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Noms de musiciens - Page 13

  • Berlioz

    Roméo et Juliette, de Berlioz, à l'opéra Bastille.

    Beaucoup distrait (ou plutôt dérangé) pendant ce spectacle, au point d'avoir l'impression de n'y avoir assisté que de loin (malgré les belles lueurs devinées). Dans l'ouverture, un écho gêne les sonneries des cuivres.  Le public est bruyant (je pense d'abord que les sauts et les chutes des danseurs l'encouragent, mais il semblerait au contraire que ce soit l'orchestre qui donne le signal de la toux ; quand l'un s'arrête, l'autre aussi). Le ballet m'ennuie (sauf les mimes, pendant la scène du bal, ou ensuite dans le désordre du scherzo ;  mais j'imagine que ce ne sont pas là les figures les plus essentielles de la danse). La forme elle-même de l'oeuvre me décourage : après avoir réduit et dilaté le drame à ses élément cruciaux (la rencontre, la déclaration, la mort), l'auteur a adjoint un prologue (en forme de commentaire chanté) et un épilogue (une scène sentencieuse de réconciliation publique).

  • Ligeti, Pablo, Jolas, Messiaen

    Salle Pleyel. 

    "Carte blanche à Henri Dutilleux" : c’est le musicien qui a choisi le programme ; il est assis au parterre et vient saluer à la fin, entraînés par les deux compositeurs présents. C’est lui également qui a insisté pour que la pièce de Betsy Jolas soit donnée deux fois. "Car les ouvrages de notre temps sont très désavantagés par rapport à ceux du répertoire et, dans leur cas, il est bien rare que le public ait dans l’oreille ce qu’il va entendre". Entre les deux exécutions, Betsy Jolas  vient remercier le maître et présenter le morceau redoublé. L’air de concert est tiré son opéra Schliemann. La suite (dont il constitue également un extrait) n’a pas servi à de prospectus à l’opéra avant sa création, comme c’est la coutume, mais elle permet a posteriori d’en faire entendre à nouveau la musique (thème obsédant de la soirée). On y reconnaît deux leitmotive (non, pas davantage) : le bruit du vapeur et le motif d’Hélène (la musicienne trace en l’air une espèce de chapiteau de cirque : mouvements, ascendant et descendant, en deux sections disjointes). Il y a encore quelque chose du Farben de l’opus 16 de Schönberg. Le livret vient d’une pièce de théâtre. L’auteur y a trouvé toutes les figures qui "font" le genre :  air des bijoux , duo d’amour et ensemble mozartien.  La scène est au large de l’Asie mineure, sur le pont du navire. Il fait nuit. L’épouse grecque de l’archéologue chante alors que celui-ci s’endort la tête sur ses genoux. A côté d’eux, une grosse caisse (non j’ai lu le programme trop vite : il s’agit d’une grande caisse) contient les bijoux mis au jour dans les ruines de Troie.

    (La musique est belle mais il manque quelque chose qui marquerait la mémoire ; ni le personnage ni le texte ne font forte impression et ne retiennent la fugitive. Il est en revanche difficile d’oublier Lontano, donné en ouverture, quand on l’a entendu une fois.)

  • Bach

    Concert Johann Christoph Bach et Johann Sebastian Bach à la Cité de la Musique.

    (Johann Christoph Bach (1642-1703) était un cousin du père de Johann Sebastian. En écoutant les oeuvres réunies, toutes à dominante funèbre, du premier puis du second, on avait l'impression de constater les progrès d'une secte doloriste devenue religion officielle, passant de l'artisanat réservé aux délices d'un cercle pieux au grand art nécessaire aux pompes d'une cour.)

  • Bruckner

    Salle Pleyel, Huitième de Bruckner.

    Faute de la beauté des sonorités (ces effets de lumière voilée, d'éclaircie, de foudre), restait le dynamisme des répétitions, juxtapositions, additions de motifs : longues phrases d'ascension propulsées par un ostinato ; crescendos couronnés par une chape de cuivres tonitruants ; effondrements soudain laissant à découvert une flûte ou un hautbois seuls. (J'admire la capacité de l'orchestre à ne pas se perdre dans ces abîmes brutalement découverts : faisant naître la vague d'après à travers l'écroulement de la précédente).

  • Zuidam, Berg, Reger

    A la Cité de la musique

    La première œuvre au programme a quelque chose de familier ou de banal ; ça pourrait être le mouvement lent d'une symphonie, avec les épisodes standard, à cette différence près que le tout est plongé dans la mélasse. Avec de grands effort grippés, les lignes se rassemblent, le crescendo est mené à son point culminant, un coup de cymbales retentit au sommet, le calme se fait à nouveau dans les profondeurs. (Mais il s'agit d'une mélasse absolument transparente, qui ne nuit pas à la clarté des timbres et à la précision du grand orchestre massé sur la scène).

    Passée cette ouverture, une chanteuse se faufile difficilement au premier rang, ne lâchant pas sa partition. Les trois pièces extraites de Wozzeck commencent avec beaucoup de douceur. Une grosse marche militaire vient déranger le crépuscule. On n’entend guère Marie dans ce vacarme (elle est pourtant censée chanter à tue-tête) ; on l’entend à peine davantage quand elle ferme d’un coup la fenêtre qui donne sur la rue où passe la parade et qu’elle  fredonne sa berceuse. Faute des paroles du drame, il reste la musique. (Mais sa beauté et son raffinement n’ôte pas complètement l’impression de confinement ; l’effectif et les moyens d’une symphonie de Mahler ont été enfermés dans de courtes scènes étroitement cloisonnées).

    Après l’entracte, on passe au deuxième opéra de Berg (celui que je préfère) avec la cantate der Wein qui prépare la couleur et les thèmes de Lulu (la sonorité du saxophone, l’imbrication d’une musique froide ou prosaïque et d’un lyrisme soudain, terrassé par les coups de butoir.) Le concert se conclut par quatre pièces orchestrales de Reger inspirées de tableaux de Böcklin qui, après cela, sonnent absolument creux (sauf le charme qu’il peut y avoir à se souvenir d’un film de Civeyrac, qui utilisait la première de ces pièces.)

  • Dayer, Fedele, Kurtag

    A la Cité de la Musique.

    La première oeuvre permet d'écouter des extraits des Lettres portugaises (que je croyais être de Guilleragues mais qu'ici on attribue à une religieuse portugaise, Marianna Alcoforado). Il devait y avoir, selon le programme, encore un poème de Pessoa en anglais mais je ne l'ai pas entendu.

    La seconde met en place un décor impressionnant : une fanfare s'arrange en demi-cercle sur la scène ; les instruments sont disposés à peu près en miroir jusqu'aux extrémités que commandent deux trompettes se faisant face. Autour d'eux, un dispositif électronique crée un deuxième espace, plus grand et plus incertain, traversé par d'autres événements sonores. Exilés dans le vaste paysage, les cuivrent inaugurent lentement un palais désert, pavé de métal, fait d'arches et de symétries.

    La deuxième partie nous ramène chez les hommes avec les Messages de feu Mademoiselle R.V. Troussova de Kurtag. La pièce est composée d'une suite de courts poème de Rimma Dalos. Un ensemble d'instruments pincés, frappés, frottés, etc. habillent et prolongent la voix de la chanteuse, parlant la même langue. L'oeuvre commence par une phase de solitude, interrompue par un coït furieux (une chanson sauvage met l'interprète à rude épreuve, car :)
            Pourquoi ne pousserais-je pas des cris de cochon
            Quand autour de moi tout le monde grogne
    et se termine par une longue traîne de fragments amers. La musique est aussi brève que la parole ; peu de mots consument toutes ses forces. Chaque silence arrête, comme un cri, une épitaphe provisoire.

  • Mozart, Chostakovitch

    Salle Pleyel. (un programme Mozart - Chostakovitch en retard des célébrations de l'année dernière, 1756-1906-2006 ?)

    Discours sur l'état de la Russie, la treizième symphonie convoque une basse et un choeur qui semblent sortir de Boris Godounov pour mettre en scène, une fois encore, le peuple russe et son malheur. La musique porte le drame, avec son ambivalence : les tutti écrasants du premier mouvement et leur grandiloquence, faut-il les comprendre comme un cri de révolte, une dénonciation véhémente de la haine, ou comme une représentation du mal lui-même ? Après les sarcasmes du deuxième mouvement, l'atmosphère ne change pas mais la voix devient plus personnelle, annonçant la quatorzième symphonie (où les poème d'actualité d'Evtouchenko seront remplacés par des textes empruntés à la littérature universelle, donnés par deux chanteurs). Le jeu des timbres fait d'abord connaître la grisaille et l'amertume de la vie quotidienne puis le grondement de la peur (tuba et bourdonnement de timbales). Mais dans le finale, on entend une ritournelle narquoise : n'est-ce pas l'auteur lui-même ? il est perché dans son art, il échappe à ses persécuteurs, il règne dans sa propre lumière (une constellation : avec le célesta, les cloches, le motif du mouvement initial revient comme une citation.)