...prendre leurs avantages assez pour mettre en jeu leurs longues ailes... (Buffon)
Distraits pendant nos dîners par les oiseaux noirs, hauts et incessants dans le ciel rose, nous avons lu le lendemain cette page de l'Histoire naturelle : Le martinet noir. Les oiseaux de cette espèce sont de véritables hirondelles, et à bien des égards plus hirondelles, si j'ose ainsi parler, que les hirondelles même ; car non seulement ils ont les principaux attributs qui caractérisent ce genre, mais ils les ont à l'excès ; leur cou, leur bec et leurs pieds sont plus courts ; leur tête et leur gosier plus larges ; leurs ailes plus longues ; ils ont le vol plus élevé, plus rapide que ces oiseaux qui volent déjà si légèrement ; ils volent par nécessité, car d'eux-mêmes ils ne se posent jamais à terre, et lorsqu'ils y tombent par quelque accident, ils ne se relèvent que très difficilement dans un terrain plat ; à peine peuvent-ils en se traînant sur une petite motte, en grimpant sur une taupinière ou sur une pierre, prendre leurs avantages assez pour mettre en jeu leurs longues ailes : c'est une suite de leur conformation ; ils ont le tarse fort court, et lorsqu'ils sont posés, ce tarse porte à terre jusqu'au talon ; de sorte qu'ils sont à peu près couchés sur le ventre, et que dans cette situation la longueur de leurs ailes devient pour eux un embarras plutôt qu'un avantage (...)
(Baudelaire, dans le Spleen de Paris : je n'ai jamais rougi, même devant les écrivains de mon siècle, de mon admiration pour Buffon)