C’est noël. Avant de rejoindre la maison des grands-parents, frères, sœurs, cousins, oncles et tantes sont venus dans notre maison du bord du lac. Un chalet noirci sur les eaux grises, avec une courte plage de gravier. Temps couvert, humide, sans lumière.
Le petit dernier se déchaîne. Quelquefois un nourrisson, quelquefois debout sur ses jambes, il a dérobé les clés, il s’amuse à faire démarrer les voitures garées sur la pelouse. On laisse faire. C’est déjà un petit homme, on en est fier. Il maîtrise la marche avant comme la marche arrière, il sait s’arrêter à temps.
Dans le salon, il y a mon frère, ma sœur et une fille plus jeune. Elle est brune et mince, vêtements sombres, les traits un peu fatigués ; quelqu’un dont on peut dire : ce n’est pas facile pour elle. Je la connais bien, même si nous n’avons pas été élevés ensemble ; c’est ma sœur cadette : mais, terrible à dire !, je ne me souviens pas de son prénom. Quand je fouille ma mémoire, je ne trouve que ce nom ridicule : « Hyacinthe ». Dans la conversation, je cherche des périphrases.
Chez les grands-parents, on organise une séance de cinéma pour les enfants. C’est un film de Nabokov. Il faut que j’aille y voir si je veux empêcher que ne triomphent, dans la salle, sur l’écran ? la guerre, l’occupation, les tyrans. Des obstacles s’interposent. Par l’ouverture je vois les fauteuils ravagés, le chahut.