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  • Brahms, Bruckner, Stravinski.

    Salle Pleyel : messe n°2 de Bruckner, Symphonie de psaumes de Stravinski.

    (Dans le finale de la symphonie, ne dirait-on pas que Stravinski adapte à la musique le procédé du ralenti cinématographique : les saccades du temps sont brutalement dilatées, on croirait là voir courir le cent mètres à grandes enjambées suspendues ou bien de lourds chevaux au galop défiant les lois de la pesanteur, posant délicatement leur sabot sur le sol qui vibre comme la peau des timbales)

  • Un nouvel art de peindre

    Je ne sais pas comment cela est fait. Ce doit être le même procédé que ces tableaux doubles, que vous avez déjà vus sans doute ; l'une et l'autre image ont été découpées et collées en fines lanières verticales sur des baguettes taillées en biseau : selon qu'on regarde de droite ou de gauche, par le côté, on voit la première ou la seconde figure. Ou bien : ces vignettes plastifiées où plusieurs moments successifs sont inscrits, semble-t-il, dans la fibre de l'image ; selon l'angle sous lequel on la regarde, comme on la fait pivoter, l'oiseau s'envole ou le footballeur (ainsi que son nom l'indique) donne un coup de pied dans la balle.   Ici la toile est peinte de façon que deux moments y coexistent. Cependant le mouvement est presque invisible, il apparaît au spectateur immobile face au tableau comme un léger vertige, un flou dont il ne peut deviner s'il est dans son regard ou dans la chose regardée. Le présent est scindé de façon quasi imperceptible en deux moments, passé et avenir, qui tendent l'un vers l'autre dans la vibration de la couleur et de la forme. Quant à la scène représentée, c'est le principe de la "pièce dont on aurait ôté un mur", comme au théâtre. Quelques personnages sont rassemblés debout autour d'une table et de chaises vides, peut-être d'un lit. Elle ressemblerait alors assez à la "Chambre de la malade" de Munch.

  • Schumann, Liszt

    Salle Pleyel : concerto pour violon de Schumann, symphonie "Faust" de Liszt.

    (Dans le concerto, je préfère les passages lents, le moment intermédiaire du premier mouvement ou le mouvement central : l'instrument soliste se fond alors dans la sonorité générale, il ajoute à la masse un peu grise de l'orchestre son accent lumineux, courant à la surface de l'étendue sonore et concentrant la clarté dissoute. Les passages animés paraissent viser trop court, impuissants à l'héroïsme ou la jubilation : et puis le premier thème du finale me rappelle une phrase d'un lied de Mendelssohn mais il y manque la fin, si bien que j'ai l'impression d'un danseur qui commence mais ne finit pas une figure, oubliant de retomber sur ses pieds.)

  • The Turn of the screw

    Opéra de Britten, à l'Athénée.

    (Quand on est habitué à l’œuvre de Henry James, l’opéra de Britten demande un petite effort d’adaptation : il faut bien se faire une raison de ces fantômes qui ne se contentent pas d’apparaître (ou de ne pas apparaître) à la gouvernante comme dans la nouvelle. Ici ils sont incontestables, à égalité avec les autres personnages, en chair et en voix, que la gouvernante soit présente ou absente (qui, dans le livre, gouverne également leurs manifestations). On a donc l’impression de faire connaissance avec eux pour la première fois, figures à part entière, quoique défuntes : Miss Jessel, femme perdue ou bien Didon abandonnée, et Peter Quint, nouveau joueur de flûte de Hamelin).

  • "Antithétique, antipathique ou antipodique"

    Mais pour le moment il nous faut revenir sur nos pas, car dernièrement, relisant quelques-uns de mes livres pour une édition revue et corrigée, j’ai remarqué et non sans remords, que toutes les fois que dans un paragraphe ou un chapitre je promets pour le chapitre suivant un examen attentif de quelque point particulier, le paragraphe suivant n’a trait en quoi que ce soit au point promis, mais ne manque pas de s’attacher passionnément à quelque point antithétique, antipathique ou antipodique, dans l’hémisphère opposé ; je trouve cette façon de composer un livre extrêmement favorable à l’impartialité et à la largeur de vues ; mais je puis concevoir qu’elle doit être pour le commun des lecteurs non seulement décevante (si je puis vraiment me flatter d’intéresser jamais suffisamment pour décevoir) mais même capable de confirmer dans son esprit quelques-unes des insinuations fallacieuses et absolument absurdes de critiques hostiles, concernant mon inconstance, mes vacillations, et ma facilité à être influencé par les changements de température dans mes principes ou mes opinions.

    (Ruskin, la Bible d’Amiens – trad. M Proust).

  • Faust

    Faust, de Gounod, à l'opéra Bastille.

    (Ce que j’ai préféré dans la représentation d’hier, c’est la phrase de Marguerite à l’acte 2 et puis, se citant elle-même, à l’acte 5 : « Et je n'ai pas besoin qu'on me donne la main! ». Je rêvais au « Laissez-moi, je préfère marcher seule » de Mélisande –  mais, on le sait déjà, l’opéra comme genre existe pour aboutir à l’œuvre de Debussy.)

  • Tchaïkovski, Rott

    Salle Pleyel.

    Première symphonie de Hans Rott.

    (Que du paroxysme ! Les mouvements ont l’air trop courts pour ces apothéoses, comme s’ils n’étaient que la partie émergée d’un vaste complexe sonore, que de toute la montagne il ne restait que la crête. Comme un jeune animal qui à  la première  provocation se hérisse et s’irrite, l’orchestre à peine lancé croît au plus fort volume, se gonfle, fait marcher les timbales et hisse les cuivres – avec  la sonnerie quasi ininterrompue du triangle, comme le grelot de la folie ou une alarme déréglée. Dans le scherzo, la musique par moments se retourne sur elle-même, surprise d’entendre sa  propre voix ; elle se parodie, reprend d’un ton faux et criard une fanfare ou un air ; ce roulement de timbale, omineux, lui a fait peur, elle se tait.)