Au Théâtre des Champs-Elysées.
(Allez-y, encore cinq représentations et c'est vraiment bien).
[PS : souvent déçu par les représentations des opéras de Mozart parce que paradoxalement il manque à la scène ce qui existe de façon éclatante au disque : le théâtre. La beauté et l'émotion individuelles ne parviennent pas à lier les personnages ensemble ; les morceaux se succèdent isolément en dépit de l'intrigue.
Ce soir au contraire, pour moi, à partir du début du deuxième acte, la romance chantée gorge serrée par Chérubin (il faut tendre l'oreille pour l'entendre) fait naître une émotion qui passe au-delà. Elle remplit d'un (tendre) sentiment d'intimité ambiguë le décor de la chambre fermée. Elle enflamme la tristesse majestueuse qui l'avait précédée. Elle explique la complicité qui unira désormais Suzanne et sa maîtresse (notamment pendant tout l'extraordinaire finale de l'acte et jusqu'au travestissement de l'acte IV). Elle touche au cœur la Comtesse, qui s'y abandonne. Et l'instant d'abandon restera vivant dans le souvenir tout au long de l'opéra et sera présent dans la clémence finale (rivière cachée, source nocturne) :
Piu docile io sono, e dico di sì
(de quoi sommes-nous donc coupables pour chanter - ou recevoir - pardon si sublime ?)]