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  • Jean Fouquet (2)

    Exilé dans le département des objets d'art (la technique l'emporte sur l'artiste), un étage en dessous du Guillaume des Ursins et du Charles VII, l'autoportrait de Jean Fouquet. Email peint sur cuivre : le métal est comme le tain du miroir où le peintre a pris son image ; ses yeux vivants y sont fixés entre les deux termes de son nom et attestent à l'égal de celui-ci, avec gravité, la présence solitaire du peintre. (A notre tour, nous pouvons la constater en ajustant notre regard à la pièce ronde, oeilleton percé dans l'épaisseur jaune du temps.)

  • Schumann, Mahler (1&2)

    Concerts Salle Pleyel.

    (Rien sur Robert).

    Des Knaben Wunderhorn de Mahler. Selon l’ordre du concert, les onze lieder chantés pouvaient se grouper ainsi : d’abord trois poèmes en forme de dialogues "intérieurs" entre l'homme et la bien-aimée, les deux voix dites par une seule  : Der Schildwache Nachtlied, Rheinlegendchen, Wo die schönen Trompeten blasen. Puis "le diptyque de la vie humaine" : das Irdische Leben et Urlicht (sans interruption). Quatre poèmes satiriques : Lied der Verfolgten im Turm, Verlorene Müh’, des Antonius von Padua Fischpredigt, Lob des hohen Verstandes. Le final macabre et militaire : Revelge et der Tambourg’sell.

    Wo die schönen Trompeten blasen était un enchantement. A l’aube, alors que résonne, comme une rougeur au loin, l’appel assourdi des trompettes : qui frappe tout bas à ma porte ? L'autre voix entre, répondant avec la tendresse la plus aimante : c’est l’être le plus cher à ton cœur. Une voix accueille et l'autre est accueillie, celle-là pleure et celle-ci console, l'une est un spectre, peut-être, et l'autre rêve : et c'est la même ; elles sont réunies dans un seul souffle, sous le ciel où sonnent les belles trompettes.

    Des Tambourg'sell : un condamné à mort est mené au gibet. La voix est d'abord sourde et sonnante, pleine de désespoir et de refus, selon le rythme de la marche funèbre. Puis la colère, l'amertume, se retirent ; la voix, saisie par l'émotion, prend congé du monde.

  • Bach

    Cantates BWV 38, 70 et 30, salle Pleyel.

    (Trois souvenirs : au début la première cantate, les trombones placés dans le chœur avec lequel leur sonorité fait bloc (formant comme la clé de la voûte). L’allégresse du choeur qui ouvre la deuxième cantate, que ne dérange pas même l’évocation de « la fin du monde ». L’air très allant de l’alto dans la troisième, accompagnée par une flûte pastorale : comme l'entrée au jardin d’Eden.)

  • Jean Fouquet

    Visite du Musée Condé à Chantilly. J’avais oublié combien les enluminures de Jean Fouquet pour le livre d’heures d’Etienne Chevalier étaient extraordinaires. C’est d’abord la surprise de trouver les dernières innovations italiennes acclimatées en plein quinzième siècle français : on pense aux tableaux de Fra Angelico et particulièrement aux petites scènes de ses prédelles. Les décors renaissance et les costumes antiques des apôtres doivent venir d’Italie ; ils sont mêlés avec des architectures gothiques et des armements ou des habits du même monde (Les aiguillettes nouées ou dénouées, les grandes coiffes rondes des servantes). Je ne sais pas à quelle tradition appartiennent les motifs particuliers de la Trinité (représentée sous la forme de trois personnages identiques) ou du théâtre à l’arrière-plan du martyre de Sainte Apolline.

    Perspective centrale (le plus souvent), inscription cohérente des personnages avec leurs relations et leurs mouvements dans les trois dimensions de l’espace, représentation des volumes et des gestes : les découvertes de la Renaissance italienne sont mises en œuvre avec la plus grande maîtrise. Les arrangements sont complexes ; les figures apparaissent de dos, de trois-quarts ou de profil ; des volumes autonomes sont imbriqués l’un dans l’autre.
    Dans la Cène, les convives sont assis en rond dans l’angle d’une pièce. Dans le Christ devant Pilate, il y a un espace situé en avant et en dessous de la scène principale où on voit les deux larrons sortir de leur geôle. Dans le Martyre de Saint Jacques, le geste du bourreau qui va brandir et faire tourner l’épée est déjà inscrit dans le déploiement de son corps. Dans une autre scène, l’attitude de Saint Etienne est magnifiquement soulignée par  les deux lignes verticales de la dalmatique qui se brisent selon son agenouillement.

    Enfin l’art de Fouquet ne s’arrête pas à cette assimilation : il y a encore dans ces miniatures d’admirables portraits (Etienne Chevalier, le roi Charles VII),  un traitement particulier de la lumière (le crépuscule de la Descente de croix, le nocturne de l’Arrestation du Christ) ou l’inscription réussie des figures dans un arrière-plan de paysages, qui souvent reproduit des sites et des monuments réels, notamment parisiens.

  • La Fiancée vendue

    A l'opéra Garnier.

     Les amours de Marenka et Jenik sont menacées : les parents ont d'autres projets de mariage pour leur fille. Mais les deux jeunes gens seront plus malins que le marieur et triompheront encore d'un prétendant bègue et d'une marâtre autoritaire. Rien d'inattendu dans ce canevas (sauf peut-être la place centrale du marieur, qui donne à l'ensemble une allure archaïque). Le village chante et danse et commente l'intrigue mais ne s'interpose guère. La musique est rapide et joyeuse ; les personnages chantent souvent par deux, trois ou quatre, ensemble la même phrase. Les vents teignent quelquefois la besogne des cordes d'une jolie couleur (Quand Jenik proclame : Je viens de Moravie ! on pourrait entendre comme un prélude aux Chants du compagnon errant, mais cela tourne court). Malgré tout (la faute à la musique, aux musiciens ou au metteur en scène ?), on s'ennuie. 

  • Haendel

    Au Concertgebouwd'Amsterdam.

    (Pas de chance. Je ne pense pas que la musique jouée ce soir soit bien adaptée à l'acoustique fameuse de la salle : l'écho démultiplie les sonneries des cors et des trompettes debout de part et d'autre de l'estrade, ravale les cordes. La troupe nombreuse des bassons et des hautbois au fond (combien sont-ils ?) semblent jouer sur un tout autre plan sonore. Accablé par les résonances, je profite de l'entracte pour déguerpir.)

  • Armide

    Armide, de Lully, au Théâtre des Champs-Elysées.

    Etait-ce la musique elle-même, la façon dont elle était jouée ou un effet de la mise en scène ? j'ai trouvé langoureux et presque mélancoliques les divertissements galants, les enchantements qui bercent Renaud, la ronde des Plaisirs ou la Passacaille. Les chansons parlent de jeunesse et du printemps mais la lumière jaune et horizontale figure l'automne du sentiment. A la fin Renaud congédie les Plaisirs et ceux-ci viennent s'incliner devant lui comme la Joie de l'Ode à la Mélancolie, whose hand is ever at his lips bidding adieu.

    L'amour d'Armide s'exprime par l'inquiétude et par le pressentiment funeste : Armide craint d'abord d'aimer puis elle craint d'être abandonnée ; elle est seule, Renaud est endormi ou envoûté par ses soins, et son malheur semble l'effet de ses propres paroles sans réponse. Trop lucide, elle ne peut être la dupe de ses enchantements et la Haine convoquée des Enfers est impuissante à la guérir de son inclination. Dans cette belle scène, pour finir, la Haine et tous les démons, à sa suite, s'éloignent d'elle et le baiser qu'ils lui donnent est comme une morsure.