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Mes bouquins refermés - Page 131

  • Peinture

    C'est une émission du genre de celles de la télé-réalité. Un groupe de robustes jeunes filles passe un temps dans une école à apprendre les bonnes manières. Elles sont sanglées dans un uniforme vert criard et des dames d'âge respectable viennent leur donner des leçons de maintien. Retenons que pour porter un toast il faut lever son verre en le tenant par le pied, le faire tourner dans le sens des aiguilles d'une montre en direction de l'assistance, tout en allant chercher le regard de chacun des convives.

    Toute l'intrigue est la répétition d'une seule séquence. La directrice et les éducatrices s'absentent pour discuter pédagogie (autour d'une nappe blanche, devant une carafe d'eau, elles parlent du bout des lèvres, menton levé, doigts noués). Alors le naturel revient au galop, les souris dansent. Réunies pour un cocktail avec les garçons de l'école hôtelière, les filles gueulent, boivent et rotent, s'endiablent jusqu'à rouler par terre (voir la Kermesse de Rubens - ou Joardens, ou Hals). Bientôt la caméra presque subjective suit le retour de la directrice à travers les escaliers et les couloirs. L'instant où la porte va s'ouvrir sur le désordre à son comble marque la fin de l'épisode (ou l'heure de la pub).

  • 4/4/4

    Pas du tout obsédé de métrique, mais je me fais alors la réflexion (pour plus tard) qu'un des alexandrins que j'aime le plus est en 4-4-4 (Mallarmé, Don du Poème) :

    O la berceuse, avec ta fille et l'innocence

  • Les Noces de Figaro

    Au Théâtre des Champs-Elysées.

    (Allez-y, encore cinq représentations et c'est vraiment bien).

    [PS : souvent déçu par les représentations des opéras de Mozart parce que paradoxalement il manque à la scène ce qui existe de façon éclatante au disque : le théâtre. La beauté et l'émotion individuelles ne parviennent pas à lier les personnages ensemble ; les morceaux se succèdent isolément en dépit de l'intrigue.

    Ce soir au contraire, pour moi, à partir du début du deuxième acte, la romance chantée gorge serrée par Chérubin (il faut tendre l'oreille pour l'entendre) fait naître une émotion qui passe au-delà. Elle remplit d'un (tendre) sentiment d'intimité ambiguë le décor de la chambre fermée. Elle enflamme la tristesse majestueuse qui l'avait précédée. Elle explique la complicité qui unira désormais Suzanne et sa maîtresse (notamment pendant tout l'extraordinaire finale de l'acte et jusqu'au travestissement de l'acte IV). Elle touche au cœur la Comtesse, qui s'y abandonne. Et l'instant d'abandon restera vivant dans le souvenir tout au long de l'opéra et sera présent dans la clémence finale (rivière cachée, source nocturne) :
              Piu docile io sono, e dico di sì
    (de quoi sommes-nous donc coupables pour chanter - ou recevoir - pardon si sublime ?)]

  • Mahler

    Au Musée d'Orsay, transcription par Singer de la Cinquième de Mahler pour piano à quatre mains.

    Promenade inédite dans un paysage trop connu (avec comme une ombre éclatante le souvenir de l'orchestre absent). Quelquefois ça ne marche pas : les fortissimi tombent à plat, des contrastes manquent et le jeu des timbres. Ailleurs l'ombre s'efface : les fugues du Finale et surtout, d'un bout à l'autre, le Scherzo (dont, sous une lumière nouvelle, le beau passage avec pizzicati). Autre intérêt : entendre l'Adagietto sans les harpes.

    (Par ailleurs, si quelqu'un parmi mes (3?) lecteurs a l'oreille du responsable de l'auditorium d'Orsay pourra-t-il lui faire entendre que le bel aménagement acoustique de panneaux de bois, de caissons et de parois absorbantes est plus qu'un peu gâché par le sifflement continuel des projecteurs électriques ?)

  • Un souvenir lointain

    La première fois que je suis venu ici, ça devait être il y a plus de vingt-cinq ans. Je me rappelle avoir été fasciné par le paysage tout au bout du Grand Canal. Une pelouse en pente, au fond de la perspective, encadrée par des peupliers d'Italie, sous un horizon et un ciel aussi élémentaires qu'une toile peinte. Pour un enfant de huit ans, le Parc avait des proportions gigantesques comme si le canal s'étendait à travers des contrées inexplorées, cachées par les grands arbres, et se terminait dans une province étrange, très très loin, en même temps inconnue et visible. Il y avait un chemin d'ici à là-bas, au moins une ligne droite comme le regard au-dessus de l'eau. Et je comprenais déjà sans doute que l'extraordinaire de cette région ne venait pas de « caractéristiques ignorées de son sol, de son air ou de son organisation », mais simplement de la distance. Que j'aimais non pas le pays lointain, mais le pays dans l'éloignement. (Ce souvenir est peut-être une invention, rêvée plus tard, maintenant indiscernable, aussi éloignée dans le temps que cette région paraissait dans l'espace.)

  • Le comble du pédantisme, c'est moi

    Exposition Girodet, au Louvre (oui c'était avec le Vrai Parisien).

    Dans une nouvelle de Balzac, le sculpteur Sarrasine aime à en mourir une chanteuse d'opéra. Avant qu'elle ne disparaisse (sans cesser d'être là), il a reproduit ses traits dans une statue dont Girodet s'inspire pour le Sommeil d'Endymion (si j'ai bonne mémoire).

    Dans l'Education sentimentale, le peintre Pellerin fait le portrait de Rosanette. Mais il ne parvient à se faire payer ni par Arnoux, ni par Frédéric. De dépit il transforme son portrait en caricature. L'histoire est peut-être inspirée du Mademoiselle Lange en Danaé de Girodet.

    Un des modèles d'Octave (dans Armance de Stendhal), dont le mariage n'est pas un succès, est paraît-il Girodet.

    Stendhal (encore lui) proposait le Déluge de Girodet comme un exemple d'énergie en peinture dont la fréquentation réformerait le goût trop délicat des parisiens (où ? dans l'Histoire de la peinture en Italie ?)

    (et Ossian, Virgile, Racine, Chateaubriand.)

    Ai-je seulement regardé les tableaux ?

  • The cobweb, de Minnelli

    Au cinéma, the Cobweb de Minnelli (non, ce n'était pas avec Zvezdo).

    Je confirme le diagnostic : confusion entre la clinique et le monde extérieur (même décor) ; confusion entre la vie professionnelle et la vie familiale et intime (fils, père, mère, épouse, maîtresse à l'hôpital et à la maison : qui habite où ?) ; confusion entre les médecins et les patients (voir dans les premières scènes l'ambiguïté sur la place du personnage joué par Lauren Bacall) : oui tout le monde est fou et les fous les plus méchants ne sont pas ceux qui se font soigner.

    Mention spéciale à Lilian Gish, certes, mais aussi à la grande Gloria Grahame dans un rôle antipathique de bourgeoise, intelligente et superficielle, une femme qui se noie.

    Déjà vues chez Minnelli, ces scènes culminantes (grand décor en plateau survolé par la caméra) qui forment paysage mental : ici la police draguant l'étang à la recherche du corps du « fils », artiste, malade, fugitif. Pendant que le « père » médecin va et vient dans le désordre de la nuit, montant et descendant, un phare orange panique clignote sur les eaux noires.