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  • La riboteuse

    La riboteuse de Metsu. Ou la buveuse de vin. Déjà partie. Hirsute malgré la coiffe. Bien qu’assise, elle tombe, et doit s’accouder sur la table à sa gauche. Tout penche avec elle. Le pot à vin. Le verre. La pipe. Son regard perdu regarde aussi par là, où on l’entraîne ; un peu de tristesse, une grande douceur.

  • Plâtre et fumée

    Je suis venu avec les autres. On grimpe par un système d’échelles mobiles. Celui qui me précède se débrouille mal. A un certain point, je dois m’arrêter et redescendre quelques degrés. Moi, j’ai une maîtrise remarquable de l’exercice. Je pourrais faire un schéma.

    L’ennemi triomphe. Il nous a chassé de notre pays = notre île = notre cité. Mais la résistance n’a pas dit son dernier mot. Je suis réfugié avec eux sur le continent ; on est retranché sur un haut plateau. Depuis la falaise, on surplombe l’image de l’île. Les détails ressortent comme dans un tableau : les bois, les routes, les murs et la ville au-dessus, toute une flottille sur la mer. Un navire de guerre s’engage dans le chenal. Il navigue à pleine vitesse, comme un jouet téléguidé. Si vite qu’il vient percuter une barge, sans doute un réservoir plein de pétrole. Roule jusqu’ici une boule de feu et de fumée noire.

    Il y a encore un escalier par où les assaillants pourraient venir. Des marches entre deux murets de ciment, dans les rochers. Pour bloquer le passage, les nôtres ont coulé à certains endroits bien choisis et sur plusieurs mètres, des bouchons de pierres et de plâtre.

  • Arabella 5

    Samedi soir au Châtelet, Arabella.

    Il n’y a pas d’histoire. Ils ne se sont vus que de loin ou par portrait interposé ; mais dès le départ, ça ne fait de doute ni pour A ni pour M : ils sont destinés l’un à l’autre. Après la première scène du deuxième acte, c’est plié. Accord parfait. Duo final. Alors commence la péripétie ; à la seule fin que A termine comme dans Mozart : en pardonnant.

  • Im Frühling, de Wolf

    Samedi aux Buttes Chaumont. Toute une matinée affalé dans l’herbe (tel le soldat plein de sommeil d’une Résurrection ; pendant que le soleil monte derrière moi). Le vent ne souffle pas fort ; les pique-niqueurs ne sont pas encore arrivés ; j’entends ceci :

    Ich denke dies, ich denke das
    Ich sehne mich und weiß nicht recht, nach was
    Halb ist es Lust, halb ist es Klage
    Mein Herz, o sage
    Was webst du für Erinnerung
    Im golden grüner Zweige Dämmerung
    Alte unnennbare Tage

    Goûter l’instant avec, par anticipation, le souvenir qu’on en aura.

  • Le train à Naples

    La ville de Naples vers 1860. Ou une reconstitution dans un film. C’est un moment historique : le tout premier départ d’un train pour Rome. Avec ce nouveau moyen de transport, la durée du voyage passe de plusieurs jours à quelques heures. Agitation. Cohue. Coup de sifflet. Ils sont partis ! La machine quitte les ruelles et la foule du centre ville. Elle grimpe une côte face au ciel, le dos à la mer. C’est une route pavée de pierres rondes, sans rails, entre deux murs et des cyprès au-delà. Il n’y a personne. Le Comte X et un paysan profitent de l’aubaine pour escalader la pente. L’un a attaché sa carriole et l’autre son carrosse bleu et or à l’arrière du convoi. Ils ont passé une grosse corde à un crochet de fer. L’attelage fait des bonds d’un bord à l’autre de la route.

  • La roulette chinoise, de Fassbinder

    Vendredi soir, au cinéma.

    Deux scènes :
    - le fils de l’intendante monte les bagages pendant que Monsieur et sa maîtresse se promènent dans les bois. Il est à genoux devant le lit. Il ouvre la fermeture éclair d’un sac-boudin et glisse la main sous les vêtements. Il en sort un godemiché qu’il soupèse. Un bruit ; il tourne brusquement la tête. Son visage effaré dans le miroir.
    - la gouvernante a emprunté ses béquilles à la petite fille. Elle va d’un bord à l’autre à cloche-pied dans un grande pièce vide. La radio joue radioactivity de Kraftwerk. Elle danse.

    Les domestiques jouent furtivement avec les attributs des maîtres.

  • Contes Indiens, de Mallarmé

    Un pied nu :
    O distingue sur une poudre d’étoiles, prêtes à la revêtir d’éblouissantes sandales, la nudité d’un pas.

    L’invisible danseuse spirituelle, peut-être « celle même dont nous vécûmes » :
    Non que la céleste présence ici se manifeste à l’assistance, autrement que par un miroitement de joyaux au sein vertigineux des bayadères, arrêtées soudain renversées, ainsi que le reflet d’un vol circulaire supérieur de pierrerie ou d’âme.