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  • Haydn

    La Création, au Théâtre des Champs-Elysées.

    (Bestiaire, météores et chants de louange rappellent Israël en Egypte de Haendel, mais ici la lumière vite dissipe les "ténèbres palpables d'Egypte", instaurant l'univers sous le merveilleux cristal sonore des constellations.)

     

     

  • Personnages de roman (2)

    Tous les personnages d'un roman ne sont pas égaux entre eux. De même, au théâtre, il y a un monde entre le premier rôle et des comparses qui lui donnent la réplique.  Celui-là est tenu par Miriam Rooth (fille de Mrs Rooth), fameuse comédienne dont personne ne soupçonne qu'elle commence dans la carrière tant son jeu est imposant, varié et subtil ; ceux-ci sont joués par des acteurs subalternes à qui on demande seulement de rendre toujours à peu près le même son quand le drame les sollicite. L'un ne quitte pour ainsi pas le plateau du début à la fin, c'est à lui que quelque chose arrive ;  les autres vont et viennent.

    Les personnages principaux de The Tragic Muse: Peter Sherringham, Nick Dormer, Miriam Rooth évoluent dans une dimension que les autres ignorent : le temps ; ils sont sujets à variation, ils changent d'état ; mais ils payent cette complexité par une certaine indétermination : en quelque sorte, plus on les fréquente, moins on est sûr de les connaître. Leur être profond est incertain : un vide, une absence, un suspens. La grande affaire de Nick est sa vocation contrariée de peintre, mais sa décision ne s'oppose pas aux événements, elle est au contraire emportée par eux, son esprit est comme le fléau d'une balance qui penche d'un côté ou de l'autre. Peter Sherringam hésite entre le théâtre et sa carrière ; sa passion pour Miriam Rooth est alternativement brûlante et éteinte. Sa parole est sans force : trois, quatre fois, il fait sa déclaration, sans qu'il en sorte rien. Certes Miriam Rooth décide de son destin : comme elle l'a voulu, elle sera une "grande comédienne". Mais le fond de ses sentiments demeure un mystère. Peter la soupçonne  de ne jamais cesser de jouer, de n'être qu'un masque. L'aime-t-elle, est-elle éprise de Nick ? Comme le fait remarquer malicieusement le narrateur, on en est réduit en ce qui la concerne aux interprétations des uns et des autres ; c'est le plus jamesien des personnages.

  • Personnages de roman

    A propos de The Tragic Muse. Son originalité, parmi les romans de James, réside peut-être dans sa plaisante collection de personnages secondaires (dont la peinture rappelle Dickens). Outre Gabriel Nash, l'homme-sirène, je pense par exemple à :

    Mrs Rooth. Veuve d'un antiquaire, elle prétend appartenir à la bonne société anglaise, étant apparentée aux très inconnus Neville-Nugent, de Castle Nugent. Elle ne les fréquente cependant pas du tout car, étant désargentée, elle vit "sur le continent". Fort préoccupée de convenances, elle a  néanmoins entrepris de faire de sa fille une actrice et la promène de capitale en capitale, la confiant aux soins d'obscurs professeurs. En accord avec ses moyens limités, sa principale qualité est de pouvoir rester indéfiniment assise en tous lieux où la demeure est une économie :

    She gave (Peter) the measure of her power to sit and sit--an accomplishment to which she owed in the struggle for existence such superiority as she might be said to have achieved. She could out-sit everybody and everything; looking as if she had acquired the practice in repeated years of small frugality combined with large leisure--periods when she had nothing but hours and days and years to spend and had learned to calculate in any situation how long she could stay. "Staying" was so often a saving--a saving of candles, of fire and even (as it sometimes implied a scheme for stray refection) of food.

    Mrs Gresham. Cette dame est, elle, introduite dans la bonne société où elle rend d'appréciables services ; on ne peut dire cependant si elle fait partie du personnel ou des invités :

    Mrs. Gresham was a married woman who was usually taken for a widow, mainly because she was perpetually "sent for" by her friends, who in no event sent for Mr.Gresham. (...) Her figure was admired--that is it was sometimes mentioned--and she dressed as if it was expected of her to be smart, like a young woman in a shop or a servant much in view. She slipped in and out, accompanied at the piano, talked to the neglected visitors, walked in the rain, and after the arrival of the post usually had conferences with her hostess, during which she stroked her chin and looked familiarly responsible. It was her peculiarity that people were always saying things to her in a lowered voice. She had all sorts of acquaintances and in small establishments sometimes wrote the menus. Great ones, on the other hand, had no terrors for her--she had seen too many. No one had ever discovered whether any one else paid her. People only knew what they did.

     Mr Carteret. Ce vieillard est un politicien à la retraite qui reste très attentif aux péripéties de la vie parlementaire et aux événements internes de l'appareil du parti libéral. Il ne conçoit d'ailleurs pas qu'il puisse exister autre chose au monde. Son grand principe est de ne jamais se mettre en retard, c'est à dire de ne pas négliger un seul jour la correspondance et la lecture des comptes-rendus des journaux. (Mais plus sévère que Mr Carteret, son majordome :

    When (Nick) paid a visit to his father's old friend there were in fact many things--many topics--from which he instinctively kept his hands. Even Mr. Chayter, the immemorial blank butler, who was so like his master that he might have been a twin brother, helped to remind him that he must be good. Mr. Carteret seemed to Nick a very grave person, but he had the sense that Chayter thought him rather frivolous.)

  • L'Echange

    L'Echange, de Claudel, au Théâtre de la Colline.

    La journée qu’on voit clair et qui dure jusqu’à ce qu’elle soit finie !

    (Mais, ainsi qu’un oiseau pousse son cri, régulièrement, en deux ou trois points, la salle toussait lourdement. Les comédiens (pas tous, pas tout le temps) accéléraient leurs tirades et, par pans entiers, le "verbe claudélien" sombrait, dévalant le tourniquet des conjonctions : …comme…, …comme…,…comme…).

  • Désaccords littéraires

    Ce n’est pas la délibération d’une académie, plutôt : un jeu de société, le passe-temps d’un soir pour une petite communauté en vacances. La séance a lieu dans une longue salle mal éclairée. A un bout, une estrade avec un tableau noir qui servira à inscrire les résultats. L’assemblée est répartie par tables de cinq ou six. L’objet du débat est la mise au point d’un palmarès : la "bibliothèque idéale", les "meilleures œuvres littéraires de tous les temps". Chaque groupe à son tour proposera quelques titres. Un délégué se lève. Le premier nom qu’il prononce est Sansevero. Mon voisin se détourne en faisant la grimace.

  • Sentiment du temps

    The Mortal Storm, de Frank Borzage.

    La journée est finie, la nuit est tombée. Le Professeur Roth est seul dans l’amphithéâtre. Un peu plus tôt, Roth et une partie de ses étudiants se sont violemment affrontés pendant la classe à propos du contenu des cours. Les opposants se sont levés, ont prononcé le boycott et le groupe ainsi déclaré a quitté les lieux. A présent tout est tranquille : Roth range son bureau comme on le fait chaque soir avant de rentrer chez soi ; tout aussi ordinairement, au moment de partir, il fait jouer l’interrupteur qui commande l’extinction des lampes. On voit alors, dans l’obscurité, vaciller, sur les hauts murs de la salle, des lueurs et des ombres. Elles reflètent à travers les grandes croisées les bûchers dressés dehors, où sont jetés, où brûlent les livres.

    (Moments perdus, instants qui précèdent ou qui suivent, sans paroles et sans actes marqués, dont la banalité est contredite par le pressentiment ou l'intelligence de la catastrophe. C'est dans ces moments-là que vit l'humanité, qu'elle se révèle, et ceux qui ne peuvent en partager le sens sont des brutes.)

  • Gabriel Nash, the merman

    [Gabriel Nash :] (...) "What we like, when we're unregenerate, is that a new-comer should give us a password, come over to our side, join our little camp or religion, get into our little boat, in short, whatever it is, and help us to row it. It's natural enough; we're mostly in different tubs and cockles, paddling for life. Our opinions, our convictions and doctrines and standards, are simply the particular thing that will make the boat go-- our boat, naturally, for they may very often be just the thing that will sink another. If you won't get in people generally hate you."

    "Your metaphor's very lame," said Nick. "It's the overcrowded boat that goes to the bottom."

    "Oh I'll give it another leg or two! Boats can be big, in the infinite of space, and a doctrine's a raft that floats the better the more passengers it carries. A passenger jumps over from time to time, not so much from fear of sinking as from a want of interest in the course or the company. He swims, he plunges, he dives, he dips down and visits the fishes and the mermaids and the submarine caves; he goes from craft to craft and splashes about, on his own account, in the blue, cool water. The regenerate, as I call them, are the passengers who jump over in search of better fun. I jumped over long ago."

    "And now of course you're at the head of the regenerate; for, in your turn"--Nick found the figure delightful--"you all form a select school of porpoises."

    "Not a bit, and I know nothing about heads--in the sense you mean. I've grown a tail if you will; I'm the merman wandering free. It's the jolliest of trades!"

    (James - The Tragic Muse)