Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 3

  • La Femme du chef de gare, de Fassbinder

    Samedi soir au cinéma, à Beaubourg.
    (En passant sur la piazza, devant le Pot d’or, s’attacher à ne pas dire de mal de l’art contemporain. Se souvenir du Moïse de Michel-Ange, selon Freud l’expression grandiose de la maîtrise de soi. Chercher la contrepèterie.)

    Deux choses :
    - dans le salon du chef de gare, les conversations sont dérangées par les cris de l’oiseau dans sa cage, perçants, continuels. Comme les cris des enfants qui ne vont pas naître. Le beau-père a prévenu au début : « vous n’avez pas d’enfants ; vous avez l’oiseau jaune »

    - à la toute fin et pendant le générique, une scène incongrue après trois bonnes heures de grimaces et de ricanements, de bave et de bière : Bolwieser est installé comme passeur sur la rive du fleuve. Le profil de sa barque glisse au crépuscule à travers les eaux chargées de glace, dans un paysage et une lumière d’hiver. Citation sur la paix retrouvée dans la nature éternelle. Musique de l’Urlicht de Mahler.

  • Statues

    Concert dans un jardin d’ambassade. On fête les échanges culturels avec un pays d’Europe Centrale. L’orchestre joue sur le perron, ou la terrasse, de l’hôtel particulier. L’assistance déambule sur les pelouses. Le buffet est ouvert. Au milieu des musiciens, au centre, un groupe sculpté de pierre rouge, du porphyre. Trois ou quatre figures colossales assises. Pieds croisés sous les grands plis de leur robe. Nuques ployées à l’horizontale comme les Satyres en Atlante du Louvre. Visages invisibles. Elles représentent l’accablement ou la force des paysans de ce peuple-là. A l’étage, formant loggia juste au-dessus, la même sculpture mais plus variée : l’une d’elle, n’est-ce pas une Pietà ? et derrière, en bas-relief, une descente de croix ? Dans la coulisse à gauche, la maîtresse de cérémonie est une blonde en robe de mousseline ( ?), chaussures ouvertes à talon noires. Elle commande la sortie de l’orchestre sans attendre la fin des applaudissements. En face un groupe de violons se remet à jouer après s’être levé et s’achemine vers nous en musique.

  • Last days, G Van Sant

    Vendredi soir, au cinéma. Petit poème pour Blake :

    Ton chemin s'enchevêtre dans la broussaille. Ta chanson, elle est trempée, chantonne snatches of old lauds.
    La maison sonne les heures. L'horloge, c'est le dix-neuvième siècle ; les heures, toujours la même, toujours la seule - ou c'est le seul moment.
    Des étrangers passent, dans ton sommeil, comme toi dans le leur. Sourd aux appels et aux reproches, without a partner in your sorrow's mysteries.
    Ton corps repose dans le pavillon de verre comme dans une châsse au milieu du monde. L'âme est montée à l'échelle de la croisée.
     

  • Au travail

    Une quinzaine de personnes se serrent autour de la table trop petite. La réunion a commencé. Madame B se plaint du retard, demande que le projet accélère. Pour cela, que l'expert en charge consacre le temps nécessaire à lire la documentation. Mais, comme il l'explique, ce n'est pas de lui que dépend l'organisation de son travail. Les regards se tournent vers son chef. Il est debout contre le mur, monté sur des échasses. Un pantalon vert olive couvre ses jambes et leur prolongement. Il ne dit rien. Il montre son profil contre le mur blanc.
    Après la réunion il faut rendre les chaises rapportées. On les tire par le trou dans le bois du dossier, on les traîne de guingois sur leurs pieds métalliques. Un petit groupe se retrouve dans la grande salle autour d'un bureau pour commenter les résultats. C'est assez amusant, on rit. Plus tard je suis avec IC dans une petite pièce derrière. Elle porte une longue robe de soirée, noire, avec des festons. Elle se sent mal. Elle tombe, je tombe avec elle pour empêcher que sa tête ne cogne. C'est moi qui reçois le coup. Je l'aide à se relever, je l'accompagne pour rejoindre sa place dans la grande salle du restaurant. A certains moments, j'ai le bras passé autour de ses épaules. A d'autres, je la tiens debout contre ma poitrine, ses deux pieds prennent appui dans ma main.

  • Arabella 3

    Jeudi soir, au Châtelet. Arabella, de Strauss.

    Il y a trois ans, je m'étais dit, dommage que je n'y sois pas allé chaque soir. Cette fois, je n'ai pas raté la première.

    Que dit Arabella ? Que l'ancienne société est brisée, qu'une aristocratie sûre d'elle-même a disparu sans retour. Alors on rêve, on rêve d'avoir la richesse et l'honneur, la richesse et l'amour, la tête haute, la liberté de choisir quand l'histoire a fermé toutes les portes.

  • Réunion de famille

    C’est noël. Avant de rejoindre la maison des grands-parents, frères, sœurs, cousins, oncles et tantes sont venus dans notre maison du bord du lac. Un chalet noirci sur les eaux grises, avec une courte plage de gravier. Temps couvert, humide, sans lumière.

    Le petit dernier se déchaîne. Quelquefois un nourrisson, quelquefois debout sur ses jambes, il a dérobé les clés, il s’amuse à faire démarrer les voitures garées sur la pelouse. On laisse faire. C’est déjà un petit homme, on en est fier. Il maîtrise la marche avant comme la marche arrière, il sait s’arrêter à temps.

    Dans le salon, il y a mon frère, ma sœur et une fille plus jeune. Elle est brune et mince, vêtements sombres, les traits un peu fatigués ; quelqu’un dont on peut dire : ce n’est pas facile pour elle. Je la connais bien, même si nous n’avons pas été élevés ensemble ; c’est ma sœur cadette : mais, terrible à dire !, je ne me souviens pas de son prénom. Quand je fouille ma mémoire, je ne trouve que ce nom ridicule : « Hyacinthe ». Dans la conversation, je cherche des périphrases.

    Chez les grands-parents, on organise une séance de cinéma pour les enfants. C’est un film de Nabokov. Il faut que j’aille y voir si je veux empêcher que ne triomphent, dans la salle, sur l’écran ? la guerre, l’occupation, les tyrans. Des obstacles s’interposent. Par l’ouverture je vois les fauteuils ravagés, le chahut.

  • Dans le métro

    Je suis avec S quelque part dans le sud de Paris. Sur le plan du métro, au mur, ça se situe vers la Gare Montparnasse. On veut aller au nord, en un lieu, selon ce même plan, proche de la Place Clichy. Je montre la ligne directe. S préfère le détour. Je propose par l’ouest, la 6 et la 2. On changera à la station Charles-de-Gaulle. Je me reprends : on changera à l’Etoile.

    Les escaliers du métro débouchent dans une caverne. Une espèce de cheminée naturelle, inclinée, à travers une pierre terreuse et friable. A droite au fond on aperçoit les quais et les voies. A gauche une ouverture fermée par une grille donne sur le jour. Bien sûr les gens se sont servis du recoin comme d’un urinoir, ça ne sent pas très bon. Le ruissellement a creusé la terre au milieu du chemin.