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Noms de musiciens - Page 14

  • Mahler

    Au Théâtre des Champs-Elysées. La neuvième Symphonie de Mahler, à nouveau.

    (On fera une fois encore le voyage. Un battement, d'un pied sur l'autre, lance la marche. Le pas bâtit le chemin ; le coup de rame fait naître l'eau ; partir souffle ; aller trace un sillage. Les remous se propagent de part et d'autre et vont scintiller loin. Le feuillage des rives tremble. La route creuse l'espace. Le pays s'étage : s'entassent dans le reflet arbres, prairies, collines, étés, mémoire, ciels... alors que, comme on rentre en soi, se retournant, l'eau noire sourdement battue, aveugle, bouchée de toute part, dresse à l'envers ses profondeurs vides.)

  • Chostakovitch, Sibelius

    Avery Fisher Hall, le 12 avril.

    J'ai rarement assisté à un concert où le public manifeste aussi peu d'intérêt. Les applaudissements qui suivent le premier concerto pour violon de Chostakovitch ne suffisent pas à faire rejouer le soliste, malgré les efforts d'un homme au premier rang (il s'est mis debout dès la fin et tente, en se retournant, de communiquer son enthousiasme ; quelques-uns l'imitent mais peut-être se lèvent-ils pour être les premiers à rejoindre la buvette. Difficile de juger : je suis assis tout en haut de la salle. La musique était moins présente que la toux de l'assistance et la performance lointaine ressemblait à une lampe oubliée, restée allumée et qui empêche de dormir). Dans la seconde partie, les suffrages sont encore plus maigres. Pour conjurer sans doute la fin en suspens de la sixième symphonie de Sibelius, le programme y accole Tapiola. Sans succès. La salle commence à se vider bien avant la scène. (Cette fois-ci, je suis assis en bas, tout près, mais la symphonie est jouée sans entrain, décomposée.)

  • Lully, Haendel, Marais, Rameau

    Au théâtre des Champs-Elysées.

    Comme si la musique ne suffisait pas, dans les suites de Rameau et de Marais, quand le vent parle un peu haut, le tambour, désoeuvré, souffle dans ses mains et imite les bourrasques : pffff ! pffff !

    L'accalmie succède à la tempête. Les vents retenant leur haleine laissent paisiblement aborder les vaisseaux ; on arrive dans un pré / Tout bordé de ruisseau, de fleurs tout diapré / Séjour du frais, véritable patrie / Des zéphyrs. Les flûtes cessent de contrefaire les éléments et jouent des airs de danse ou dansent.

    Pendant les rappels, le chef se tourne à-demi vers le public et lui fait marquer le rythme en battant des mains.

  • Mahler

    A la Salle Pleyel.

    Le meilleur moment, ç'a été après un petit quart d'heure, quand tout l'orchestre, au bout d'un assaut de la grande marche funèbre, est pris d'une crise de bégaiement titanesque ; la centaine d'instruments frappe à l'unisson les mêmes syllabes ; le chef retient longtemps et avec autorité l'éternuement cosmique, magnifiant la tension entre la musique déjà écrite et la musique en train de se faire... et puis la pression retombe, le fil se perd (Il y aura d'autres tentatives de ce genre, moins réussies ; comme ce grand crescendo de percussions dans le finale, qui nuit à la progression du drame).

    (Mais les sonorités étaient splendides et, en certains passages heureux, la musique, ralentie et voilée, s'éloignait et laissait le temps de rêver aux violons vibrant derrière les collines).

  • Rameau

    A la salle Pleyel, une version de concert de Castor et Pollux de Rameau.

    Une prochaine fois, ne pas se fier au programme, apporter le livret ; le sur-tritrage est en panne. A certains endroits, le talent des chanteurs et la rime et la pauvreté de la langue classique suffisent ; je ne perds pas un mot des touchantes retrouvailles de Castor et Pollux aux enfers :

              O moment de tendresse !
              O moments les plus doux !
              O mon frère est-ce vous ?

    A d'autres, ma compréhension est rudimentaire. Les protagonistes sont souvent relégués sur les bords du spectacle (l'orchestre est au centre du plateau) ; les grands épisodes de musique de danse ou de cérémonie s'imposent et, sans le secours de la mise en scène, sont quelquefois difficiles à fondre dans l'action. Ce n'est pas le cas au troisième acte quand Pollux se tient devant l'Olympe entrouvert qui tente de le séduire et le dissuade de prendre la place de son frère mort. Le récitatif noble de Pollux qui renonce à l'immortalité fait face aux enchantements des Plaisirs ; mais leur séduction paraît lointaine, épurée, comme si la musique traduisait le sentiment du héros qui, en les entendant, sait déjà qu'il ne succombera pas à la tentation. (Dans le même esprit, la joie ternie, le très bel accompagnement voilé des cordes, dans l'air de Castor, rétif à l'apaisement que promet l'éternelle paix des Champs-Elysées.)

  • Couperin, Rameau, Campra

    Concert à la Cité de la Musique.

    La disposition de la salle des concerts de la Cité de la Musique est (pour moi) inédite. La scène est installée dans le petit axe de l'ellipse. A sa place on a monté (avec quelles machines ?) un nouveau balcon qui ferme le niveau supérieur (l'étage fait maintenant le tour du plateau comme dans une arène).

    Au centre, le motet de Couperin est également, à sa façon, une surprise, commençant par deux voix aiguës sans accompagnement. Les instruments se joignent à elles, ajoutent leurs pépiements, tracent et peuplent aussi, haut perchés, l'espèce de volière.

    Après l'entracte, le requiem de Campra est une œuvre sobre, confiante, jouée sans terreur et sans emphase. Il y a une belle simplicité dans la manière dont les solistes, quand ils ont fini, rentrent dans le chœur et, après quelques instants, se remettent à chanter à cette place et dans ce rôle.

    Mais c'est le motet de Rameau In convertendo (donné en fin de première partie) qui m'a fait la plus forte impression. L'orchestre est très expressif ; les vents se distinguent et apportent des couleurs qui semblent valoir aussi pour elles-mêmes. Il y a une grande variété dans la façon dont les voix des solistes sont regroupées et opposées. Le chœur final surtout est bouleversant dans son parcours, douleur et joie, assemblant ou divisant ses forces (il faudrait réécouter !).

  • Nono et alii

    A la Cité de la Musique.

    Un concert sur deux niveaux dans la salle des concerts de la Cité de la Musique : l'Orchestre de Lyon est sur la scène et joue des oeuvres de Luigi Nono ; l'ensemble la Fenice est placé dans les tribunes au-dessus (Cornets, trombones) ou bien aux deux extrémités des balcons latéraux (Orgues positifs) : et joue à la suite des courtes pièces de compositeurs italiens du XVIIème siècle.

    Tout cela compose un théâtre improbable mais non discordant : le contexte, les sonorités diffèrent complètement (en haut un petit nombre homogène, le souffle voilé et imprécis des cuivres naturels ; en bas l'addition de dizaines de lignes écrites, une grande masse fouillée, du silence aux forte) ; cependant (au moins dans la première partie) quelque chose unit ces deux musiques : quoi ? un chant, une paradoxale séduction sonore ? L'Italie...