux appartement de son petit ami, Vince ; elle s'arrête devant tous les miroirs pour admirer son visage, ses bijoux, ses beaux vêtements.
    2/ Dans un club, Bannion s'en prend à Vince (à propos d'une fille que le tueur vient de blesser en la brûlant avec une cigarette). Le visage de Debby apparaît à l'arrière-plan immobile, sérieux, changé : elle a vu quelque chose (son avenir ? le sadisme et la lâcheté de Vince ? le courage et le désespoir de Bannion ?). Comme Vince décampe sans se soucier d'elle, Debby accoste Bannion (par bravade peut-être).
    3/ Debby défigurée par Vince (il lui a jeté du café brûlant au visage) a rejoint Bannion. Elle rend visite à la veuve Duncan (qui détient les preuves du complot, fait chanter la mafia et dont la disparition suffirait à tout dévoiler). Debby fait face à son double noir (« nous sommes pareilles », lui dit-elle ; « we are sisters under the mink » ; deux femmes entretenues par l'argent de la pègre). Elle tire et la tue.

  • Rétrospective 2005

    A défaut d'établir un classement des films sortis en 2005, les premiers jours de 2006 ont au moins été l'occasion retardée d'en voir deux (dont on a parlé) : A History of violence de Cronenberg et Caché de Haneke.

    Si on va au cinéma pour avoir peur, le gagnant est le Haneke (en l'occurrence la mise en scène de Cronenberg provoque comme toujours une parfaite anesthésie).

    Car le sentiment de culpabilité (le moteur de Caché) est un puissant ressort de la terreur (qu'on le vive en victime, dans l'expiation, comme l'orphelin, fils d'immigrés, joué par Bénichou ou en bourreau, dans le refoulement, comme la vedette de télévision jouée par Auteuil). Cauchemar de l'un et suicide de l'autre : voilà la fin du processus implacable (pas de conciliation, sauf peut-être la rencontre entraperçue, dans la scène finale, entre les deux (petits-)fils.) Logique de tragédie malgré des milieux et des personnages décrits et incarnés de façon hyperréaliste (les beaux quartiers et les HLM de Paris, la télévision, l'histoire contemporaine). Réalisme tordu par un dispositif quasi-fantastique (qui demeure en tout cas inexpliqué et sans justification) : les vidéos énigmatiques que reçoit le couple Auteuil/Binoche ; classiquement la mauvaise conscience sous la forme d'un regard pointé sur soi, muet, fixe, incorporel, impossible à fuir.

  • Plaisir pervers

    Suis allé au cinéma voir le Temps qui reste d'Ozon parce que je savais que ça ne me plairait pas (justement pour le plaisir, une fois n'est pas coutume, de ne pas aimer). Je n'ai pas été déçu. Le film n'est pas très long et donne l'impression d'avoir été écrit et réalisé rapidement et sans réfléchir (cela peut-il être un argument en sa faveur ?). C'est un collage d'éléments pris ailleurs : l'agonisant sur la plage bretonne comme dans le film de Chéreau ; la filiation comme dans Rois et reines ; le repas de famille comme dans ... ; la grand-mère indigne et son petit-fils indigne comme dans ... Qu'en faire ? Supprimer l'histoire de Romain (photographe par intermittence) et ne garder que les scènes avec Valeria Bruni-Tedeschi ; on obtiendrait alors, peut-être, un court-métrage d'un quart d'heure gentiment absurde ?