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Mes bouquins refermés - Page 149

  • The Turn of the screw

    Jeudi soir, au Théâtre des Champs-Élysées, pour l’opéra de Britten.

    Ce n’est pas la première fois que j’entends ceci. L’autre fois, je crois que c’était bien mieux, à Bobigny en 1998. Mais je ne me souvenais que de la chanson de Miles, ‘Malo…’ et que Ian Bostridge jouait le fantôme de Peter Quint. (Les vocalises du rôle me font irrésistiblement penser aux Chants du Muezzin fou d’amour de Szymanowski.)

    Dans la production d’aujourd’hui, les fantômes sont deux marionnettes grimaçantes, sans séduction ; les enfants font ce qu’il peuvent ; c’est la gouvernante qui domine. En cela l’opéra se rapproche de la nouvelle de Henry James qui l’a inspiré. Monologue d’une femme solitaire, malade de désir, voix si étouffante que l’on ne doute pas à la fin que c’est elle qui tue le petit Miles. Mais ici davantage de retenue n’aurait pas nui à l’émotion (au lieu  de ces décors qui bougent ; de ces lumières expressionnistes ; de ces voix trop grandes).

  • High Sierra, de Walsh

    Mercredi soir, au cinéma.

    Une jeune femme on the loose (qui a rompu les amarres ?) s’impose comme le dernier amour d’un gangster illustre. C’est un grand rôle pour Ida Lupino. Mais pourquoi faut-il qu’elle le partage systématiquement avec un chien ? Le cabot est ok ; l’association reste pas très flatteuse.

  • Orpheus und Eurydike

    Mardi soir à l’Opéra, Orphée et Eurydice de Gluck, dansé selon Pina Bausch.

    On le sait, chaque personnage est figuré sur scène par le couple d’un danseur et d’un chanteur. Pour Orphée, la difficulté, c’est d’identifier la voix de contralto (encombrante, malhabile, accablée) avec le corps du danseur (avec sa maîtrise, la netteté de ses gestes). Alors moins le danseur danse, plus il est Orphée (Orphée debout, immobile, ou marchant, pleurant tel l’Adam de Masaccio – ou bien prostré – ou bien mort, porté comme dans une Déposition).

    Sauf dans la scène de la sortie des Enfers, quand Orphée guidant Eurydice sait (et oublie) qu’il ne la sauvera qu’à la condition qu’il ne se retourne pas pour la voir. Scène où la danse d’Orphée, prise dans une entrave invisible, ploie sous le regard qu’il refuse.

  • L’intrus, de Claire Denis

    Tout un petit monde, sa famille, en différentes demeures, autour d’un homme revenu de loin et seul, dans la montagne de la frontière suisse. Des remords ou des tueurs rôdent dans les bois. Une image du cauchemar : des chiens à l’arrêt sur un fleuve gelé ; un main balaye le givre ; apparaît un visage noyé sous la glace.

  • Seconde nuit

    Le genêt, de Leopardi.

    Il marche sur la terre brûlée du Vésuve. Il s’arrête dans un champ de lave noire. Il lève les yeux vers les étoiles. Leur flamboiement se transmet au miroir lointain de la mer. Les limites du monde brillent dans l’azur.

    (…)
    Sovente in queste rive,
    Che, desolate, a bruno
    Veste il flutto indurato, e par che ondeggi,
    Seggo la notte; e su la mesta landa
    In purissimo azzurro
    Veggo dall'alto fiammeggiar le stelle,
    Cui di lontan fa specchio
    Il mare, e tutto di scintille in giro
    Per lo vòto seren brillare il mondo.

    (…)

    Nuit redoublée de la terre, obscure dans la nuit étincelante de la mer et du ciel.

  • Avant la retraite, Bernhard

    Lundi soir, au théâtre de l’Atalante.

    Frisson d’horreur. La musique laissée aux mains des monstres.

    Tout est prêt pour commémorer l’anniversaire de Himmler. On attend le frère : juge, ancien chef de camp, président de tribunal. Pour passer le temps, Sieglinde se met au piano et joue Beethoven. L’autre sœur, l’infirme, saisie d’horreur, gémit : « La musique …la musique, dans les recoins de cette maison froide. »

     

  • La voix se brise

    La Douce, de Dostoïevski.

    Et donc, un mois plus tard, sur les cinq heures, en avril, par une journée claire et pleine de soleil, j’étais installé à ma caisse et je faisais les comptes. Soudain, je l’entends, elle, qui, dans notre chambre, à sa table, plongée dans son ouvrage, tout bas, tout bas …  s’était mise à chanter. (…) Elle chantait à mi-voix, et, d’un seul coup, elle a monté, et elle s’est brisée net, la voix – une petite voix mais si pauvre, elle s’est brisée, mais si touchante ; elle a toussé, et de nouveau, tout bas, tout bas, à peine, à peine, elle s’est remise à chanter. (trad. A Markowicz)