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Noms de musiciens - Page 10

  • Mahler

    Salle Pleyel.

     

    La salle n’est pas bien pleine. La direction a fermé le deuxième balcon et les billets correspondants sont renvoyés à l’orchestre. Cela ne va pas sans récriminations ; les habitués rechignent aux instructions de l’ouvreur : – Vous serez mieux là.– Qu’est-ce que vous en savez ? Vous êtes acousticien, peut-être ? – Ici vous êtes tous en première catégorie. Je vous ferai remarquer que les places au second sont de 2ème, 3ème et 4ème catégories. – Et alors ? Si on préfère être là-haut ?

     

    Le replacement permet de constater qu’il y a effectivement un écho de ce côté de la salle (surtout sensible dans les épisodes ornithologiques d’ un Sourire de Messiaen où les vocalises inspirées d’un oiseau africain se trouvent confusément dédoublées). Ici on entend également les chuintements du chef qui chantonne ou qui souffle ses indications : dans le finale de la neuvième de Mahler, il lance aux seconds violons, leur demandant peut-être d’enfler davantage encore leurs eaux déjà lourdes de nostalgie,  Weh ! (A moins que ce soit le début d’un Vergeh’ ! que la musique complète). Il est sans doute tentant de former des mots sur les syllabes de cette grande voix. Mais les paroles sont ravalées par le flux plus sensible, plus fort ou plus silencieux de la musique.  (Ainsi la flûte rapide, blessée et qui ne veut pas se taire qu’on entend à la fin du premier mouvement).

  • Charpentier, Rameau

    Salle Pleyel.

    Ainsi isolés, hors du théâtre, je ne sais pas si les airs de Médée et de Phèdre donnaient toute leur mesure. Certes Médée invoquait, comme il convient, d’une voix blanche les noires divinités infernales. (Mais l’effet a été un peu gâché – peut-être ai-je mal entendu – quand, au lieu d’ "affreuses prisons", elle leur demanda de sortir de leurs "funestes affronts"). Quant à Phèdre, ses deux airs étaient séparés par des extraits des Fêtes d’Hébé, voluptueuses et sans remords. (C’est finalement cet intermède que j’ai préféré pour ses danses lumineuses et l’air d’Iphyse, avec la couleur chaude que lui donnaient l’orchestre et l’imparfait : "il chantait…")

  • Mozart, Chostakovitch, Webern, Brahms.

    Pièces pour violon et piano, au Théâtre des Champs-Elysées.

    La sonate opus 108 de Brahms, qui clôt le concert avant les rappels, laisse la meilleure impression : fluide, la musique semble respirer librement (mais je l'entends pour la première fois et j'ai tendance à apprécier certains morceaux de Brahms en proportion inverse du nombre de fois où je les écoute). Avant elle, en un préambule étrangement enchaîné, la pièce de Webern est inaudible non pas en elle-même, sans doute, mais parce que la salle refuse de lui prêter l'attention nécessaire (elle est si brève).

    Je suis venu pour la sonate de Chostakovitch, en première partie. Après le mouvement initial, auscultatoire, qui semble hésiter entre l'ironie et le chant, le deuxième mouvement cède à la rage (le violoniste a changé son archet), martelant une rengaine. Rien ne semble devoir survivre à cette violence : le public commence à applaudir. La musique reprend : l'instrumentiste est penché sur son violon et, fatigué sans doute de la vitesse et des enchaînements, il égrène un thème lentement, note après note, en pinçant les cordes.

     

  • Beethoven, Stravinski, Schubert

    Au théâtre des Champs-Elysées

    (Quintette pour cordes de Schubert. Sans affliction et sans les signes du deuil, le quintette ferait pourtant une parfaite musique de funérailles. Dans l’adagio, on se réveille au paradis : la lumière règne, immobile, constatée par les interjections du violon et les cordes pincées du violoncelle.  Quand l'épisode central, animé, aux accents passionnés, succède à la paix élyséenne, il semble non pas un retour aux vicissitudes terrestres mais leur expression remémorée et posthume : c'est le souvenir d'épreuves terminées et de désirs anciens, que la clarté future illumine obliquement. Un peu de leur agitation passe néanmoins dans le séjour céleste, colorant de nostalgie la reprise du premier thème.)

  • Haydn, Bruckner

    Au théâtre des Champs-Elysées.

    (Dans la symphonie de Bruckner,  l'interprétation est impressionnante de clarté, que la disposition particulière de la salle accentue sans doute encore (il y a un bonheur pour l'oreille dans cette lumière, comme il y a un plaisir de l'oeil dans la simple transparence de l'air). La musique semble jouer à juxtaposer les masses sonores, tranchées net, qui cessent sans laisser de halo sensible ; et tel épisode tonitruant passe sans déranger un motif sous-jacent, mince et obstiné,  qu'il avait dissimulé et qui réapparaît intact après lui : demandant comment des phénomènes d'un volume pareil peuvent avoir lieu et occuper tout l'espace et n'être rien l'instant d'après.)

  • Bach

    Au théâtre des Champs-Elysées.

    Passion selon Jean. "Es ist vollbracht" : l'air fameux de l'alto suit et reprend la dernière parole, selon l'Évangile, de Jésus qui meurt sur la croix. Le chant résume la contradiction du drame, alternant sans qu'ils s'annulent les deux sentiments du témoin : tristesse profonde de la compassion et satisfaction triomphante devant l'événement compris comme l'accomplissement des prophéties. (Dans ce récit doublement inéluctable - non seulement tout cela est connu et a déjà eu lieu, mais, en ayant lieu, a été la réalisation de ce qui avait été prévu - un commentaire, pendant le procès, résonne étrangement "Dès ce moment, Pilate cherchait à le relâcher".)

  • Chostakovitch, Dvorak

    Salle Pleyel.

    Les concerts en deux parties, un concerto suivi d'une symphonie, ont souvent ceci de déprimant que l'orchestre semble maîtriser beaucoup mieux la seconde que la première (au soliste de se débrouiller !).

    (C'était l'occasion de se faire une meilleure idée de la Symphonie "Du nouveau monde" (bien qu'elle fasse partie des oeuvres qu'on a entendues avant de les avoir écoutées). Tous ces thèmes charmants, aux bois, ne seraient-ils pas mieux servis sans sauce symphonique, sans le son de grand orchestre, cordes indiscrètes, cuivres bruyants et roulements de timbales ?).