La première fois que je suis allé à Rome, c'était au mois d'août. Malgré la chaleur on cavalait (la ville est immense, les vacances sont courtes et nous sommes jeunes). Le soir les vêtements sont blanchis par le sel. Epuisés, on reste près des fontaines.
La favorite est la Barcaccia, place d'Espagne. On peut s'asseoir sur la margelle ovale, tournés vers l'eau, sans parler, écouter sa conversation insaisissable, familière et bavarde. C'est le théâtre d'une seule scène : le défilé des Romains qui vont boire. La vasque a la forme d'une barque ; ils passent à la proue ou à la poupe, traversent le bassin sur une pierre. Les hommes trempent les lèvres dans le jet ou le reçoivent directement au fond du gosier, ils maîtrisent l'art de ne pas faire d'éclaboussures. Les femmes boivent dans un gobelet ou dans la paume. L'autre main est posée sur la pierre. Tiède, pleine et mate, elle contraste avec la fraîcheur pâle et poreuse du travertin.