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Diversion - Page 9

  • Le grand télescope de Lord Rosse

    8276722cff1c9fca29eca3b7ede98546.jpgDans le parc du château de Birr, dans le centre de l’Irlande, une vision sortie d’un livre de Jules Verne ou, plus exactement, de l’Astronomie populaire (p185, figure 77) de Camille Flammarion : le grand télescope de Lord Rosse. Il a été, pendant toute la seconde moitié du dix-neuvième siècle, le plus grand télescope du monde. Le ciel nocturne d’Irlande n’est pas le plus favorable à l’observation des étoiles mais c’était ici le domaine du troisième comte de Rosse (qui, aidé par la fortune de sa femme, a pu s'y consacrer à son amour de la science). Le tube géant, actionné par des roues et des poulies, se meut entre deux parois percées d’ogives néo-gothiques. Des échelles de meunier et une passerelle mobile en bois permettent de rejoindre l’œilleton latéral. L’instrument ne dispose pas du mécanisme qui aurait permis d’y ajuster un appareil photographique. Le résultat des observations a donc été transcrit à la main par l’astronome. On peut voir dans le musée ses dessins de nébuleuses spirales dont la forme a été constatée ici pour la première fois. Un curieux monument de haies et de pelouse commémore la découverte, traçant une spirale au milieu du jardin (manière sans doute de célébrer ensemble les accomplissements des propriétaires dans les domaines de l’astronomie et l’horticulture).

  • Après la chute

    Exposition Sternenfall, d'Anselm Kiefer.

    Les poutres de fer rappellent une végétation luxuriante (une salade montée en graine ?) ; les lames de verre du dôme s'emboîtent parfaitement jusqu'au sommet de la voûte où la hampe et le drapeau, vus de dessous, semblent tenir sans appui. Cependant, dans la naïve opulence du Grand Palais, proprement disposé sous la cloche, le paysage spectaculaire de la désolation et de l'humilité :
    Des murs de tôle, des plantes séchées trempées dans la boue, des éclats de vitres brisées, des livres épars dont les pages, la reliure, les couvertures sont des feuilles de plomb, des tours formées par l'assemblage de cubes de béton armé (certaines debout, d'autres abattues, comme les colonnes de temples ruinés).

  • O la berceuse

    Et ta voix rappelant viole et clavecin

    (Les sonorités du clavecin et de la viole dans la salle de concert, hier soir, le chuintement essoufflé de l'un, le cliquètement à vide de l'autre, n'avaient pas le charme qu'elles ont dans les vers de Mallarmé : Don du poème)

  • Venice

    Vues du bateau (le ferry de Staten Island), les tours du Financial District donnent à Manhattan un faux air de Venise montée en graine : campaniles obèses, façades ou portions de quai prodigieusement dilatées selon la verticale (avec par endroits des frontons et des toits sans proportion, perdus dans les hauteurs). Plan, échelle, matériaux, couleurs n'ont rien de semblable ; ni le climat, ni la lumière (Kafka compare celle de New-York, sans l'avoir vue, aux éclats d'une vitre perpétuellement fracassée), ni la présence de la mer dans la cité (le coeur de Venise est fissuré et plein d'eau).

    Mais là-bas comme ici, il y a une ville plantée dans la mer, aux bords tranchés net ; un centre qu'un vide entoure et sépare de sa périphérie (sur les rivages opposés l'agglomération s'étend sans limites certaines) ; une île tout entière construite, minérale sans terre ni rochers, sans relief et sans plage, sans arbres (les jardins au ras de l'eau sont ravalés par la distance, les autres dissimulés par les murs).

  • Vue de Haarlem

    Le jour s'est levé, les champs s'éteignent. Chaque parcelle, blanche comme givre, est une une serre qui s'allume la nuit formant une plaque de lueurs orange. Au-delà, la plaine basse, les hauts nuages, la tache claire projetée par le soleil rappellent le paysage de Ruisdael.

  • Cinq révélations (en musique)

    Incapable de rivaliser avec l'un ou l'autre, je suis néanmoins en mesure de dévoiler ici cinq exploits personnels effectivement peu connus (voire, à juste titre, complètement ignorés) :

    - Sans l'avoir réentendue depuis, je peux encore citer les paroles (je ne tiens pas à en fredonner une seconde fois l'air), de je ne sais quelle chanson italienne que notre professeur de musique, en sixième, nous faisait chanter, l'un après l'autre :

    Avvezzo a vivere
    Senza conforto
    In mezzo al porto
    Pavento il mar
    (bis)

    - Je confesse qu'adolescent, j'écoutais en cachette l'album de The Cure, Pornography (ne me demandez pas pourquoi). Je dérobais la cassette dans la chambre de mon frère ; je la jouais au casque avant de la remettre très exactement à sa place ; je prenais toujours soin de rembobiner la bande au point intermédiaire où je l'avais trouvée (précaution inutile, puisque j'étais manifestement le seul à m'y intéresser).

    - Je crois bien qu'à l'internat, deux années durant, j'ai écouté presque tous les soirs avant de m'endormir, chaque fois que c'était possible, le dernier mouvement du Chant de la Terre.

    - J'ai eu une fois un accident de voiture, tout seul, en ratant un virage. Au moment du choc (qui l'arrêta), l'autoradio jouait l'opéra de Frank Martin, le Vin herbé. J'avais lu l'année précédente deux ou trois lignes à propos d'une production de cette oeuvre dont je ne savais rien ; quelques jours après, j'étais tombé par hasard sur une diffusion du spectacle à la radio et j'avais eu l'inspiration inhabituelle de l'enregistrer. J'ai gardé quelque temps l'enregistrement incomplet. Je l'ai récupéré dans l'épave de la  voiture et puis je l'ai oublié l'année suivante dans une chambre d'hôtel, à Melbourne. J'ai trouvé depuis une autre version de l'opéra, au disque, que j'écoute encore régulièrement.

    - Je ne me suis jamais vanté d'avoir pleuré à chaudes larmes pendant quasiment tout le temps qu'a joué l'orchestre dirigé par Bernard Haitink dans la Huitième Symphonie de Chostakovitch, un soir (la seconde fois), au Théâtre des Champs-Elysées.

  • Autre citation d'Hugo

    Il est une heure à Aix. Le carillon de l'hôtel de ville commence à sonner une gamme montante. Au premier coup on a levé les yeux pour suivre au-dessus de la tour la périlleuse ascension de la nouvelle venue

    Par un frêle escalier de cristal invisible

    de marche en marche jusqu'à ce qu'elle s'interrompe sur la note la plus élevée. (Va-t-elle rester là-haut suspendue dans le silence ou redescend-elle maintenant par quelque colimaçon muet ?)