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Mes bouquins refermés - Page 79

  • Mozart, Strauss

    Salle Pleyel.

    Le concert débute avec Capriccio, par son sextuor (musique dans la musique, comme la lettre d'un personnage citée dans un roman) ; en deuxième partie, il s'achève, comme l'opéra, par le monologue final de l'héroïne : cependant il ne s'agit pas de la comtesse mais de Salomé.

    La musique et le livret de Salomé sont-ils vulgaires, sont-ils kitsch ? Ici on n'y pense pas : le monstre n'est pas ridicule, l'interprète sait faire passer ensemble le caprice de petite fille gâtée et l'exaltation de l'amour absolu. (Après avoir fait longuement siffler le génétif de Todes, avec quelle maîtrise elle chante-parle les quelques vers suivants, ce ravissement qui précède la conflagration finale de l'orchestre et de la voix !)

  • Après coup

    Je ne sais pas si ça a été dit : je me rends compte aujourd'hui que la jeune femme arrêtée au Tchad jouait le rôle du premier amour dans le beau film de Civeyrac, Fantômes.

  • Quarantaine

    Au début du quatrième chapitre du Tentateur de Broch (trad. Albert Kohn), un passage rappelle plus fortement Stifter (j'interromps ma lecture et laisse résonner la vieille mélodie).

    Un village dans une région de montagnes. Wetchy et le narrateur (le médecin du village) habitent deux maisons jumelles un peu à l'écart de la bourgade. La religion isole la famille Wetchy (ils sont protestants) du reste de la communauté. Un soir, au début de l'été, Wetchy vient chercher son voisin : le jeune fils est fiévreux. Craignant la contagion, le médecin emmène la petite fille, Rosa, proposant de l'héberger quelques jours.

    Les parents nous avaient suivi jusqu'à la porte d'entrée et lorsque nous fûmes à la grille du jardin ils firent des signes comme à des voyageurs qui s'en vont au loin.
    (...) Là-bas se tenait encore la petite femme dans sa robe bleu clair fanée, tache lumineuse indistincte, faisant des signes indistincts dans un monde qui n'était plus guère perceptible, baignant dans une moiteur nocturne, enfermé dans la nuit sans étoiles tendue d'une voile bas de nuages, et pendant qu'à tout hasard, je faisais un signe en réponse, je voulus, il est vrai, sans succès, aussi amener l'enfant à m'imiter : elle serrait sa poupée dans son bras, lui parlait et ne se retourna pas.

  • Schütz, Bach, Brahms

    Salle Pleyel.

    De la première partie (pièces de Schütz et Johann Christoph Bach) à la seconde (le Requiem de Brahms), le choeur (tel que je l'entends) change de sens : moins une parole humaine, plus proche de la langue figurée de l'orchestre. Il exprime aussi le désespoir, la résignation, l'apaisement ou le triomphe (inégalable euphorie des fugues qui terminent les parties 2 et 6 : Der Gerechten Seelen sind in Gottes Hand und keine Qual rühret sie an et Tod, wo ist dein Stachel? Hölle, wo ist dein Sieg?) mais on n'y retrouve pas la prière dite à mi-voix dans le Wie lieblich sind deine Wohnungen de Schütz, le ton personnel et la supplication : Herr Gott Zebaoth, höre mein Gebet.

    (Egalement ici).

  • Ici-bas

    Ex-voto, de Champaigne.

    Les rayons schématiques de la lumière divine, le maigre crucifix au mur avec son étroite couronne d'épines et les clous à-demi enfoncés. Le plancher brut avec les planches régulièrement et solidement clouées, le doux éclat et les plis opulents des robes des religieuses.

     

  • Schumann, Mendelssohn, Brahms

    Salle Pleyel.

    Programme Brahms. Les choeurs sont splendides, l'orchestre a une sonorité inhabituelle dans cette musique (comme une voiture dont auraient été enlevées les suspensions ; on sent tous les cahots de la route : on profite des embardées. La deuxième Symphonie gagne en verdeur, en jeunesse, en brutalité quand les trombones soufflent noir.)

    (Mais j'ai préféré la pièce de Schumann ("Nachtlied") : les ténèbres roulent, couronnées de lueurs, avant l'apaisement étale des assonances en a : Schlaf, da nahst du dich leise...)

  • Les promesses de l'ombre, de Cronenberg

    Nikolaï n'est au début que le "chauffeur" ou le "croque-mort" de l'organisation ; il finira par prendre la tête de du gang. Mais son dessein est plus vaste encore. Il est aussi un agent double travaillant à intégrer cette branche particulière de la maffia russe. Il est d'abord adoubé par le directoire de la chevalerie du crime (mais la cérémonie, sans être une imposture, est un piège), on le marque d'un tatouage spécial ; également nu, il est initié une seconde fois (selon un ordre supérieur) lors d'un combat inégal dans les entrailles d'un bain de vapeur (le surin remplace le poinçon du tatoueur). Vainqueur, la figure du héros ne cesse de grandir ; il vide de sens les codes grotesques du clan, il l'emporte sur les personnages ou les acteurs concurrents (le fils indigne, la sage-femme et mère). Il finit seul, sous le déguisement d'un parrain de la maffia, sans qu'on comprenne à quelle suprême manoeuvre il travaille.