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Images peintes - Page 7

  • Réveillon

    Corot, Le matin.

    Dans le langage des ateliers, on appelait "réveillon" le petit point rouge apposé par le peintre pour allumer un fond endormi. Corot, dans ses paysages, fut le maître des réveillons.
    (Jean Clair, Discours de réception à l'Académie française).

  • Portrait

    Goya, Portrait de Don Luis Maria de Cistué.

    (Les joues sont grosses, délicates et roses comme celles d’un vieil aristocrate ; elles apparaissent  trop précises contrastant avec les couleurs vibrantes de la ceinture et de l’habit. Le sérieux de l’enfance fige les traits ; le petit garçon nous regarde bien en face.
    Mais il songe tout de même à son chien ; et tend les deux mains qui tiennent la ficelle pour que l’animal aussi tourne la tête et prenne la pose : mais, au lieu de ça, le chien regarde son maître.)

  • La Mort de Saphire

    La Mort de Saphire, de Poussin.

    Saphire s'est effondrée, elle est morte, sa chair est devenue grise. Le petit groupe qui l'entoure est bouleversé, se penche sur elle, regarde vers l'apôtre dont la parole, qui vient de retentir, a suffi, semble-t-il, à la tuer. Seule à l'extrêmité gauche, une femme se détourne portant un enfant sous le bras ; elle retient encore sa compagne, l'invitant peut-être à délaisser la morte, à réserver sa compassion à d'autres. L'enfant nous regarde, suce son pouce, indifférent à l'événement.

    Saphire a menti sur le prix d'une propriété, espérant garder une partie de l'argent de la vente au lieu de le remettre à l'apôtre et à la communauté. Ses vêtements, sa parure, dénotent la richesse. Elle est la seule à porter des chaussures, elle a des rubans d'or dans les cheveux, en partie dissimulés.

    Perpendiculairement à la scène racontée, une vaste perspective monte dans la ville. De part et d'autre, les hauts bâtiments carrés semblent continuer, en y ajoutant une dimension, le dallage du premier plan. Entre eux, au-delà d'une bande grise indéterminée, il y a un bassin rempli d'eau ; puis une place, un grand escalier, une esplanade fermée sous un rocher couronné de tours. Sur cette autre rive, des figures drapées se promènent.

    L'étagement des plans place sous l'index accusateur de l'apôtre, dans l'éloignement, une scène d'aumône qui justifie la condamnation qu'il a prononcée. Une femme est allongée au bord de l'eau et tend la main ; une écuelle est posée à côté d'elle. Un homme donne d'une main et de l'autre désigne les apôtres et le petit groupe des adeptes comme la source de sa générosité.

    Un peu plus haut dans l'évangile, après la guérison d'un infirme, il est question de la pierre, que "vous, les bâtisseurs avaient dédaignée et qui est devenue la pierre d'angle". Les blocs épars autour du bassin renvoient peut-être à ces pierres rejetées. La ville opulente, au-dessus, est celle des "bâtisseurs", elle est semblable dans sa grisaille au corps mort de Saphire : à la tête brillent les fils d'or mais son visage est un masque livide et ses bras, épais et lourds, sont pleins de la pesanteur de la mort.

  • Absence

    Au musée de Rouen, Poliphile devant la reine Eleuthérilide de Lesueur.

    Poliphile agenouillé nous tourne le dos et la Reine qui le reçoit disparaît quelque peu dans l’ombre du dais qui surmonte le trône, si bien que ce n’est pas le centre de la composition, et son sujet, qui attire l’œil mais les marges : la cour féminine d'Eleuthérilide saisie, semble-t-il, par la dispute. Réparties en petits groupes, le long de la puissante architecture comme les philosophes de l’Ecole d’Athènes, les femmes tournent l’une vers l’autre leur profil engagé dans une discussion qu’animent les doigts oratoires, les gestes éloquents et les plis mouvementés des belles robes. L’une d’elle, cependant, à droite, ne participe pas à cette agitation de paroles ; elle est assise, les bras croisés dans le giron. Son regard est étrangement absent.

  • Combat de cerfs

    Le rut du printemps, de Courbet à Orsay.

    Une clairière non frayée, un ruisseau qui divague, trois cerfs occupés d'eux-mêmes. Y a-t-il dans tout le musée une oeuvre qui donne à ce point l'impression d'un monde dont l'homme est absent ? (Le spectacle aussi est étrange : la bizarre morphologie des bêtes, avec leurs "jambes de fuseaux" et leurs grands bois, les fait ressembler à d'énormes insectes, couleur d'humus ; les robes précises, les poses furieuses et rigides semblent appartenir à des animaux naturalisés : le deuxième cerf, langue pendante, est debout et mort ; le troisième brame et sa tête disparait dans son cri.)

  • Accommodations (2)

    Retable de Piero della Francesca à la Pinacothèque de la Brera.

    L'éclat de l'armure de Federico da Montefeltro ne contraste pas avec la clarté générale : ce qui se concentre là, sur le métal, selon les parois de la cuirasse, se déploie au-delà dans l'espace : conjoint au brillant du fer, à la douceur des visages de la Vierge et des archanges, aux perles de leurs coiffures ; dans la profondeur close, le grain de la lumière imprègne l'ombre légère et fait naître de la voûte pleine l'oeuf immaculé, pendu à la chaîne d'or.

  • Accommodations

    Une Madonne de Bellini, à la Pinacothèque de la Brera.

    Il s'agit d'une oeuvre de vieillesse, les traits sont gras, les contours n'ont rien de la sécheresse qu'on trouve dans les toiles plus anciennes, accrochées dans la même salle, et qui rappellent Mantegna. Les visages luisent comme mouillés par l'invisible suée de la couleur.

    Le nom du peintre est inscrit dans le paysage sur une stèle antique, un socle où un singe est perché (car l'artiste est le singe de la nature ?) ; à peu près symétriquement, un vide pour un plein, de l'autre côté de la grande figure de la Vierge à l'Enfant, il y a un passage ouvert dans un talus et qu'une planche franchit. Appuyé contre lui, un berger dort, le chapeau renfoncé, près de son maigre troupeau. Mais alors que l'oeil cherche ces détails et puis d'autres plus loin, dans la campagne peinte, au-delà, à l'horizon montagneux, l'aube point : une lumière profonde et jaune marque le bas du ciel ; elle monte et son éclat maintenant explique l'étrange luminosité de l'air et des corps.