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Images peintes - Page 3

  • Centaures

    Amours de centaures de Rubens, au musée Goulbenkian de Lisbonne.

    (On observe ici la quadruple conjonction qu’un couple de centaures implique : chaque individu (quatre jambes et deux bras) est le résultat de l’alliage entre la race chevaline et l’espèce humaine et, dans leur accouplement, l’étalon s’unit à la jument et l’homme avec la femme. A hauteur de la croupe, le mâle couvre la femelle avec une ardeur qui continue la poursuite préalable (on voit au second plan l’étape antérieure, où le centaure parvient à saisir une femme-cavale effarouchée).  Le même principe tend encore le torse mâle, avide et fauve, qui va pincer le sein de sa compagne ; mais la blanche jeunesse se retourne et replie le bras pour ceindre la tête de son époux et, serrant l’autre main, va poser sur ses lèvres le baiser de la réciprocité.)

  • Adoration

    Au musée du Louvre : Le Christ en croix adoré par deux donateurs, du Greco.

    (Ne dirait-on pas, à voir ce tableau, que chez le Greco l'âme humaine se manifeste dans le coin de l'oeil, quand le regard s'élève vers le ciel ? C'est là qu'elle réside, au point de rencontre entre la circonférence convexe du globe occulaire et le creusement concave de l'orbite, dans le renfoncement de la forte arrête nasale et du front aveugle. Ici l'humide jointure des yeux touche à la matière obscure et centripète du crâne ; l'affût éperdu de la lumière perce le dur entêtement.) 

  • Vides

    Le Cercle de la Rue Royale, de James Tissot au musée d'Orsay.

    (La Tour-Maubourg, du Lau, Ganay, Rochechouart, Vansittard, Miramon, Hottinger, Ganay, Saint-Maurice, Polignac, Gallifet, Haas : le tableau fait partie de ces oeuvres qui appellent un cartel illustré où le groupe est reproduit et chaque tête numérotée, renvoyant à un nom dans une liste adjacente. Aucun des illustres commanditaires ici portraituré ne renonce ni à son individualité ni à son quant-à-soi. Malgré les affectations de décontraction, jambes croisées, main dans la poche, cigarette à-demi consummée, lecture interrompue, rêverie, rien de vient franchir l'espace qui les sépare : ni un regard échangé, ni une épaule serrée, ni une poignée de mains. Ils se tiennent aussi solitaires dans leur écart que les colonnes de l'hôtel de Coislin.  L'image fait vide de toute part. Les noms sont des masques, les figures des blasons ; les corps élégamment vêtus et chaussés tiennent le milieu, par leur module, entre les fûts cannelés du portique et les pieds des chaises et de la table.  La végétation, réduite à peu de chose, cloison de lierre, fleurs de ficus, continue le motif du canapé et les pointes du hérisson de fer. Autre dandy, gracieusement couché, le chien  un dalmatien – fait pendant avec la feuille d'un journal tombé à terre et l'écharpe posée au premier plan.)

  • Face

    Le Reniement de saint Pierre, de Le Nain, au Louvre. 

    (Le vêtement grossier découvre la poitrine nue, que le remords va frapper, et la bouche est béante, hébétée encore par la dénégation. Le vieil homme a levé le bras ; s’il avance, ce sera comme à tâtons. Son œil décoloré ne regarde personne. Sa main cherche une diagonale incertaine entre le groupe qui le cerne et le foyer qui l’éclaire, qu’il veut fuir. Car les hommes et la lumière l’ont pris à partie. La servante, c'est la franchise même, main sur le cœur, témoigne et interroge ; le soldat solidement planté sur son bâton écoute; une dernière tête, immobile, face à nous, clôt l’espace nocturne et donne aux ténèbres un visage que les flammes font rougeoyer. Les yeux grand ouverts plongent dans les nôtres par-dessus l’épaule de la représentation. La figure est intermédiaire entre cet espace et l'autre. Son regard nous ajoute au cercle des témoins, que nous fermons.)

  • L'oiseleur

    Paysage à l'oiseleur de Rubens, au Louvre.

    (L'oiseleur a tendu son filet haut entre les arbres et, assis au pied, il attend patiemment le passage de sa proie. Il tient dans la main le long fil ou la tige qui doit servir à déclencher le piège ; où il attrapera l'oiseau noir qui s'envole peut-être tout en bas, à gauche, parmi un groupe de figures –  sinon pourquoi l'une d'elle a-t-elle levé le bras ?

    Plus sûrement, le peintre use de la couleur et, selon elle, fait monter dans son paysage le crépuscule et la brume où se prend le soleil – ou bien est-ce la lune ?). 

  • Invention de l'espace

    Dans l'exposition Fra Angelico du musée Jacquemart-André.

    (Je retrouve une vieille connaissance : le Couronnement de la Vierge des Offices. On ne se laissera pas éblouir par la suavité des couleurs ou par la naïveté du fond d’or où les rayons gravés dessinent un ostensoir. Mais y a-t-il plus bel aperçu du paradis que l'aire céleste évidée par les anges dans leur danse autour de la Mère et du Fils ? La ronde fragmentaire trace deux arabesques qui ne seraient que décoratives si elles n’étaient intimement liées à l’espace réel qu’elles définissent (hors d'eux cet espace est de pure lumière), où s’arrangent les figures tangibles, les bras et les mains ployés et le balaiement des robes. Ces êtres ne sont pas des abstractions : ailleurs dans l’exposition, on comprend que ce sont les frères idéalement éveillés d’autres corps accablés par le sommeil, encore sourds à la grâce : le pauvre homme des miracles de saint Nicolas, les apôtres endormis de l’Agonie au jardin des Oliviers.)

  • A l'aube

    La rencontre de Jacob avec Rachel et Léa ou le matin, de Claude Lorrain, en provenance du musée de l’Ermitage, dans l’exposition "Destins souverains" au château de Compiègne.

    (Une source invisible illumine les lointains et condense ensemble dans le ciel les nuages et l’aube. Au centre, un bosquet presque aussi haut que la toile coupe le paysage en deux : le golfe marin à gauche, les abords de la ville à droite encore endormie sous une énorme fabrique. Le grand arbre marque négativement la course où le soleil va s’élever et dissiper les ombres qui s’attardent au premier plan. A son pied la brune Rachel, habillée en bergère, embrasse la blonde Léa (Les couleurs sont inversées  par rapport au tableau de Cortone au Louvre, l'Alliance de Jacob et de Laban, où dans la figure de Rachel, encore inquiète de l’arrivée de son père, le peintre a donné une des plus sensibles figures de femme de toute la peinture). On a l’impression que Lorrain a réuni ici deux épisodes du récit biblique : la rencontre de Jacob avec Rachel, au bord du puits où elle vient faire boire le troupeau de son père, et la prémonition de l’aube où Jacob découvre dans sa couche Léa au lieu de Rachel, ayant été trompé par Laban qui, dans la nuit, a substitué l’aînée à la cadette.)