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Refermés - Page 34

  • The Victim

    The Victim, de Bellow.

    Leventhal travaille pour un modeste magazine à New York. L'été est étouffant. Il est seul. Sa femme passe quelques semaines chez sa mère. Deux événements désagréables viennent alors perturber sa solitude. Son neveu est gravement malade et, en l'absence du frère de Leventhal, sa belle-soeur fait appel à lui. Et puis, un soir : une espèce de clochard le prend à partie. L'homme se fait reconnaître ; c'est une vague et ancienne relation, un certain Allbee.  Pendant plusieurs jours, Allbee continue de harceler Leventhal ; expliquant qu'il le rend responsable de son licenciement et des malheurs qui ont suivi, incluant dans ses griefs la mort accidentelle d'une épouse bien-aimée... Il y a des années, alors que Leventhal cherchait du travail, Allbee l'avait recommandé auprès de son patron, Rudiger. L'entretien s'était mal fini ; Leventhal s'était emporté. Ce fut tout.

    L'incident d'alors et l'accusation présente sont sans proportion mais Leventhal se laisse peu à peu gagner. Il finit par accueillir Allbee chez lui (alors que le type est odieux, ivrogne, antisémite : l'antisémitisme joue un rôle à rebours dans l'accusation ; Allbee prétend que Leventhal  aurait voulu se venger d'une remarque désobligeante en provoquant volontairement un esclandre chez Rudiger).

    Leventhal est troublé par un sentiment de culpabilité diffus, une forme de compassion, une paranoïa qui l'empêche d'écouter les conseils de ses amis et de juger à leur juste valeur les exigences d'Allbee. Mieux il est près de voir dans Allbee une forme de double qui le renvoie aux années où il connut lui-même la pauvreté et l'abandon. La mort de son neveu et le chagrin de sa belle-soeur qu'il imagine hostile renforcent l'impression d'accablement et d'exclusion. C'est dans la description de ce sourd sentiment que le roman est le plus impressionnant : s'y confondent le souffle d'un appel, les mauvais sommeils, une douleur physique (avec la fièvre et la torpeur de la saison), la crainte de la folie... (La ville provoque une richesse de sensations sans suite ni raison, éclats et sons qui fixent dans le présent et le réel le vertige de Leventhal. Un soir, une guitare : from the tavern across the way came the slow notes of a guitar, the lighter carried away, the deeper repeated tranquilly. Ou bien le bruit d'une caisse au restaurant : The musical crash fo the check machine filled their ears as they waited their turn at the cashier's dazzling cage.)

  • Pétersbourg

    Au deux-tiers du livre de Biély, Pétersbourg, un sous-chapitre porte ce même titre comme s'il donnait un vision en réduction du roman tout entier.

    Le révolutionnaire Doudkine rentre chez lui. Dans l'escalier, il rencontre un inconnu qui se présente à lui sous le nom de Chichnarfé, ressortissant persan. Doudkine l'invite à entrer chez lui. Dans la chambre, ils trouvent un ami de Doudkine, Stéphane, également en train de l'attendre. Mais à leur arrivée, celui-ci ne jette pas un regard au visiteur et déguerpit malgré les prières de Doudkine qui ne veut pas se retrouver seul avec Chichnarfé. Une conversation folle commence.

    - Oui je disais que notre capitale (...) appartient au pays des phantasmes. On n'a pas l'habitude d'en parler dans les guides et même le Baedeker est muet sur ce point. Le provincial qui n'est pas au courant n'aperçoit que l'administration visible : il n'a pas de passeport pour le Pétersbourg des ombres... (...)
    La silhouette qui se découpait sur la fenêtre perdait de sa consistance. Ce n'était plus qu'une feuille de papier noir collée dans le cadre de la fenêtre. Mais la voix semblait provenir du milieu du carré de la chambre et Doudkine avait l'impression que cette voix se déplaçait peu à peu de la fenêtre vers lui, qu'elle était devenue un centre autonome et invisible (...)
    - La biologie des ombres n'est pas encore étudiée ; on ne comprend pas encore leurs exigences. Elles pénètrent dans le corps sous la forme de bacilles avec l'eau que vous ingurgitez...(...)
    - Vous aurez beau adresser des plaintes au monde visible, on ne leur donnera pas suite, comme à toutes les plaintes d'ailleurs... Le tragique, c'est que nous appartenons au monde invisible, au monde des ombres...
    - Ce monde existe-t-il ? cria Doudkine, tout en s'apprêtant à bondir hors de la mansarde et à enfermer le visiteur, qui devenait de plus en plus subtil. L'homme qui était entré tout à l'heure possédait les trois dimensions. Il s'était appuyé à la fenêtre et il était devenu une simple silhouette (à deux dimensions), puis une fine couche de suie, comme le noir de fumée qui file de la lampe, et maintenant cette suie noire venait de se consummer en une cendre qui brillait sous la lune et cette cendre s'envolait ; déjà il n'y avait plus de silhouette ; la matière s'était dissoute et il ne restait plus qu'une substance sonore qui caquetait sans fin, on ne savait d'où... Doudkine eut l'impression que ça caquetait au fond de lui-même. (...)
    (Il voulut crier) mais il ne le put car ce n'était plus lui, mais sa gorge qui cria :
    - Je viens d'apparaître au fond de votre larynx.

    (traduction J. Catteau et G. Nivat)

     

  • Sept (ou huit) fois quatre

    A la demande (peut-être pas) de l'Esprit de l'Escalier :

    Questions :
    1- Quatre livres importants de mon enfance
    2- Idem entre l'enfance et l'adolescence
    3- Quatre écrivains que je relirai
    4- Quatre livres que j'ai beaucoup aimés mais que je n'ai pas envie de relire
    5- Quatre livres bientôt lus
    6- Quatre livres à emporter sur une île déserte
    7- Les quatre dernières lignes d'un de mes livres préférés

    Réponses :
    1- Un atlas, une astronomie (et cosmogonie), l'Ile mystérieuse, le Sceptre d'Ottokar.
    2- Phèdre, les Poésies de Mallarmé, Cent ans de solitude, la Force de l'âge, de Beauvoir.
    3- Bonnefoy, Bernhard, James, Stendhal.
    4- La série des Conquérants de l'impossible, de Philippe Ebly ; les Fondation, d'Isaac Asimov ; la Fortune de Gaspard de la Comtesse de Ségur ; le catalogue d'Yvert et Tellier.
    5- Pétersbourg de Biély, les Fables de La Fontaine, Billy Budd de Melville, The victim de Bellow.
    6- Les Mémoires de Saint-Simon, A la recherche du temps perdu, der Nachsommer, l'anthologie des sagas islandaises de la Pléiade.
    7-
    Ah ! la poudre des saules qu'une aile secoue !
    Les roses des roseaux dès longtemps dévorées !
    Mon canot, toujours fixe ; et sa chaîne tirée
    Au fond de cet oeil d'eau sans bord, - à quelle boue ?

    J'aimerais lire ce que répondraient l'AmateurPassé(e) la borne, Zvezdoliki et Mumm.

  • Cité Trévise

    Il parlait avec un léger accent parisien - celui de la cité d'Hauteville et de la rue des Petits-Hôtels et aussi de la Cité Trévise, là où on entend le murmure de la fontaine dans le silence.
    (Modiano - Un pedigree)

    (Dans l'annuaire périmé, les anciens noms demeurent, sans visage et sans voix. Rues et places, elles, sont toujours là : on peut aller les vérifier ; on entendra la fontaine de la Cité Trévise).

  • Depression and sterility

    Commencé Inner workings, recueil d'articles de JM Coetzee. Il s'agit de critique. Mais, par moments, j'ai l'impression que le jeu recommence et que, sous le déguisement des écrivains qu'il commente, le personnage qu'est l'auteur entre en scène comme il le fait dans ses romans, traçant de lui-même un autoportrait travesti, ironique ou cruel (peut-être un piège tendu au lecteur naïf).

    (Par exemple, à propos de Schulz : (he) was incomparably gifted as an explorer of his own inner life, which is at the same time the recollected inner life of his childhood and his own creative workings. (...) But he was right in sensing that he would not be able to draw from this well. From somewhere he would have to renew the sources of his inspiration: the depression and sterility of the late 1930s may have stemmed precisely from a realisation that his capital was exhausted.)

  • images

    On croirait que ces images sont ce qu'il y a de plus fugace au monde, mais l'espace d'un instant, la vie tout entière se dissout en elles ; elles seules demeurent sur le chemin de notre vie dont on dirait qu'il n'a progressé que de l'une à l'autre d'entre elles...

    (Musil, cité dans Une Transaction secrète par Jaccottet).

  • Haydn, Stifter

    Je note aujourd'hui seulement quelque chose qui m'a frappé cet été à Lausanne : que le premier mouvement de la symphonie dite des "Adieux" de Haydn me rappelait le Nachsommer de Stifter, à la fois la mélancolie et la transparence de l'air en automne. (Ph Jaccottet - Observations II).

    Pas moyen de l'écouter ce soir ; le morceau n'est pas même dans la radio Haydn de Zvezdoliki.

    (Pour moi, l'ai-je déjà dit ? c'est à la musique de Bruckner que sont associés la prose monotone, grandiose et presque naïve de Stifter, ses vastes paysages et la lumière d'arrière-été qui les envahit parfois : mélancolie, transparence de l'air mais aussi royauté d'automne, tardive et mesurée, après les épreuves terminées, quand les tentures carminées se relèvent sur les maisons.)