A la Cité de la musique.
La première œuvre au programme a quelque chose de familier ou de banal ; ça pourrait être le mouvement lent d'une symphonie, avec les épisodes standard, à cette différence près que le tout est plongé dans la mélasse. Avec de grands effort grippés, les lignes se rassemblent, le crescendo est mené à son point culminant, un coup de cymbales retentit au sommet, le calme se fait à nouveau dans les profondeurs. (Mais il s'agit d'une mélasse absolument transparente, qui ne nuit pas à la clarté des timbres et à la précision du grand orchestre massé sur la scène).
Passée cette ouverture, une chanteuse se faufile difficilement au premier rang, ne lâchant pas sa partition. Les trois pièces extraites de Wozzeck commencent avec beaucoup de douceur. Une grosse marche militaire vient déranger le crépuscule. On n’entend guère Marie dans ce vacarme (elle est pourtant censée chanter à tue-tête) ; on l’entend à peine davantage quand elle ferme d’un coup la fenêtre qui donne sur la rue où passe la parade et qu’elle fredonne sa berceuse. Faute des paroles du drame, il reste la musique. (Mais sa beauté et son raffinement n’ôte pas complètement l’impression de confinement ; l’effectif et les moyens d’une symphonie de Mahler ont été enfermés dans de courtes scènes étroitement cloisonnées).
Après l’entracte, on passe au deuxième opéra de Berg (celui que je préfère) avec la cantate der Wein qui prépare la couleur et les thèmes de Lulu (la sonorité du saxophone, l’imbrication d’une musique froide ou prosaïque et d’un lyrisme soudain, terrassé par les coups de butoir.) Le concert se conclut par quatre pièces orchestrales de Reger inspirées de tableaux de Böcklin qui, après cela, sonnent absolument creux (sauf le charme qu’il peut y avoir à se souvenir d’un film de Civeyrac, qui utilisait la première de ces pièces.)