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La corde

Rope, de Hitchcock.

Comme on sait, le film donne l'illusion d'être fait d'un seul plan ou presque (la continuité visible à peine rayée par quelques coutures plus ou moins apparentes). Aucune ellipse, aucune accélération, ne viennent précipiter ou condenser le cours des faits que nous avons en permanence sous les yeux. La période de temps montrée est, selon cette convention, exactement égale à la durée de la projection. Or il faut bien constater que ce n'est pas le cas : la représentation est plus rapide que l'événement ; trois quarts d'heure de pellicule séparent l'arrivée des invités et leur départ ; mais la soirée n'a pas pu durer vraisemblablement moins de deux heures. Ici personne ne finit un verre, moins encore ne dépasse la première bouchée d'un plat.

Philipp et Brandon tuent un ancien camarade d'université puis cachent le cadavre dans un coffre au milieu de l'appartement ; immédiatement après ils reçoivent les parents et la fiancée de la victime ; le coffre sert de buffet où sont posés les éléments du dîner. Le dispositif ressemble à un numéro de prestidigitation (dont l'enjeu reste la disparition du corps). Le plan-séquence est comme le boniment du magicien : tout se passe sous votre regard ! voyez, aucun artifice (ni trappe, ni double fond) ne permettra la substitution ! (mais plutôt ici, a contrario, l'apparition, la découverte).

Commentaires

  • J'avais été impressionnée d'apprendre qu'entre la pièce et le film, le texte avait subi une traduction de l'anglais vers l'américain (ou l'inverse, il faudrait que je vérifie).

    Cette notion du temps de la représentation est l'un des concepts les plus passionnants du cinéma.

  • Le film n'est d'aileurs pas très bon.
    Votre remarque à propos de la prestidigitation est fort juste et renvoie d'ailleurs au dernier plan du dernier film de A.H (Family Plot) où un vrai diamant est caché dans un lustre de pacotille. D'autre part la question du regard (qui voit ? le personnage, le spectateur, le metteur en scène, Dieu...) est essentielle dans le cinéma de Hitch. Je me souviens, étant plus jeune, avoir soutenu que Hitchcock aspirait le spectateur dans le cadre, alors que Lang le rejetait hors du cadre...
    Dans le genre "film constitué d'un seul plan-séquence" L'Arche Russe de Sokourov (le final sur la Néva est éblouissant) me paraît un must.
    Pour finir, je crois en avoir parlé avec VS, j'ai toujours été impressioné par la dilation du temps dans les soaps américains (Amour, gloire et beauté etc) : entre le moment où un personnage prend un verre et celui où il le porte à sa bouche s'insère (par le jeu du montage) un foultitude d'évènements. D'où l'impression que les soirées durent six mois. C'est très curieux et ils ne me semble pas que ce procédé ai été repris au cinéma (peut-être faut-il y voir une influence du roman photo ?)

  • Lire : "dilatation du temps"

  • J'aimerais voir des films "pas très bons" comme celui-là plus souvent... A propos "d'aspiration" du spectateur, la séquence d'ouverture donne quasiment l'impression d'être gobé par le film : successivement, à l'extérieur, devant les rideaux fermés de l'appartement ; puis brutalement (en même temps que le cri de la victime) de l'autre côté, après retournement par symétrie, devant les meurtriers qui serrent la corde. (La fin est inversement une expulsion, le professeur ouvre un vitre et tire à l'extérieur pour attirer l'attention des passants).

    Le finale de l'Arche Russe est grandiose (mais ce qui précède est un peu confus, non ?). Le mouvement de concert est très proche de l'esprit du plan-séquence : un fil continu qu'il faut dérouler jusqu'au bout, pas d'interruption possible.

    Enfin n'y a-t-il pas dilatation du temps au cinéma dans les innombrables scènes de compte-à-rebours ? Dans cinq minutes une bombe va exploser, la mèche brûle : un quart d'heure après, les cinq minutes ne sont pas finies, on y est encore. (Même si pour cela on a le plus souvent besoin d'une série parallèle, extérieure à la scène, avec l'horloge ou la mèche qui se consumme).

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