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Le bouclier d'Amlethus, ekphrasis

(Amlethus) s'était fait faire aussi un bouclier sur lequel il avait demandé que figurât en des tableautins d'une rare facture le récit de tous ses exploits depuis son plus jeune âge. De cette pièce de parade, il se servit pour témoigner de ses vertus et de sa gloire en raccourci.
Sur cette oeuvre d'art, on pouvait voir représentés Horwendillus égorgé, Fengo, le parricide incestueux, l'oncle ignoble, le neveu grotesque, les bâtons à crochets, la suspicion du beau-père, la dissimulation du beau-fils, les différents genres d'épreuves, la femme employée au piège, la gueule ouverte du loup, la découverte du gouvernail, le sable métamorphosé, l'entrée dans les sous-bois, le taon avec son brin de paille, le jeune homme qui fait signe, les compagnons auxquels on fausse compagnie et le commerce avec la jeune fille en un lieu écarté. On distinguait aussi le dessin du palais, le tête-à-tête de la reine et de son fils, l'espion égorgé, bouilli, jeté dans le cloaque et abandonné aux porcs qui engloutissaient ses membres couverts de fange, tels quels, avec un appétit de bêtes féroces. Plus loin, on retrouvait Amlethus qui surprenait le secret de son escorte endormie, effaçait les signes des lettres et les remplaçait par d'autres caractères, dédaignait le repas, méprisait la boisson, jugeait le regard du roi et remarquait les mauvaises manières de la reine. On apercevait encore la pendaison des envoyés, les noces du jeune homme, le retour au Danemark, le banquet de funérailles, les bâtons exhibés en lieu et place des compagnons dont on s'enquiert, le jeune prince dans le rôle de l'échanson, ses doigts écorchés par le tranchant de son épée sans cesse dégainée, le glaive fixé par un clou, les convives applaudissant à tout rompre, de plus en plus émoustillés, la tenture jetée sur les dormeurs fermement sanglés dans leur sommeil grâce aux crochets, le tison mis à l'édifice, les convives brûlés, l'effondrement du palais dévoré par les flammes, la visite que fait Amlethus à la chambre de Fengo, l'épée qu'il y prend et celle - la sienne, d'aucun secours pour Fengo - qu'il lui substitue, et enfin le massacre du roi tué de la pointe même de son arme par la main de son beau-fils.

(Saxo Grammaticus, la Geste des Danois, trad. F-X Dillmann).

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