Summertime, de Coetzee.
Coetzee est mort. Un biographe rassemble des matériaux pour un essai qui présentera l'écrivain à son retour en Afrique du Sud, dans les années 1970. Il a trouvé, parmi les carnets laissés par l'écrivain, des ébauches autobiographiques pour cette période. Il a conduit une série d'interviews avec des personnes qui ont connu Coetzee à ce moment-là. Nous lisons successivement quelques fragments de Coetzee (brièvement annotés de sa main), les interviews plus ou moins retravaillées par le biographe puis une seconde série de notes.
Les notes ont le ton et la manière des fictions autobiographiques publiées précédemment par Coetzee : Boyhood et Youth (Le récit est à la troisième personne, l'auteur s'observe avec une certaine distance narquoise). Nous y retrouvons le même personnage, coriace, solitaire et silencieux. Notre héros fait triste figure : vivant chez son père dans une maison délabrée de la banlieue du Cap. Les deux hommes forment un couple mal assorti, tard-venu et vieillissant ; l’un est célibataire, l’autre veuf. Ils ne s’entendent pas et ne se parlent guère. Le fils semble partagé entre le devoir de vivre avec son père et l’envie de l’abandonner à son misérable sort.
Dans le tête-à-tête autobiographique, les interviews ouvrent une diversion bienvenue. Sauf exception, les interviewés n'apparaissent pas dans les notes. Le plus souvent ils ne parlent qu'avec réticence de Coetzee, soit par discrétion, soit parce que celui-ci n'est qu'un médiocre ingrédient de leur propre histoire. La plupart ne l'ont pas lu et l'homme ne les a pas impressionnés. Mais leur récit ajoute quelques traits burlesques et quelques couleurs extravagantes au portrait de Coetzee (entre autres, une théorie sur le deuxième mouvement du quintette pour cordes de Schubert). Surtout leur voix est indéniablement vivante ; et la sécheresse ou la circonspection qu'on reproche à l'auteur n'ont pas étouffé sa prédilection pour deux de ses personnages : la bien-aimée cousine Margot et l'inflexible Adriana Teixeira Nascimento.