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Refermés - Page 27

  • Falling man

    (Au tout début du roman, Keith émerge du nuage de poussière provoqué par l'effondrement de la tour Sud du World Trade Center le 11 septembre 2001. De même qu'il fallait attendre la fin de Underworld pour connaître le secret qui pesait sur la vie de son personnage principal, de même ce n'est que dans les dernières pages, terribles, de Falling man que nous entrons au coeur de la catastrophe : avant cela, on ne fait qu'entrevoir ou deviner les images et les souvenirs cachés qui bouleversent l'existence de Keith. Mais ici l'événement lui-même n'a évidemment rien de secret ou de seulement intime : il intéresse tout le monde ; il est rejoué sans cesse sur les écrans de télévision :)

    (Keith) watched with (his wife, Lianne) one time only. She knew she'd never felt so close to someone, watching the planes cross the sky. Standing by the wall he reached toward the chair and took her hand. She bit her lip and watched. They would all be dead, passengers and crew, and thousands in the towers dead, and she felt it in her body, a deep pause, and thought there he is, unbelievably, in one of those towers, and now his hand on hers, in pale light, as though to console her for his dying.

  • Rumsey, Ramsey

    Three of the cardplayers were called by last name only, Dockery, Rumsey, Hovanis, and two by first name, Demetrius and Keith. Terry Cheng was Terry Cheng.

    Someone told Rumsey one night, it was Dockery the waggish adman, that everything in his life would be different, Rumsey's, if one letter in his name was different. An a for the u. Making him, effectively, Ramsey. It was the u, the rum, that had shaped his life and mind. The way he walks and talks, his slouchings, his very size and shape, the slowness and thickness that pour off him, the way he puts his hand down his shirt to scratch an itch. This would all be different if he'd been born a Ramsey.

    They sat waiting for R's reply, watching him linger in the aura of his defined state.

    (De Lillo, Falling Man).

  • Madame de Mortsauf et la Zambinella

    Un des plaisirs de la (re)lecture de Sarrasine de Balzac est sa forme même, qui a quelque chose d’exemplaire (on aimerait pouvoir dresser une liste d’œuvres qui obéissent au même schéma). Deux parties : la description d’une scène (la soirée chez les Lanty) suivie par un récit (le narrateur raconte à la marquise la vie du sculpteur Sarrasine) ;  la division correspond à la marche de la nouvelle : d’abord la formulation d’une énigme, puis sa résolution. (La scène est le lieu de l’énigme, le récit est le discours de l’élucidation).

    Le Lys dans la vallée ne suit pas le même canevas. Mais il y a quelques points de ressemblance. Le roman se présente comme la longue (et invraisemblable) missive adressée à Natalie de Manerville par Félix de Vandenesse et se termine par l’ironique fin de non-recevoir écrite par Natalie en réponse à la copieuse confession de Félix. Félix et le narrateur de Sarrasine espèrent séduire leur auditrice avec l’histoire qu’ils leur racontent et tous les deux échouent. On pourrait trouver quelques points communs entre Félix et le sculpteur Sarrasine, également (s’il est permis) entre la vertueuse Madame de Mortsauf et le castrat Zambinella. Au commencement du Lys il y a aussi une scène presque fantastique et fondatrice : lors d’une fête donnée pour le retour des Bourbon, le jeune Félix se jette sur les épaules d’une inconnue, qui est Madame de Mortsauf, pour les embrasser. (De même que dans Sarrasine, la marquise touche brutalement l’étrange vieillard, qui est Zambinella, provoquant son cri).

  • Le Seau à charbon

    Le Seau à charbon, de Thomas.

    Le plus beau de ce court roman est peut-être ce qui manque : le récit de la fugue de Souvrault. Dans le collège de Saint-Romont, chaque cervelle est en proie à sa fermentation particulière, dont les réactions provoquent (ou non) de visibles explosions. Un soir l'élève Souvrault s'évade. Après quelques jours il rentre. Il a traversé la montagne en "une terrible marche de jour et de nuit" ; le roman s'achève à son retour. Que saura-t-on de son voyage ? Peu de choses : on apprend qu'il a pris fin,
    (...) à l'aube de la nuit de marche, au moment où les visions de l'épuisement avaient commencé, le pendu dans les arbres, les clôtures blanches qui étaient de la brume sur les prés...
    On se doute qu'il a dû commencer comme la brève escapade qui l'a précédé. Ce jour-là Souvrault a passé une matinée hors du collège, pour la première fois pendant les classes, s'en allant dans les pentes qui bordent la petite ville.
    (...) au-delà s'étendent les premières pentes de la montagne, très vertes encore, puis les forêts qui se perdent dans la brume vers le col ; là-haut s'avancent lentement les brouillards, la pluie, et le vent se fraie un chemin en ployant les cimes des bois de sapins. (...)
    (Souvrault) se jette soudain dans un chemin de traverse ouvert entre deux talus couverts de noisetiers ; les profondes ornières (ce chemin sert aux charrois des troncs d'arbres de la montagne) sont remplies par des ruisselets couleur de la terre rouge. Il doit être arrivé où il voulait, car il s'arrête, ouvre plus largement sa capote, écoute l'eau s'écouler tout autour, regarde les noisetiers pleins d'une ombre humide où brillent des gouttelettes ; les hautes herbes des prés sont penchées par le passage des eaux.

    (Tout ce passage bruit des poèmes de Rimbaud, qui le prolongent et prennent la place peut-être du récit manquant : Avec les grands mouvements des sapinaies / Quand plusieurs vents plongent.)

  • Les affaires du monde

    J'étais parvenu à regarder comme appartenant entièrement à ma nature le talent poétique qui habitait en moi, d'autant plus que j'étais conduit à considérer la nature extérieure comme son objet. L'exercice de ce don poétique pouvait, il est vrai, être excité et déterminé par une occasion, mais c'était involontairement, et même contre ma volonté, qu'il se manifestait avec le plus de joie et d'abondance.
    (...)
    Cependant, comme le naturel qui produisait spontanément en moi des poèmes longs ou courts de cette sorte sommeillait quelquefois pendant de longs intervalles, et que, pendant un temps considérable, j'étais même en le voulant, incapable de rien donner, et que j'en éprouvais assez souvent de l'ennui, devant ce contraste absolu, j'en vins à me demander si je ne devrais pas employer à mon avantage et à celui des autres ce qu'il y avait en moi d'humanité, de raison et d'intelligence, et à consacrer, comme je l'avais déjà fait, et comme j'y étais toujours plus fortement invité, l'entre-temps aux affaires du monde, en sorte qu'aucune de mes forces ne restât inutilisée.

    (Goethe - Poésie et Vérité, trad. P du Colombier).

  • Etoiles de la terre

    A cette heure, que fait-elle ? Elle dort... Non, elle ne dort pas ; c'est aujourd'hui la fête de l'arc, la seule de l'année où l'on danse toute la nuit. - Elle est à la fête...
    Quelle heure est-il ?
    (...) Je descendis chez le concierge. Son coucou marquait une heure du matin. - En quatre heures, me dis-je, je puis arriver au bal de Loisy. ll y avait encore sur la place du Palais-Royal cinq ou six fiacres stationnant pour les habitués des cercles et des maisons de jeu : - A Loisy ! dis-je au plus apparent. (...)

    Il n'est pas trop tard : après cette soirée perpétuelle, longue comme une vie, au théâtre puis au cercle, après les désirs immobiles, les rêveries vaines, il est encore temps de rejoindre la voie perdue. Le chemin est ouvert. Le sommeil ne viendra pas clore cette nuit avant que le narrateur ne retrouve le pays de son enfance et revoie Sylvie.
    Mais la route réelle se double d'une jointure magique. Une même lumière, merveilleuse et nocturne, baigne l'apparition d'Aurélie sur la scène ("pâle comme la nuit", "brillant dans l'ombre de sa seule beauté") et celle d'Adrienne dans l'enfance (à "l'ombre des grands arbres", sous "le clair de lune naissant") et aussi ce chemin qui embranche sur la route de Flandre :
    Plus loin que Louvres est un chemin bordé de pommiers dont j'ai vu bien des fois les fleurs éclater dans la nuit comme des étoiles de la terre : c'est le plus court pour gagner les hameaux.

     

  • Deux manières d'autorité

     (...) je ne sentais que trop la distance entre mon genre d'action et celui de Lavater : la sienne était une autorité de présence, la mienne une autorité d'absence ; celui qui était mécontent de lui à distance se réconciliait de près avec lui, et celui qui, d'après mes ouvrages, me croyait aimable, se trouvait bien trompé quand il se heurtait à un homme roide et dédaigneux.

    (Goethe, Poésie et Vérité - trad. P du Colombier).