(...) le vice-roi, qui n'avait pas d'autres possibilités de nourrir son armée que le pillage, changea d’avis, rassembla ses fantassins allemands et se rendit à Montagnana et à Este ; puis il alla au village de Bovolenta que ses soldats brûlèrent, avec toutes les magnifiques villas qui se trouvaient dans les environs, après s’être emparés de nombreuses têtes de bétail. De Bovolenta, poussé par la convoitise du butin, et encouragé parce que les fantassins des Vénitiens étaient répartis entre Padoue et Trévise qu’ils gardaient, le vice-roi (…) décida de s’approcher de Venise. C’est pourquoi ils franchirent le Bacchiglione, pillèrent Pieve di Sacco – bourg riche et populeux –, allèrent à Mestre et, de là, poussèrent jusqu’à Marghera, sise sur les eaux amères : là, afin de rendre plus illustre la mémoire de leur expédition, ils firent tirer dix grosses pièces d’artillerie sur Venise, et les boulets atteignirent le monastère de l’église [de San] Secondo.
(…) Mais à Venise, d’où les habitants voyaient tout le pays fumer le jour et brûler la nuit, à cause des incendies de leurs villages et de leurs villas et où ils entendaient, à l’intérieur de leurs propres demeures et maisons, le tonnerre de l’artillerie ennemie, qui n’avait été mise en batterie que pour montrer plus clairement leur déshonneur, les esprits de tous les hommes étaient bouleversés par la douleur et une grande indignation, car il semblait à chacun démesurément âpre de voir un tel changement de fortune (…)
(Guichardin, Histoire d’Italie – trad. JL Fournel et JC Zancarini)