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Mes bouquins refermés - Page 78

  • Rome (3) - Jardins

     Voici que dans l'idée qu'on se fait des villes de l'antiquité romaine (réseau de gravats et de ruines, sans eaux ni végétation, suite de chambres étriquées au décor rouge, noir et jaune), paraît un jardin36ec70b6cc0291018739f413fdd853a6.jpg.

    Dans la maçonnerie épaisse, selon l'étroitesse des pièces closes, sous des voûtes solides, sont peints la forme la plus labile, le plus mobile, le plus aérien des jeux, le libre vol des oiseaux, dans les feuilles, avec le vent ; et, sous la brique et le stuc secs et imputrescibles, l'image des fruits mûrs. d486aa3e450c8d146208675a22ea7bf4.jpg

     

    (Musée national romain, Palazzo massimo alle Terme, fresques de la villa de Livie à Prima Porta.)

  • Rome (2) - San Clemente

    Rinceaux d'acanthe : mosaïques de l'abside de San Clemente (XIIème) /bas-relief de l'Ara Pacis (Ier siècle)4bc59e0ba8542982cf6d756f86223a14.jpg0bdd8ce8dc85c23c5c6bdab1e427a8a8.jpg

     (San Clemente, emblème de Rome, où l'on peut descendre dans les fondations antiques de la Ville  : une église du XIIème est bâtie sur une basilique du bas empire, qui s'appuie elle-même sur des maisons plus anciennes où a été retrouvée, au plus profond, une chambre dédiée au culte de Mythra. Accumulation de siècles enfouis et superposés ; mais les étages morts revivent dans les niveaux supérieurs qu'ils supportent. )

  • Haydn

    La Création de Haydn, Salle Pleyel. 

    Je ne gardais par un très bon souvenir de représentations antérieures : c’était la « Création » dans une féerie au théâtre (on est loin de Bach et de Beethoven), une suite de miniatures rococo desséchées ou d’idylles Bidermeier béates, avec toiles peintes vertes et roses et l’apparition à la fin d’Adam et Eve en collants couleur chair.

    Mais pas ce soir où une ardeur donnait vie à tout cela : les animaux (le basson pour les roucoulements des colombes amoureuses, la flûte du rossignol, le trombone pour le lion, la contrebasse pour Léviathan), les éléments (la pure lumière de la première aube, de la première lune) ou le Verbe divin (Que la lumière soit ! Croissez et multipliez !). Les chœurs m’ont paru plus conventionnels mais tout sinon foisonnait de jeux et d’inventions jusque dans la vision de ce paradis merveilleux et familier où s’avancent Adam et Eve (Une allusion à la Chute, vite oubliée, obscurcit brièvement la scène avant leur entrée).

  • La terre n'est que du cron

    J'avais, plus près de Paris, une autre station fort de mon goût chez M. Mussard, mon compatriote, mon parent et mon ami, qui s'était fait à Passy une retraite charmante où j'ai coulé de bien paisibles moments. M. Mussard était un joaillier, homme de bon sens, qui, après avoir acquis dans son commerce une fortune honnête, et avoir marié sa fille unique à M. de Valmalette, fils d'un agent de change et maître d'hôtel du roi, prit le sage parti de quitter le négoce et les affaires, et de mettre un intervalle de repos et de jouissance entre le tracas de la vie et la mort. Le bonhomme Mussard, vrai philosophe de pratique, vivait sans souci, dans une maison très agréable qu'il s'était bâtie, et dans un très joli jardin qu'il avait planté de ses mains. En fouillant à fond de cuve les terrasses de ce jardin, il trouva des coquillages fossiles, et il en trouva en si grande quantité, que son imagination exaltée ne vit plus que coquilles dans la nature, et qu'il crut enfin tout de bon que l'univers n'était que coquilles, débris de coquilles, et que la terre n'était que du cron.

    (Rousseau - Les Confessions, VIII)

  • Berg, Webern, Boulez

    Salle Pleyel.

    La Suite lyrique de Berg et les Cinq mouvements pour cordes de Webern étaient données successivement dans la version originale pour quatuor à cordes puis selon l’orchestration faite par le compositeur. La Suite Lyrique, dans la version pour quatuor, était amputée des mouvements que Berg n’a pas transposés ; on aurait volontiers troqué la reprise contre une exécution complète de l’œuvre originale : intime et nue, avec les souffles, les élans, les ahans, le battement de cœur manqué, les chuchotements…, son langage et son impudeur (qu’on connaisse ou non le secret) qui font penser à Tristan.
    Dans les Cinq mouvements, la musique installe des climats (je ne sais si on peut parler de glas ou d’ostinato) qui crée une durée paradoxale dans des morceaux si brefs.

    En seconde partie, de Boulez, les Improvisations sur Mallarmé dont je suis bien en peine de reconnaître les poèmes (ou même les syllabes qui en forment les vers). Un grelot accompagne presque chaque vocalise ; l’amas des percussions rappelle les "pierreries" d’Hérodiade ou sa "pudeur grelottante d’étoile". Un trombone bouché représente peut-être la "trompe sans vertu" d’A la nue accablante tu.

  • Retour de Rome

    Le nombre de visiteurs a augmenté et continue de croître, la situation s'est dégradée au point où la finalité de l'établissement semble se limiter à faire passer tous ceux qui se présentent par un certain nombre de points  (ceux-là sans doute pour lesquels ils sont venus) : le guichet où sont vendus les billets, la Chapelle Sixtine et la boutique, avant la sortie. Les longs corridors (comme la Grande Galerie du Louvre) sont les pires lieux d'exposition : les groupes s'arrangent en file et tout le monde doit avancer au même pas. (Ceux qui privilégient l'attention sur le débit peuvent s'arrêter à l'écart, dans la Pinacothèque). Les flux sont gérés avec une certaine astuce : le flot est divisé entre plusieurs circuits  qui étalent la crue en ajoutant le Laocoon ou les Stanze de Raphaël au programme  ; un afflux excessif peut être dérivé pendant un quart d'heure en poussant une porte : le musée d'art religieux moderne offre un certain volume de stockage, la vitesse d'écoulement reste à peu près constante, la longueur du parcours détermine la capacité de la retenue. Dans le bassin principal (la Chapelle), le mouvement de la foule se perd ; le remplace une rumeur toujours croissante, interrompue quand elle devient trop forte et ramenée au murmure par les protestations des gardiens ou des haut-parleurs.

    (J'imagine qu'un jour ou l'autre une autre organisation, plus raisonnable, s'imposera : ou bien on construira une réplique, comme à Lascaux ; ou bien on mettra en place un système de quotas et de réservation - espérons que, dans ce cas, le temps de visite sera plus long que les douze minutes accordées pour les fresques de Giotto à Padoue).

  • Webern, Messiaen, Boulez, Stravinski

    Salle Pleyel.

    La Passacaille de Webern, plus large que longue, fait penser à une symphonie de Mahler (mêmes sonorités, même amplitude des climats) mais réduite et déshabitée. C'est déjà fini (on se dit qu'il faudrait une concentration très supérieure pour bien l'entendre, ou une autre perception du temps, un plus grand pouvoir de résolution).

    De Chronochromie de Messiaen, je ne garde le souvenir que des passages où un xylophone jaseur rivalise avec les cloches et le pépiement d'un instrument à clavier non-identifié (le reste est souvent fastidieux).

    Enfin les Noces de Stravinski (pour quoi on est venu). La maison est surpeuplée ; les hôtes sont possédés par de vieux rituels, la coutume est comme un sort ; tout le monde veut tenir un rôle (qui est une façon d'être soi), se coupe la parole et parle en même temps (mais les percussions, y compris les quatre pianos, écrasent les personnages).