Une chose semble pourtant avoir échappé à l'attention des commentateurs : dans ce tableau d'un maître si renommé pour son naturalisme (La Vierge dans une église de Jan van Eyck, au musée de Berlin) (...), la lumière du soleil entre par le côté nord.
Il n'existe pas dans toute la chrétienté de cathédrale gothique dotée d'une choeur à chapelles rayonnantes qui soit orientée vers l'ouest et non vers l'est. Et, s'il est hasardeux d'accuser le plus observateur des peintres – et aussi l'un des plus érudits – d'une erreur d'échelle il serait presque sacrilège de l'accuser d'une faute contre la loi de la nature et contre l'usage ecclésiastique le plus familier. S'il a décidé d'inverser les lois de la nature, c'est qu'il avait une raison. Et cette raison est simplement que la lumière qu'il dépeint n'est pas destinée à figurer la lumière naturelle, mais la lumière surnaturelle, ou supra-essentielle, qui illumine la Cité de Dieu : la Lumière divine, sous les apparences de la lumière du jour. Chez Jan van Eyck, cette lumière, bien qu'indépendante des lois de l'astronomie, ne l'est pas des lois du symbolisme. Et la plus impérieuse des lois du symbolisme. Et la plus impérieuse de ces lois symboliques – inéluctable au point que, en cas de conflit, elle prend le pas sur toute autre signification symbolique, y compris celle du nord et du sud – est le caractère positif de la droite, et le caractère négatif de la gauche.
(Panofsky, Les Primitifs flamands)