Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Mes bouquins refermés - Page 25

  • Orage

    La cathédrale de Salisbury sous l'orage, de Constable à la National Gallery de Londres.

    (La foudre qui approche blanchit les herbes hautes et les branches. L’orage tord les nuées et fait brasiller le monde. Le coup de vent a mis à nu les bois de l’arbre ; on constate alors que le tronc a même forme que l’éclair ; l’électricité qui cherche le sol rencontre l’effort primordial de la nature qui s’élève et, l’un par l’autre, ils s’annihilent. Cependant, protégée par la flèche paratonnerre, la cathédrale repose solidement sur la terre. Derrière elle l’arc-en-ciel prend appui sous l’horizon et dégage l’éclaircie. La charrette humaine est empêtrée dans la rivière grossie mais un autre rouage, plus fondamental, est à l’œuvre.)

  • Orphée et Eurydice

    Ballet pour l’opéra de Gluck, à l'opéra Garnier.

    (Ne pas se retourner vers elle : l’épreuve que les dieux imposent à Orphée pour qu’il ramène Eurydice à la lumière du jour porte le signe de l’irréversible ; et le fait que le héros ne puisse remplir la condition marque le triomphe de l’Irréversible absolu, la mort, qu’il avait cru vaincre en descendant aux Enfers. Dans cette transposition, l’Orphée danseur, blafard et nu, rappelle les Christs athlètes de la peinture : comme dans la Descente aux Limbes,  Orphée force la porte des Enfers par son geste, ici, plus que par son chant ; à la fin, terrassé par la douleur quand il perd Eurydice une seconde fois, son corps est retenu et soulevé comme le cadavre des Dépositions. L’histoire est dite à rebours, on ne ressuscite pas.)

  • Saoule

    A nouveau la Riboteuse de Metsu.

    (Le chaud tapis de table rayonne doucement comme l’ivresse. Mais ses plis lourds dérangent l’aplomb de toute chose : assise, la riboteuse tombe ; les cheveux follets repoussent la coiffe ; ses bras ne peuvent rien tenir. Saoule, elle ne sait si elle va pleurer ou bien rire. Elle ouvre grand les yeux. Elle s’est penchée sur sa gauche, elle a levé son verre, il n’y a personne… Un amour de pierre, enfant atlante, rit derrière elle. Le pot à vin baille, le verre est vide : elle trinque avec le carafon.)

  • La Cerisaie

    La Cerisaie de Philippe Fénelon, à l'opéra Garnier.

    (Faute de l'avoir retrouvée ce soir-là, je relis la pièce de Tchékhov. A l'acte II, et il retentira encore à l'acte IV, on entend un bruit mystérieux ; la scène est dans un champ, aux abords de la propriété. La didascalie décrit l'instant :

    Tous se taisaient, pensifs. Un grand calme. On n'entend que le marmonnement confus de Firs. Tout à coup un bruit lointain, comme venant du ciel : le son d'une corde rompue. Peu à peu, il disparaît, tristement.

    Cela sonne obscurément dans la campagne russe comme l'écho du cri "le grand Pan est mort !" sur la Méditerranée antique, dans Plutarque : une sorte d'âge prend fin.)

     

  • La Dame de Pique

    La Dame de Pique à l’opéra Bastille.

    (Hermann convoite le secret de la comtesse, il se sert de Lisa pour parvenir à elle ;  Hermann convoite Lisa mais pour la rejoindre il lui faut passer par la comtesse. Le librettiste a sans doute voulu, en doublant l’argument de Pouchkine, plonger le héros dans la confusion et renfermer sa folie dans un cercle. Ainsi les aspirations de Hermann s’agrègent en un complexe instable et la musique balance de la gaieté forcée au franc désespoir : de la journée ensoleillée à l’orage, de la romance allègre à la chanson préférée, et cafardeuse, de Lisa, des divertissements mozartiens à la messe russe des morts, du cliquet de Grétry à la noble déploration qui suit la mort de la comtesse. )

  • Chateaubriand

    Depuis vingt-cinq ans, ma vie n'a été qu'un combat contre ce qui m'a paru faux en religion, en philosophie, en politique, contre les crimes et les erreurs de mon siècle, contre les hommes qui abusaient du pouvoir pour corrompre ou pour enchaîner les peuples. Je n'ai jamais calculé le degré d'élévation de ces hommes ; et depuis Buonaparte qui faisait trembler le monde, et qui ne m'a jamais fait trembler, jusqu'aux oppresseurs obscurs qui ne sont connus que par mon mépris, j'ai osé tout dire à qui osait tout entreprendre. Partout où je l'ai pu, j'ai tendu la main à l'infortune ; mais je ne comprends rien à la prospérité : toujours prêt à me dévouer aux malheurs, je ne sais point servir les passions dans leur triomphe.

    (Préface du "Génie du Christianisme"

  • Haydn

    Les Saisons de Haydn, au théâtre des Champs-Elysées.

    (Non pas die Jahreszeiten mais the Seasons : le livret a été traduit en anglais, retrouvant la langue originelle du poème qui l’a en grande partie inspiré. Cela permet aux interprètes de chanter avantageusement dans leur langue maternelle (on comprend ce qu’ils disent), mais certaines scène perdent peut-être de leur rusticité bonhomme, fêtes paysanne de l’automne et de l’hiver, avec l’irrésistible chanson des fileuses et la ballade de Hanne.  L’été reste la plus voluptueuse des saisons mariant l’indolence et la fureur.  La pénombre de l’aube s’accorde avec l’alanguissement du plein midi, l’agitation secrète qui précède le jour est semblable aux murmures des eaux et au bruissement des feuilles dans la torpeur méridienne ; la violence de l’orage répond à l’éclat du soleil levant.)