Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Mes bouquins refermés - Page 91

  • Sept (ou huit) fois quatre

    A la demande (peut-être pas) de l'Esprit de l'Escalier :

    Questions :
    1- Quatre livres importants de mon enfance
    2- Idem entre l'enfance et l'adolescence
    3- Quatre écrivains que je relirai
    4- Quatre livres que j'ai beaucoup aimés mais que je n'ai pas envie de relire
    5- Quatre livres bientôt lus
    6- Quatre livres à emporter sur une île déserte
    7- Les quatre dernières lignes d'un de mes livres préférés

    Réponses :
    1- Un atlas, une astronomie (et cosmogonie), l'Ile mystérieuse, le Sceptre d'Ottokar.
    2- Phèdre, les Poésies de Mallarmé, Cent ans de solitude, la Force de l'âge, de Beauvoir.
    3- Bonnefoy, Bernhard, James, Stendhal.
    4- La série des Conquérants de l'impossible, de Philippe Ebly ; les Fondation, d'Isaac Asimov ; la Fortune de Gaspard de la Comtesse de Ségur ; le catalogue d'Yvert et Tellier.
    5- Pétersbourg de Biély, les Fables de La Fontaine, Billy Budd de Melville, The victim de Bellow.
    6- Les Mémoires de Saint-Simon, A la recherche du temps perdu, der Nachsommer, l'anthologie des sagas islandaises de la Pléiade.
    7-
    Ah ! la poudre des saules qu'une aile secoue !
    Les roses des roseaux dès longtemps dévorées !
    Mon canot, toujours fixe ; et sa chaîne tirée
    Au fond de cet oeil d'eau sans bord, - à quelle boue ?

    J'aimerais lire ce que répondraient l'AmateurPassé(e) la borne, Zvezdoliki et Mumm.

  • A Ornans

    Parmi les collections du Musée des Beaux-arts de Lille, l'Amateur retient justement le tableau de Courbet : l'Après-dîner à Ornans. L'heure n'a rien de spectaculaire : c'est la fin d'un repas familier entre amis. Sur la table, on devine, malgré l'obscurcissement, des verres vides, des bouteilles, peut-être du pain et des fruits. La conversation s'est tue ; les chaises ont été un peu reculées ; un des convives est allé s'asseoir à peine plus loin ; chacun s'abandonne à sa pente. Le plus vieux pique du nez (un chien dort sous une chaise). Un autre, qui nous tourne le dos, allume sa pipe avec un brandon pris dans la cheminée. Un troisième joue du violon : ressortant dans le demi-jour, son visage et ses mains attentifs se rejoignent autour de l'instrument. Un quatrième l'écoute (du moins son regard le laisse croire) rêveusement, accoudé, le poing sur la joue. Nulle révélation dans ce Repas à Emmaüs profane, aucune présence miraculeuse que celle de la peinture qui tient ensemble le petit groupe avant qu'il se sépare, dans la réunion sans paroles avec la musique, l'ombre et la rêverie. Le peintre, invisible, s'y inclut en la représentant ; c'est peut-être son verre qui a laissé une trace sur la nappe.

  • Partage de midi

    (Sur les bons conseils de Philippe[s]) à la Comédie française. 

    - Mesa, je suis Ysé, c'est moi.

    La phrase d'Ysé et le long silence qui la précède rappellent le sommet d'un autre acte 1 : le premier (et très bref) duo d'amour entre Tristan et Isolde dans Wagner (suspens de la musique et les deux noms seulement échangés : - Tristan - Isolde). A l'agitation de la joute et des jeux succède le moment de la reconnaissance et de l'aveu. Le flot précipité des répliques, chargés de mots, de cris et d'images, laisse la place à la tautologie de l'évidence ; les quelques syllabes forment un bloc que cimentent le chiasme et l'allitération (Mesa / c'est moi ; je suis / Ysé) et les deux noms s'unissent.

  • Carmen

    Au Châtelet.

    C'est, pour ainsi dire, la première fois que j'entends Carmen. Jusqu'à l'air d'Escamillo, inclus, difficile d'échapper à l'impression d'assister à un pot-pourri des grands succès de l'opéra (comme ces histoires trop fameuses, dont la version d'origine, quand on y revient, semble un abrégé) : mais ce n'est pas chanté en syldave, on comprend ce que les personnages disent (en particulier les choeurs).

    Enfin, après Toréador, je commence à suivre l'intrigue : un mois a passé depuis la Habanera (j'aime ces grands espaces de temps qui séparent les actes). La gitane danse et chante pour le soldat, quand la retraite sonne : le soldat veut partir. Il est pourtant très sincèrement amoureux : - non tu ne m'aimes pas. (Pas d'accomodements, pas de demi-mesure, le drame est lancé).

     

  • Derniers regards

    Au cinéma, revu They live by night de Nicholas Ray.

    Tout le monde a ses raisons et, sans trop y penser, les uns utilisent les autres pour servir leurs intérêts : c'est ainsi que les jeunes et tendres amants finissent victimes des adultes endurcis qui les enrôlent dans leurs intrigues. Parmi ceux-là, il y a la femme d'un détenu, prête à tout pour obtenir la libération de son mari parce que la vie passe, le temps presse et que l'un et l'autre seront bientôt vieux.

    Dès qu'elle a croisé la route de Keechie et de Bowie, elle leur a témoigné de l'hostilité : peut-être par jalousie, peut-être par aversion pour un destin qui lui rappelle le sien à son début. Enfin l'occasion se présente : le couple en fuite s'est réfugié chez elle ; elle obtiendra l'élargissement de son homme en livrant à la police le jeune bandit. On la voit négocier durement avec l'officier ; à gauche du bureau, le mari entravé garde la tête baissée. Pendant qu'on le remmène (dans l'attente de la réalisation du forfait), la femme lui jette un regard implorant ; les grands yeux noirs, inquiets, guettent sans doute une approbation, en vain : a-t-elle tout perdu, croyant réussir ? (Peu de temps après, il lui faudra boire le calice jusqu'à la lie et convaincre Bowie, qui veut s'enfuir, d'aller voir une dernière fois sa jeune femme endormie pour que, sur le chemin de la chambre, la police puisse l'abattre : songe-t-elle alors à son propre sort, à cet autre regard qui restera peut-être lui-aussi le dernier ?)

  • L'allegro, il penseroso ed il moderato (2)

    A nouveau à l'opéra Garnier pour écouter "la plus belle musique de Haendel" et retrouver les plaisirs de la mélancolie :

    These Pleasures, Melancholy, give,
    And we with thee will choose to live.

    C'est elle qui s'avance, mesurée et  secrète, selon la merveilleuse pulsation haendélienne ; elle qui convie la frugalité au banquet des dieux (lit-on dans la traduction donnée en surtitre, image superbe d'un luxe idéal accompli non dans la profusion mais dans une forme de dépouillement.)

    (Quant à la danse qui fait le spectacle, je ne sais rien de ce que doit être la danse... d'autant que ce soir, une bonne partie de la scène m'est cachée, je ne vois qu'à peine les danseurs, figures d'un paysage absent, presque nus ou bizarrement affublés de jouets ou d'oripeaux, nymphes et faunes se livrant à des jeux d'eux seuls compris.)

  • L'Affaire Makropoulos (2)

    A l'Opéra Bastille.

    Que veut-elle, cette Emilia Marty ? Le temps de l'opéra elle fait tout pour retrouver les documents qui la maintiendront en vie (avec l'urgence que suggèrent ces leitmotive en forme de roulements de timbales ou de sirènes de course-poursuite ; il est vrai qu'elle s'y prend au dernier moment, au dernier jour de son immortalité)... mais, à la fin, quand  elle a récupéré la lettre et qu'elle tient la formule entre les mains, elle n'en veut plus, elle abandonne (un ressort de l'intrigue m'a peut-être échappé ?). L'oeuvre conjuge ainsi l'urgence avec l'éternité, l'ennui avec le paroxysme.

    Elina joue avec les hommes, se prête à leur désir puis s'éloigne, les considérant de très loin (Tous meurent, dit-elle avec cynisme). Pas davantage mère qu'amante fidèle (que lui est toute cette descendance qu'elle a enfantée et qui grouille aujourd'hui sur la terre ?). Mais au moment de finir, à un point où tout l'orchestre ploie, où sa voix s'éteint, elle pleure son amant mort il y a un siècle et puis son père.