Au cinéma, revu Eve de Mankiewicz.
Contrairement à mon souvenir, ce n'est pas Eve qui dans le plan final salue face au triple miroir.
Un nouveau personnage entre en scène à la toute fin du film. Une jeune femme s'est glissée en cachette dans la chambre d'hôtel d'Eve Harrington pour approcher son idole. Elle a revêtu un des vêtements étincelants de la star ; elle tient dans les mains le trophée que l'autre vient de recevoir ; elle s'incline, énigmatique, souriant à son reflet multiplié à l'infini dans la glace. La jubilation de l'inconnue, Eve naissante, fait sentir l'amertume de l'Eve réelle, effondrée dans la pièce d'à-côté, déjà indifférente et fatiguée, malgré sa réussite.
(Les reflets comme figure de la gloire ? ou bien, doubles d'un double, semblables à la cohorte éternelle des Eve qui y aspirent ?)
Des éclats de cette image parfaite ont été joués par Eve elle-même dans le cours du film : Eve remerciant l'assistance lors de la cérémonie ; Eve faisant la révérence sur la scène du théâtre vide (serrant contre elle le costume de Margo, surprise par une Margo indulgente) ; Eve ayant enfin revêtu les habits de Margo ; Eve monologuant à la fin de la soirée d'anniversaire. (L'image engendre ses précurseurs – de même que la transfiguration, l'extase, qu'elle montre illumine a posteriori la noire détermination du personnage.)