Schubert : Des Fischers Liebesglück (Leitner).
(Goerne / Leonskaja, "Sehnsucht" HM).
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Schubert : Des Fischers Liebesglück (Leitner).
(Goerne / Leonskaja, "Sehnsucht" HM).
Grande salle de musique, rectangle. Aux murs des panneaux gris-bleu de bois peint. Le public est dans les tribunes, sur trois côtés, et l’orchestre au centre sous l'enclos des lourdes balustrades. Les musiciens jouent les uns derrière les autres, assis en rang comme à l’école. Le chef travaille en bas dans l’ouverture sombre de la fosse ; mais toute l’attention va au soliste au milieu du parterre (je crois qu’il tient un violon). Quand sa partie est terminée, il se tourne sur sa chaise vers une jeune femme derrière lui qui ne porte pas l'uniforme de l'orchestre. C’est lui qui l’a amenée tout à l’heure et placée à côté des harpistes (Elle pince elle-même une sorte de petite harpe). Le violoniste l’encourage malgré la musique, chuchotant et battant la mesure. Elle égrène des notes qui résonnent lourdement. Le scandale ne doit pas leur sembler assez grand : le soliste et son élève chantent maintenant ce même air. Leur intervention a le dessus, elle passe les limites de l’orchestre, quelques voix dans le public se joignent à eux, les musiciens continuent à jouer et on ne sait plus s’il s’agit d’un concert ou d’un office.
Le 9 septembre 1000, une bataille navale oppose dans la Baltique le roi de Norvège, Olaf, aux rois du Danemark et de Suède et au duc Eric, leur allié. Le roi Olaf est encerclé sur son navire, le Serpent.
Einar Thambarskelfir était posté dans la maille étroite, à l'arrière du Serpent, et tirait à l'arc ; c'était un archer d'une adresse et d'une vigueur hors de pair. Il décrocha contre le duc Eric une flèche qui vint se planter dans la tête du gouvernail, au-dessus de la tête du duc, et s'enfonça jusqu'au fût. Le duc regarda autour de lui, puis demanda à ses hommes s'ils savaient d'où venait le trait, mais aussitôt une seconde flèche arriva si près du duc qu'elle vola entre son bras et sa hanche, puis alla se ficher dans le dossier [de l'homme de barre] si profondément que la pointe et une grande partie du fût en ressortirent. Le duc dit alors à l'homme qui selon certains s'appelait Finn, mais qui selon d'autres était Finnois, et qui était un excellent tireur à l'arc : "Vise le grand gaillard qui est posté dans la maille étroite !" Finn décocha une flèche qui arriva au beau milieu de l'arc d'Einar, au moment même où il le bandait pour la troisième fois. L'arc se fracassa alors en deux morceaux. Le roi Olaf déclara alors : "Qu'est-ce qui vient de se fracasser si bruyamment ? " Einar répondit : "C'est la Norvège, mon roi, qui vient de se fracasser entre tes mains. - Ce ne fut pas un si grand fracas, rétorqua le roi, mais prends mon arc et continue de tirer", et il lui lança son arc. Einar l'attrapa, engagea aussitôt une flèche dans et tendit l'arc bien au-delà de la pointe de la flèche. Il s'exclama alors : "Trop souple, trop souple est l'arc du souverain !" Il rejeta l'arc, se saisit de son bouclier et de son épée et se mit à combattre.
(Snorri Sturluson, "Saga du roi Olaf Tryggvason" in Histoire des rois de Norvège (I) - trad. F-X Dillmann).
Le temps d'aimer et le temps de mourir, de Douglas Sirk.
Dans un bureau de l'administration, Ernst et Elizabeth regardent le fonctionnaire dans l'annexe examiner leur demande en mariage. Le père d'Elizabeth est interné dans un camp, les services pourraient en vouloir aussi à la fille. Ernst demande à la jeune femme d'aller l'attendre dans le couloir. Si l'interrogatoire prend un mauvais tour, il posera son calot sur le comptoir donnant ainsi à Elizabeth le signal de la fuite. Elle se tient derrière la porte vitrée et regarde. Tout à la joie de l'issue favorable, Ernst oublie la convention et pose son calot à côté de lui mais il se reprend, part en courant et parvient à rattraper Elizabeth en bas de l'escalier.
La ville a été bombardée. L'usine où travaille Elizabeth est détruite, mais Ernst ne sait pas si sa femme s'y trouvait au moment de la catastrophe. Un incendie ravage l'immeuble où les jeunes mariés ont leur chambre. Ernst parvient à sauver quelques objets ; il attend anxieusement dans la rue au milieu des meubles que les locataires ont déménagés. Une silhouette se faufile gaiement parmi le désordre. Elle esquive la vitre ouverte d'un buffet. Elizabeth arrive.
Les trois semaines de la permission ont passé. Ernst n'a pas voulu qu'Elizabeth le voit partir. Elle se tient cependant dans la gare derrière le battant d'une porte vitrée. Le train démarre. Elle voit le quai à travers le verre brisé de la croisée. La croisée et le timon levé d'un charriot font devant elle comme les croix d'un cimetière. Cette fois le fragile obstacle n'est pas franchi, la séparation est définitive.
(Amlethus) s'était fait faire aussi un bouclier sur lequel il avait demandé que figurât en des tableautins d'une rare facture le récit de tous ses exploits depuis son plus jeune âge. De cette pièce de parade, il se servit pour témoigner de ses vertus et de sa gloire en raccourci.
Sur cette oeuvre d'art, on pouvait voir représentés Horwendillus égorgé, Fengo, le parricide incestueux, l'oncle ignoble, le neveu grotesque, les bâtons à crochets, la suspicion du beau-père, la dissimulation du beau-fils, les différents genres d'épreuves, la femme employée au piège, la gueule ouverte du loup, la découverte du gouvernail, le sable métamorphosé, l'entrée dans les sous-bois, le taon avec son brin de paille, le jeune homme qui fait signe, les compagnons auxquels on fausse compagnie et le commerce avec la jeune fille en un lieu écarté. On distinguait aussi le dessin du palais, le tête-à-tête de la reine et de son fils, l'espion égorgé, bouilli, jeté dans le cloaque et abandonné aux porcs qui engloutissaient ses membres couverts de fange, tels quels, avec un appétit de bêtes féroces. Plus loin, on retrouvait Amlethus qui surprenait le secret de son escorte endormie, effaçait les signes des lettres et les remplaçait par d'autres caractères, dédaignait le repas, méprisait la boisson, jugeait le regard du roi et remarquait les mauvaises manières de la reine. On apercevait encore la pendaison des envoyés, les noces du jeune homme, le retour au Danemark, le banquet de funérailles, les bâtons exhibés en lieu et place des compagnons dont on s'enquiert, le jeune prince dans le rôle de l'échanson, ses doigts écorchés par le tranchant de son épée sans cesse dégainée, le glaive fixé par un clou, les convives applaudissant à tout rompre, de plus en plus émoustillés, la tenture jetée sur les dormeurs fermement sanglés dans leur sommeil grâce aux crochets, le tison mis à l'édifice, les convives brûlés, l'effondrement du palais dévoré par les flammes, la visite que fait Amlethus à la chambre de Fengo, l'épée qu'il y prend et celle - la sienne, d'aucun secours pour Fengo - qu'il lui substitue, et enfin le massacre du roi tué de la pointe même de son arme par la main de son beau-fils.
(Saxo Grammaticus, la Geste des Danois, trad. F-X Dillmann).
Je sors. La côte déploie vers le Nord ses à-pic vertigineux. Le cap le plus haut trace au fond une énorme masse brun-vert. Un mât d’antenne y est planté, lointain et rapetissé, rouge et blanc ; derrière il y a le fjord de Narvik et au-delà, estompées par la distance, les racines puissantes de l’arc des Lofoten. Une fumée flotte là-bas à mi-hauteur de falaise, c'est l’haleine du Maelström que le promontoire dissimule. Notre petite bande se fatigue ici à piétiner les pelouses, allant entre les bâtiments gris ou sur l’herbe jaune des bas-côtés. Une file se forme et tous s’acheminent dans la direction du Nord. Le ciel est si pur, l’azur si profond qu’il paraît noir.
Marine, de Claude Lorrain.
Le format ovale du petit tableau renforce cette rêverie qui nait quelquefois des soleils couchants du Lorrain, l'impression que le paysage qu'ils illuminent ne s'étend pas extérieurement, sous un regard, mais qu'il a été saisi à la surface d'un globe où il se projette : nous contemplons l'image close qui s'est formée à l'intérieur d'un oeil. Cela explique la matière vitreuse, plus dense que l'air, qui remplit l'étendue transparente. Les nuages n'y flottent pas mais sont pris, comme les éclats blancs du ressac, dans son épaisseur. Le soleil est la pupille de cet oeil, l'ouverture où passent les rayons qui déterminent l'image.