Le Seau à charbon, de Thomas.
Le plus beau de ce court roman est peut-être ce qui manque : le récit de la fugue de Souvrault. Dans le collège de Saint-Romont, chaque cervelle est en proie à sa fermentation particulière, dont les réactions provoquent (ou non) de visibles explosions. Un soir l'élève Souvrault s'évade. Après quelques jours il rentre. Il a traversé la montagne en "une terrible marche de jour et de nuit" ; le roman s'achève à son retour. Que saura-t-on de son voyage ? Peu de choses : on apprend qu'il a pris fin,
(...) à l'aube de la nuit de marche, au moment où les visions de l'épuisement avaient commencé, le pendu dans les arbres, les clôtures blanches qui étaient de la brume sur les prés...
On se doute qu'il a dû commencer comme la brève escapade qui l'a précédé. Ce jour-là Souvrault a passé une matinée hors du collège, pour la première fois pendant les classes, s'en allant dans les pentes qui bordent la petite ville.
(...) au-delà s'étendent les premières pentes de la montagne, très vertes encore, puis les forêts qui se perdent dans la brume vers le col ; là-haut s'avancent lentement les brouillards, la pluie, et le vent se fraie un chemin en ployant les cimes des bois de sapins. (...)
(Souvrault) se jette soudain dans un chemin de traverse ouvert entre deux talus couverts de noisetiers ; les profondes ornières (ce chemin sert aux charrois des troncs d'arbres de la montagne) sont remplies par des ruisselets couleur de la terre rouge. Il doit être arrivé où il voulait, car il s'arrête, ouvre plus largement sa capote, écoute l'eau s'écouler tout autour, regarde les noisetiers pleins d'une ombre humide où brillent des gouttelettes ; les hautes herbes des prés sont penchées par le passage des eaux.
(Tout ce passage bruit des poèmes de Rimbaud, qui le prolongent et prennent la place peut-être du récit manquant : Avec les grands mouvements des sapinaies / Quand plusieurs vents plongent.)