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Mes bouquins refermés - Page 24

  • Parsifal

    Au Théâtre des Champs-Elysées.

    (Le cor anglais, les gémissements du roi, la plainte d'Amfortas, comme un nerf trop sensible qu'on titille malgré soi ; la clarinette basse de Kundry, rauque, amoureuse et insatisfaite ; 

    - Et, ô ces voix d'enfants chantant dans la coupole !

    Or, porté dans des marches harassantes, le corps douloureux de l'orchestre rabâche et s'exténue, jusqu'à la vaste clairière du troisème acte, où le manteau trop usé laisse voir la lumière.)

  • Beethoven

    Neuvième symphonie, salle Pleyel.

    (Ici ce n’est pas le premier mouvement, chaos du début du monde avec ses déflagrations démiurgiques ; ni le deuxième et son trot irrésistible – ma voisine bat sans vergogne le plancher de la salle Pleyel ; c’est le troisième  qui décide la victoire : ce que ni le demi-dieu créateur ni le conducteur d’armée n’avaient pu surmonter s’efface maintenant dans la lumière. La musique procède par éclaircissements successifs, par des oraisons lancées vers le ciel. La montagne est passée. De l’autre côté, les peuples se rassemblent pour le chant de triomphe.)

  • Beethoven

    Quatrième et septième symphonies, salle Pleyel.

    (Il y a aussi dans la Septième une apothéose de la musique militaire, du "concerto di tromboni, di bombarde, di cannoni" de Figaro : le musicien a pris le commandement d’un bataillon idéal. Il est ivre du plaisir de pouvoir à volonté mettre au trot tout un escadron de hussards et de l'immobiliser le pied en l’air, tous dans le même pas. Il déclenche d'un cillement les cavalcades, les charges, les arrêts, les reculades. Dans les moments d'apaisement, le régiment n’est pas sans grâce et sait à l’occasion saluer d’une révérence. Il ne s’agit pourtant pas de défier l’adversaire : il n’y en a pas. L’offensive est unanime. Les cuivres rayonnent, la buffleterie brille, les trompettes tonnent. La bataille n’est pas de ce monde, tout le combat est une danse. Et l'armée ne soulève pas de poussière, sinon le poudroiement de la gloire.)

  • Schubert

    Le Voyage d'hiver, salle Pleyel.

    (D’où vient le vagabond ? De la ville, de la maison de sa bien-aimée, du lieu de son amour perdu. Où va-t-il ? Nulle part : il s’éloigne ; la destination manque ou n’est que l’envers de l’origine, dont le fantôme danse dans l’air, comme le feu follet qui perd le poète ou le corbeau qui l’accompagne. Le ruisseau retourne à la ville, le postillon en vient. Les directions sont marquées. Mais le marcheur est sans itinéraire, il n’y a pas de route pour lui, son errance passe en dehors des chemins. Sans point d’arrivée, le voyage n’a pas de fin inscrite dans le temps, il se terminera avec le voyageur : là-bas la mort rôde, c’est le vielleur qui tourne la roue de son instrument. L’hiver n’appartient plus au cycle de l’année ; le cercle a été brisé comme celui que l’amoureux grave dans la glace. Ce temps est une défection, c’est la saison du passé révolu : le gel ou la neige couvrent le souvenir d’une pellicule infranchissable. L’herbe et les eaux vives se devinent au travers.  Mais la transparence n’est qu’une illusion, elle procède du rêve ou de la folie et le froid est irréversible. Cette saison et ce pays de l’absence sont tels que le voyageur les chante ; sa colère y souffle, le givre est son amertume, l’espace sa nostalgie. Sa voix hante l’allégorie, la fait vivre de sa présence insigne et meurt avec elle.)

  • Platée

    Platée, de Rameau, à la Cité de la Musique.


    (La muflerie des immortels est, on le sait, infinie ; le tour qu’ils jouent à Platée le montre assez.  La nymphe est laide, sa bouche est pleine de « oi » si bien qu’on craint qu’elle soit un peu grenouille. Mais elle a le cœur tendre et s’amourache de tous, dieux et mortels, qui approchent ses terrestres paluds. Voici Mercure (ses discours sont si clairs, justement colorés et articulés qu’il semble que ce n’est plus  tel interprète ou tel rôle mais bien ici quelque chose comme le génie de la langue qui s’est rendu sonore et chante, selon sa tessiture et son timbre propres, les mots qu'il prononce). Le dieu messager avertit de la descente de Jupiter et de son projet : épouser Platée. Effectivement pendant toute une heure Platée sera la promise du dieu des dieux jusqu’à la survenue de Junon jalouse et l’éclat de rire qui dénoue la supercherie.  Aura-t-elle seulement profité du somptueux divertissement qui prélude à ses noces manquées : les métamorphoses, les vents féeriques qui font bruire le marais, les danses mouillées au bord de la glissade, les clapotis et les chuintements devenus sublimes et le manège de la Folie qui célèbre à rebours les plaisirs en pleurant et en riant la peine ?)

  • Liszt, Mahler, Duparc, Strauss

    Récital de lieder et de mélodies au théâtre des Champs-Élysées.

    (On a beau connaître par cœur la Vie Antérieure de Baudelaire, dans la version de Duparc, et savoir comment cela se termine : in cauda venenum, le frisson demeure. Le poète a retourné le paysage de Claude Lorrain. Portiques, quais et gréements : toutes ses lignes s’ordonnaient selon le disque parfait du soleil, bas sur l’horizon. Mais ici les rayons aboutissent à l’œil qui les reflète ; le point est sensible. Il détermine la vision. Les élancements de la conscience expliquent le balancement des palmes et les oscillations marines ; les houles roulant font l’écho du douloureux final.)

  • Don Giovanni

    Don Giovanni au Royal Opera House.

    (Don Giovanni s’échappe de l’appartement de Donna Anna, fausse compagnie à Donna Elvira et entreprend de séduire Zerlina (successivement, si l’on veut, le présent, le passé et l’avenir de ses conquêtes, selon le catalogue). Malgré les échecs, toutes ces péripéties au début du premier acte continuent d’écrire la carrière du séducteur. Mais un cri retentit : Donna Anna reconnaît son agresseur : Don Ottavio son morta ! Quelques scènes après le fait, dans l’extraordinaire récitatif qui suit, le temps est révolu et l’opéra redonne sa première scène : la vision de Donna Anna préfigure le retour du Commandeur d’entre les morts ; le fantôme invoqué finira par se saisir de Don Giovanni).